Illusions de poids - article ; n°1 ; vol.1, pg 198-208
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Description

L'année psychologique - Année 1894 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 198-208
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1894
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Th. Flournoy
Illusions de poids
In: L'année psychologique. 1894 vol. 1. pp. 198-208.
Citer ce document / Cite this document :
Flournoy Th. Illusions de poids. In: L'année psychologique. 1894 vol. 1. pp. 198-208.
doi : 10.3406/psy.1894.1051
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1894_num_1_1_1051VIII
DE L'INFLUENCE DE LA PERCEPTION VISUELLE
DES CORPS SUR LEUR POIDS APPARENT
La non-existence des sensations dïnnervation proprement
dites est un point sur lequel les psychologues sont à peu près
d'accord aujourd'hui, mais qui n'en heurte pas moins le sent
iment naturel, tant il nous semble que nous avons directement
conscience de la dépense d'énergie effectuée dans tout effort
physique volontaire. Aussi serait-il avantageux, dans l'ense
ignement pratique, de pouvoir démontrer ce point d'une manière
à la fois simple et probante, sans recourir à des cas patholo
giques que l'on n'a pas toujours sous la main ou à des expé
riences de laboratoire trop longues et délicates. Le procédé sui
vant, qui a la valeur d'un experimentum crucis, m'a rendu à
cet égard de bons services, et me paraît propre à compléter
utilement les expériences déjà en usage telles que celles du
« Laboratory course * de M. SanfordMl consiste à charger une
personne non prévenue de classer suivant leur poids une col
lection d'objets différents de forme, de nature et de grosseur,
mais qui en réalité pèsent tous la même chose. On constate
qu'après quelques tâtonnements elle les aligne dans un ordre
qui se trouve être en gros celui de leur volume, les plus petits
lui paraissant les plus lourds. Si on lui révèle alors leur égalité
de poids, elle en reste stupéfaite et il faut recourir à la balance
pour la convaincre de son erreur de perception, qui d'ailleurs
subsiste en dépit de ce démenti objectif.
Cette expérience élémentaire prouve à l'évidence que nous
n'avons pas directement conscience des impulsions motrices
que notre cerveau lance à nos muscles ; autrement nous senti
rions bientôt que le soupèsement de tous ces objets exige la
même dépense d'énergie et ne tomberions pas dans l'erreur de
croire que les plus petits sont les plus lourds ; nous serions bien
(1) Americ. Journ. of Psychology, iv, p. 153, n° 43. FLOURNOY. — ILLUSIONS DE POIDS 199 TH.
plutôt exposés à l'illusion inverse et devrions trouver que ce
sont les plus gros qui pèsent le plus, en raison de la plus puis
sante impulsion motrice que nous leur appliquons instinctive
ment. Tout s'explique au contraire en admettant : 1° Que la
sensation d'effort moteur est purement kinesthésique, c'est-
à-dire provient des effets périphériques d'une innervation qui
reste elle-même entièrement inconsciente à son point de départ
cérébral ; et qu'en particulier la perception du poids d'un objet
dépend de la vitesse avec laquelle s'effectue le déplacement,
souvent infinitésimal, du membre qui le soupèse1. — 2° Qu'en
vertu d'une expérience héréditaire l'impulsion cérébrale i
nconsciente se proportionne automatiquement au poids pro
bable et par conséquent, toutes choses égales d'ailleurs, au
volume visible des corps que nous désirons soulever ; de là une
plus grande vitesse communiquée aux gros objets dans l'expé
rience ci-dessus, d'où résulte leur apparente légèreté.
Une objection toutefois se présente, c'est qu'il se pourrait que
les sensations d'innervation cérébrale fussent, non pas absentes,
mais seulement masquées ou altérées par les différences de
contact que nous procure le maniement d'objets dissemblables.
