Gestion locale des moyens de production dans le delta du fleuve Rouge - article ; n°158 ; vol.40, pg 451-466
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Tiers-Monde - Année 1999 - Volume 40 - Numéro 158 - Pages 451-466
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Philippe Fontenelle
Gestion locale des moyens de production dans le delta du fleuve
Rouge
In: Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°158. pp. 451-466.
Citer ce document / Cite this document :
Fontenelle Jean-Philippe. Gestion locale des moyens de production dans le delta du fleuve Rouge. In: Tiers-Monde. 1999, tome
40 n°158. pp. 451-466.
doi : 10.3406/tiers.1999.5314
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1999_num_40_158_5314GESTION LOCALE
DES MOYENS DE PRODUCTION
DANS LE DELTA
DU FLEUVE ROUGE
Jean-Philippe Fontenelle*
A travers deux études de cas, l'une portant sur l'irrigation et l'autre
sur la gestion des buffles, cet article analyse l'évolution de la gestion des
moyens de production dans le delta du fleuve Rouge, depuis la transmis
sion par l'État des structures collectivistes aux foyers paysans. Cette
gestion apparaît influencée par l'existence de contraintes externes, qui
favorisent le maintien déformes collectives d'organisation du travail. Les
agriculteurs ne les rejettent pas, mais restreignent la taille des groupes
impliqués, comparativement à l'époque collectiviste. Ces groupes varient
selon les activités mais restent homogènes pour un moyen de production
donné. Ils sont centrés sur des unités sociales qui étaient déjà actives
dans la gestion des mêmes moyens de production durant la période préc
ollectiviste, la famille proche et le village, ce qui soulève un certain
nombre de questions.
Les réformes agricoles engagées par l'État vietnamien à partir
de 1981 (résolution n° 100) ont tout d'abord permis aux foyers coopé-
rateurs paysans de bénéficier directement des fruits de leur travail par
la mise en place de « contrats » de production, « louant aux paysans
une certaine superficie de rizière contre une contribution fixe comme
dans le système de métayage »'. Puis, avec la résolution n° 10 de 1988,
la définition des « contrats » fut élargie avec « une location de terre
aux paysans, en les laissant investir eux-mêmes avec une rente plus
* Ingénieur agronome, Programme fleuve Rouge, gret, ambassade de France, Hanoi, Vietnam.
1. Dao The Tuân, 1998.
Revue Tiers Monde, t. XL, n° 158, avril-juin 1999 452 Jean-Philippe Fontenelle
faible »'. L'exploitation familiale était alors reconnue comme unité de
production autonome. Enfin, avec la nouvelle loi foncière de 1993, les
foyers ont obtenu de l'État, pour une durée de vingt ans, l'utilisation
des terres de rizière, reconductible et transmissible, qui jusqu'alors res
tait le bien des coopératives2. En l'espace de douze années, les trois
facteurs de production, travail, capital et terre, furent officiellement
transmis de structures de production collectivistes, les coopératives
agricoles, aux foyers paysans vietnamiens, par l'entremise de réformes
qui ne faisaient qu'avaliser une situation préexistante localement dans
certaines régions du delta du fleuve Rouge3.
Les trois décennies de collectivisme se sont soldées par une dispari
tion partielle voire totale d'un grand nombre de structures officielles
de gestion de la production agricole, les coopératives4. Les filières éta
tiques de diffusion des techniques et d'approvisionnement en intrants
se sont trouvées désorganisées au profit d'un secteur privé en essor.
Dans le secteur de l'hydraulique agricole, les grands périmètres irr
igués gérés par les compagnies étatiques ont fait place à une multitude
de petits réseaux communaux ou villageois gérés localement5. Cette
situation a permis aux chefs d'exploitation de diversifier leur product
ion ainsi que leurs techniques de culture, selon des critères propres à
l'expérience et aux choix de chacun6.
Si nous pouvons avancer que depuis la fin des années 1980 une
agriculture familiale existe au Nord- Vietnam, nous ne connaissons pas
les modes d'organisation, et moins encore leur logique sous-jacente,
mis en œuvre par les foyers paysans pour la réalisation des différents
travaux agricoles7. L'attitude paysanne visant à s'affranchir des règles
collectivistes imposées par l'État, s'est en effet traduite par un isol
ement institutionnel des exploitations agricoles face au marché nais
sant ; la disparition des anciennes structures collectivistes d'enca
drement n'a pas entraîné leur remplacement par de nouvelles
structures formelles d'organisation collective de la production, à même
d'appuyer les producteurs.
Ce vide institutionnel est-il dû à l'existence de logiques individuell
es propres aux familles paysannes, qui s'opposent à toute forme de
structuration collective de la production ? Faut-il au contraire limiter
la portée du rejet paysan au seul refus de voir l'État s'impliquer dans
1. Op. cit., 1998.
2. Law on land, 1993.
3. Yvon-Tran, 1994 ; Dao The Tuân, 1995 ; Kerkvliet, 1995.
4. Dao The Tuân, 1998.
5. Fontenelle et Tessier, 1997.
6. Barbier et al, 1997.
7. Dreyfus, 1995. Gestion locale des moyens de production 453
la production agricole? Nous essaierons d'apporter des éléments de
réponse à ces questions, par la présentation des changements opérés
dans la gestion de deux moyens de production : l'eau pour l'irrigation
et les buffles pour les labours. Nous nous fonderons sur les résultats
de recherche obtenus dans le district de Nam Thanh, province de Hai
Duong, dans le cadre du Programme fleuve Rouge (pfr)1.
LE DÉMANTÈLEMENT
DES GRANDS PÉRIMÈTRES IRRIGUÉS COLLECTIVISTES
Le delta du fleuve Rouge est caractérisé par un réseau continu de
digues qui isole les fleuves des terres agricoles et des agglomérations.
Les digues ont pour fonction de protéger la population des crues des
fleuves, mais elles présentent l'inconvénient de bloquer l'évacuation
gravitaire des eaux de ruissellement durant la saison de mousson, ainsi
que l'accès à l'eau des fleuves pour l'irrigation des terres durant la sai
son sèche. Les autorités ont au cours du temps travaillé à améliorer les
flux hydriques, par la construction d'écluses passant sous les digues
ainsi que le creusement de chenaux de connexion ou le surcreusement
d'arroyos2 préexistants. Enfin, les progrès technologiques ont permis
de s'affranchir des contraintes de la gravité par l'ajout de stations de
pompage pour l'irrigation et le drainage3.
Le système hydraulique moderne du delta a été conçu au début des
années 1960, dans le cadre de la collectivisation des outils et moyens
de production. Sa mise en place fut associée à la création de parcelles
collectivisées gérées par des groupes de travail en commun, au sein de
coopératives de niveau inférieur qui correspondaient aux anciens villa
ges4. Les choix techniques ont obéi à une volonté politique de modern
isation de la société nord-vietnamienne « arriérée », par l'intr
oduction des « sciences et techniques d'avant-garde »5. La vision
politique de l'époque a conduit à l'élaboration de systèmes d'irrigation
conçus sur la base de critères théoriques, et non pratiques,
1. Programme franco-vietnamien de coopération portant sur l'étude et l'amélioration des conditions
de production des familles paysannes nord-vietnamiennes.
2. Un arroyo est un canal ou chenal reliant deux cours d'eau en pays tropicaux. Il peut être naturel
ou artificiel.
3. Fontenelle, 1998.
4. « On ne peut [...] concevoir au Nord- Vietnam une coopérative agricole stable sans un programme
hydraulique bien conçu, et la réalisation d'importants travaux hydrauliques est impossible en dehors de
l'agriculture coopérée » (Duong Binh, 1974).
5. Les Constitutions du Vietnam, 1995. 454 Jean-Philippe Fontenelle
tels que les besoins moyens en eau du riz, l'accès direct et gravitaire à
l'eau pour toutes les parcelles, et de critères économiques afin que
l'investissement en matériel de pompage reste le plus bas possible. A
aucun moment ne fut pris en compte un savoir-faire paysan pourtant
millénaire1. Cette démarche aboutit à la création de vastes périmètres
irrigués de plusieurs milliers d'hectares, dont le fonctionnement repos
ait sur le principe du tour d'eau2. La durée et les dates des pompages
étaient fixées par les responsables de stations centralisées approvision
na

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