Images en transit dans le Lenz de Büchner - article ; n°118 ; vol.32, pg 7-22
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Images en transit dans le Lenz de Büchner - article ; n°118 ; vol.32, pg 7-22

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 2002 - Volume 32 - Numéro 118 - Pages 7-22
Büchner exprime dans son récit Lenz le rêve du poète Sturm und Drang venu se réfugier dans les Vosges dans l'espoir d'échapper à sa folie. Il voudrait être une tête de Méduse pour figer en tableaux les splendides paysages afin de retenir leur beauté pour l'éternité. Or ce rêve d'une nature qui devienne ouvre sans l'intervention de l'art s'effondre au cours du récit, la folie du poète l'emportant sur la beauté des paysages. À travers ce constat, Büchner interroge les rapports entre la folie de Lenz et sa vision esthétique, exprimée avec passion dans un échange avec son ami Kaufmann. Désirer la beauté de la nature sans l'artifice de l'art c'est prendre le risque de se perdre en elle ou par elle. Soit que la force aveugle de la nature écrase le poète, soit que le poète l'absorbe dans son monde intérieur plein d'angoisse. En renonçant à écrire, Lenz a radicalisé sa position de poète Sturm und Drang au profit d'une relation fusionnelle avec la nature qui l'a détruit.
Büchner, in Lenz, expresses the dream of his Sturm und Drang poet seeking refuge in the Vosges in the hope of escaping front his madness. He would have liked to be a Gorgon's head so as to fix the image of the magnificent landscapes and thereby retain their beauty for eternity. However this dream of nature that becomes art without the mediation of art itself dissolves, whilst the madness of the poet overpowers the beauty of the landscapes. Büchner thus explores the relationship between Lenz's madness and his aesthetic vision as passionately outlined in a discussion with his friend Kaufmann. To desire beauty in nature without recourse to the artifice of art is to run the risk of losing oneself in and through that very nature. Either the brute force of nature crushes the poet or the poet is capable of absorbing it into his anguished inner world. In refusing to write, Lenz pushes his position as a Sturm und Drang poet a step further to the point of bonding with a nature that has destroyed him.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 69
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Marie-Victoire Nantet
Images en transit dans le Lenz de Büchner
In: Romantisme, 2002, n°118. pp. 7-22.
Citer ce document / Cite this document :
Nantet Marie-Victoire. Images en transit dans le Lenz de Büchner. In: Romantisme, 2002, n°118. pp. 7-22.
doi : 10.3406/roman.2002.1159
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_2002_num_32_118_1159Abstract
Büchner, in Lenz, expresses the dream of his Sturm und Drang poet seeking refuge in the Vosges in
the hope of escaping front his madness. He would have liked to be a Gorgon's head so as to fix the
image of the magnificent landscapes and thereby retain their beauty for eternity. However this dream of
nature that becomes art without the mediation of art itself dissolves, whilst the madness of the poet
overpowers the beauty of the landscapes. Büchner thus explores the relationship between Lenz's
madness and his aesthetic vision as passionately outlined in a discussion with his friend Kaufmann. To
desire beauty in nature without recourse to the artifice of art is to run the risk of losing oneself in and
through that very nature. Either the brute force of nature crushes the poet or the poet is capable of
absorbing it into his anguished inner world. In refusing to write, Lenz pushes his position as a Sturm und
Drang poet a step further to the point of bonding with a nature that has destroyed him.
Résumé
Büchner exprime dans son récit Lenz le rêve du poète Sturm und Drang venu se réfugier dans les
Vosges dans l'espoir d'échapper à sa folie. Il voudrait être une tête de Méduse pour figer en tableaux
les splendides paysages afin de retenir leur beauté pour l'éternité. Or ce rêve d'une nature qui devienne
ouvre sans l'intervention de l'art s'effondre au cours du récit, la folie du poète l'emportant sur la beauté
des paysages. À travers ce constat, Büchner interroge les rapports entre la folie de Lenz et sa vision
esthétique, exprimée avec passion dans un échange avec son ami Kaufmann. Désirer la beauté de la
nature sans l'artifice de l'art c'est prendre le risque de se perdre en elle ou par elle. Soit que la force
aveugle de la nature écrase le poète, soit que le poète l'absorbe dans son monde intérieur plein
d'angoisse. En renonçant à écrire, Lenz a radicalisé sa position de poète Sturm und Drang au profit
d'une relation fusionnelle avec la nature qui l'a détruit.Marie-Victoire NANTET
Images en transit dans le Lenz de Biichner
Wie ich gestern neben am Tal hinaufging, sah ich auf einem Steine zwei Màdchen
sitzen, die eine band ihre Haare auf die andre half ihr; und das goldne Haar hing
herab, und ein ernstes bleiches Gesicht, und doch so jung, und die schwarze Tracht
und die andre so sorgsam bemiiht. Die schônsten, innigsten Bilder der altdeutschen
Schule geben kaum eine Ahnung davon. Man môchte manchmal ein Medusenhaupt
sein, uni so eine Gruppe in Stein verwandeln zu kônnen, und den Leuten zurufen. l
Hier, en remontant à flanc de vallée, j'ai vu deux jeunes filles assises sur un rocher,
l'une d'entre elles était en train de nouer ses cheveux, et l'autre l'aidait; et sa chevel
ure dorée tombait, et ce visage sévère et pâle, et si jeune pourtant, et ce costume
noir, et l'autre si affairée. Les images les plus belles, les plus intenses de toute la
vieille école allemande ne donnent qu'une idée très lointaine de cela. Parfois, on
voudrait être une tête de Méduse et pouvoir métamorphoser en pierre un groupe
comme celui-là, et appeler les gens. 2
La touchante image offerte à notre regard s'inscrit dans le cadre d'un échange sur le
Beau qui oppose le jeune poète Sturm und Drang Lenz à son ami Kaufmann. En
m'exprimant ainsi, j'escamote le plan d'une fiction qu'il faut pourtant rétablir si l'on
veut bien comprendre les virtualités de cette image proposée comme exemple au service
d'une argumentation, certes, mais engagée aussi dans un récit qui l'exploite à d'autres
fins peut-être que celles programmées par le discours.