On a en effet cherché parfois à expliquer ainsi l'influence du
volume sur le poids apparent. Naguère encore M. Charpentier,
qui est un partisan convaincu des sensations d'innervation,
interprétait de la sorte le fait connu (dont l'expérience ci-dessus
n'est au fond qu'une application plus étendue) que de deux
boules de même poids réel, l'une pleine et petite, l'autre vide
et volumineuse, la seconde paraît beaucoup plus légère, et il
en concluait que « nous apprécions bien plutôt dans un objet la
pression spécifique pour ainsi dire, c'est-à-dire la pression qu'il
exerce sur l'unité de surface du corps, que la pression totale *. »
II est incontestable que les sensations cutanées (contact, pres
sion, température) jouent quelquefois un rôle dans l'apprécia
tion du poids. Mais il n'est guère admissible que ce rôle puisse
aller jusqu'à fausser complètement les sensations d'innervation
supposées existantes, et on peut tout aussi bien penser que
l'exagération de lourdeur apparente de la petite boule tient,
non à la concentration de son poids sur une surface, mais
(1) Voir le mémoire de MM. Müller et Schumann, Ueber die psychologischen
Grundlagen der Vergleichung gehobener Geivichle, surtout les §§ 3 à 5.
{Archives de Pflüger, 1889, t. XLV, p. 55 suiv.)
(2) A. Charpentier. Analyse de quelques éléments de la sensation de poids.
Archives de Physiologie, 1891, p. 127. L'ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. 1894 200
à ce que la perception tactile ou visuelle de son moindre
volume diminue d'une façon réflexe l'innervation inconsciente
que nous lui appliquons.
Pour élucider ce point et supprimer l'influence des diff
érences de contact, on peut, soit employer des corps tels que
leur préhension les mette à peu près tous en rapport avec la
même étendue de peau, soit abolir complètement toute commun
ication directe avec eux en les soulevant par l'intermédiaire
d'un fil. J'ai successivement suivi ces deux méthodes qui, comme
on va le voir, ont abouti au même résultat : les inégalités appa
\
rentes de poids sont inexplicables par les différences de contact.
Ma collection de poids comprend les objets vulgaires sui
vants, tarés de façon à peser chacun 112 grammes : une boîte
LU à cigares en bois léger, vide et sans couvercle, d'une conte
nance d'environ 2,100 centimètres cubes ; deux enveloppes
fermées, dont l'une mesurant 21 centimètres sur 14 est bourrée
de papier qui porte son épaisseur à près de 2 centimètres,
tandis que l'autre est un peu plus petite (19, 5 sur 12) et beau
coup plus mince, étant lestée de feuilles de plomb; une boîte
de sinapismes Rigollot; un étui à pastilles Géraudel ; une petite
bouteille en verre noir ; un œuf de bois ; un petit plat de plomb ;
un cendrier de porcelaine ; un petit étui métallique, de 10 cen
timètres cubes, plein de plomb coulé.
Dans un premier groupe d'expériences, qui a porté sur
50 personnes, le sujet auquel ces dix corps étaient présentés en
désordre sur une table, avec prière de les aligner suivant leur
poids, restait absolument libre de les saisir et de les comparer
à sa guise. De là de grandes diversités dans la manière de s'y
prendre, qui ne sont pas- sans intérêt psychologique lorsqu'on
les rapproche du caractère et du tempérament des individus,
mais qu'on ne peut décrire brièvement. Je me borne à dire que
deux personnes seulement ont arrangé les objets dans la direc
tion antéro-postérieure (sagittale, comme disent les Allemands),
plaçant le plus près d'elles celui qui leur semblait le plus léger,
et le plus lourd le plus loin ; toutes les autres ont adopté l'a
lignement transversal, plus conforme à la disposition de la
table, et celles qui ont mis à gauche les objets censément les
plus pesants et à droite les plus légers sont deux fois plus nom
breuses (31) que celles qui les ont situés dans l'ordre inverse
(15; dans 2 cas le sens n'a pas été noté).
De ces 50 personnes, une seule, très exercée a estimer le
poids réel des corps d'après leur nature et leur volume, a dia- FLOURNOY. — ILLUSIONS DE POIDS 201 TH.
gnostiqué l'égalité de poids; encore l'a-t-elle plutôt inférée à la
suite de savantes manipulations que réellement sentie, car tout
en se refusant à les ordonner en une série linéaire, elle les a
cependant divisés en deux groupes de 5, dont l'un lui semblait
plus lourd et comprenait effectivement les objets

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