Ce récit entrepris en 1 835 a pour titre Lenz. Biichner, son auteur mort à 23 ans en
1837, ne l'a pas achevé, de sorte que la version fragmentaire dont nous héritons recoupe
tragiquement la vie inaccomplie de son héros éponyme, le poète Lenz, devenu fou. Tel
est en effet le sujet de Biichner ainsi annoncé dans une lettre envoyée de Strasbourg
où il se trouve en exil à sa famille, en octobre 1835: « [...] Je me suis procuré ici
toutes sortes de notes intéressantes sur un ami de Goethe, un malheureux poète
nommé Lenz, qui a séjourné ici en même temps que Goethe et qui est devenu à moitié
fou» 3. Parmi ces notes, un document exceptionnel, le Journal du pasteur Oberlin, offre
à Biichner le scénario de son récit. Du 20 janvier au 5 février 1778, Oberlin recueillit
en effet dans son village des Vosges Lenz, dans un état de délabrement psychique
qu'il ne put enrayer. Il fallut le renvoyer manu militari à Strasbourg. Désolé de son
échec et soucieux de prouver qu'il avait agi pour le mieux, Oberlin rédigea un rapport
destiné à ceux qui allaient prendre en charge le poète devenu dangereux pour lui-
même et les autres.
Tel qu'il est rédigé, avec ses repères de temps et de lieux, ses descriptions éton
nées du comportement de Lenz et la transcription fidèle de ses paroles de fou, le
Journal d' Oberlin offre au lecteur un récit en puissance, dont le Lenz de Biichner
1. Georg Bûchner, Lenz, Studienausgabe, hrsg. von Hubert Gersch, Stuttgart, Reclam, 1984, p. 14.
2. « Lenz», traduction de Jean-Pierre Lefebvre, dans Georg Biichner, Œuvres complètes, inédits et lettres,
édition publiée sous la direction de Bernard Lortholary, Le Seuil, 1988, p. 179.
3. Georg Biichner, Œuvres complètes, inédits et lettres, p. 543.
ROMANTISME n° 1 18 (2002-4) Marie- Victoire Nantet 8
accouche grâce à l'émergence d'une double scène qui construit solidairement l'espace
de la fiction, à savoir le paysage des Vosges et la psyché du héros. Entre l'un et
l'autre se joue une histoire où nous précipite sans ménagement le pas rapide de Lenz
en route vers le village de Waldesbach, au tout début du récit.
Den 20. ging Lenz durchs Gebirg. Die Gipfel und hohen Bergfldchen im Schnee, die
Tàler hinunter graues Gestein, griine Flàchen, Felsen und Tannen. Es war nafikalt, das
Wasser rieselte die Felsen hinunter und sprang iiber den Weg. Die Àste der Tannen
hingen schwer herab in die feuchte Luft. Am Himmel zogen graue Wolken, aber ailes so
dicht, und dann dampfte der Nebel herauf und strich schwer und feucht durch das
Gestràuch, so trdg, so plump. 4
Le 20, Lenz passa par la montagne. Neige en altitude, sur les flancs et les sommets ; et
dans la descente des vallées, pierraille grise, étendues vertes, rochers, sapins. L'air était
trempé, froid; l'eau ruisselait le long des rochers et sautait en travers du chemin. Les
branches des sapins pendaient lourdement dans l'atmosphère humide. Des nuages pas
saient dans le ciel, mais tout était d'une densité ... puis le brouillard montait, vapeur
humide et lourde qui s'insinuait dans l'épaisseur des fourrés, si molle, si flasque.5
Le lecteur voit sans voir un paysage que Lenz parcourt sans le regarder, présent,
pressant, oppressant même. L'un et l'autre ont hâte de le traverser pour atteindre leur
but, ce village qui brille dans la nuit pour Lenz, début probable de l'action pour le
lecteur impatient. Ni l'un ni l'autre ne savent qu'ils sont déjà rentrés dans l'histoire
par le sas de ce milieu à la frontière du dehors et du dedans qu'est cette montagne
sous la neige, exprimée en termes de mouvante densité. Puis cinq jours passent, au
cours desquels l'étranger est accueilli comme un fils par Oberlin, diverti, occupé, invité
même à prêcher le jour du Seigneur, cinq jours ponctués d'angoisses terribles, mais
dont on pense qu'elles vont se dissoudre dans le calme d'un univers ordonné, comme
en témoigne le regard posé sur lui par Lenz au cours d'une promenade à cheval en
compagnie de son hôte.
[...] ; breite Bergflâchen, die aus grofier Hohe sich in ein schmales, gewundnes Tal
zusammenzogen, das in mannichfachen Richtungen sich hoch an den Bergen hinaufzog,
grofie Felsenmassen, die sich nach unten ausbreiteten, wenig Wald, aber ailes im
grauen ernsten Anflug, eine Aussicht nach Westen in das Land hinein und auf die Berg-
kette, die sich grad hinunter nach Suden und Norden zog

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents