Immigrés africains devant la caméra - article ; n°1 ; vol.60, pg 141-151
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Description

Journal des africanistes - Année 1990 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 141-151
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Barou
Immigrés africains devant la caméra
In: Journal des africanistes. 1990, tome 60 fascicule 1. pp. 141-151.
Citer ce document / Cite this document :
Barou Jacques. Immigrés africains devant la caméra. In: Journal des africanistes. 1990, tome 60 fascicule 1. pp. 141-151.
doi : 10.3406/jafr.1990.2300
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1990_num_60_1_2300JACQUES BAROU
Immigrés africains devant la caméra
En mars 1984, TF1 a diffusé une série de reportages télévisés intitulée « Exils »
et consacrée à la description de plusieurs petits groupes d'immigrés et de réfugiés
installés en France.
Le réalisateur de cette série cherchait à rencontrer un ethnologue susceptible
de le mettre en contact avec une communauté sénégalaise ayant conservé des liens
assez forts avec sa région d'origine afin de construire un scénario autour des échan
ges entre les deux groupes.
C'est dans ce cadre-là que j'ai été amené à reprendre contact (Barou 1978)
avec diverses communautés africaines vivant dans les foyers de la région parisienne
jusqu'à en rencontrer une dont le profil correspondait d'assez près à ce que cher
chait le réalisateur.
En dehors de ce travail de mise en contact, le rôle qui m'était imparti impli
quait aussi un suivi des relations entre « acteurs » et réalisateurs, suivi qui entraî
nait nécessairement un certain nombre d'interventions ponctuelles pour faciliter
d'une part la compréhension des objectifs du film par la population filmée, et
d'autre part la des réactions de cette dernière par les membres de
l'équipe de télévision.
Mais ce travail d'intervention permet et même impose un certain nombre
d'observations car le fait d'être placée devant une caméra amène la communauté
à s'interroger sur l'image qu'elle peut donner d'elle-même à l'extérieur et à réagir
en fonction de cela. Ces réactions peuvent tout à fait s'intégrer au contenu du film
qui, à certains moments et à l'insu des réalisateurs, est réapproprié par la commun
auté qui en profite pour faire passer un certain nombre de « messages » qui s'adres
sent avant tout à ses membres, et qui sont porteurs de significations par rapport
à une certaine vision que le groupe filmé cherche à construire de lui-même. Mais
les réactions induites par la conscience de la position de sujets filmés peuvent aussi
exprimer un certain nombre de malaises qui sont avant tout révélateurs des ten
sions existantes entre des gens de position sociale différente et nourrissant, de ce
fait, des soucis contradictoires par rapport à l'image globale qui doit être donnée
du groupe.
Il y a donc là l'opportunité d'observer le dévoilement des contradictions inter
nes d'une société et de sa volonté de surmonter ces contradictions. Le champ
d'observation était en l'occurrence d'autant plus riche que le film avait pour objet
non seulement la communauté immigrée mais aussi la société d'origine et avait créé
artificiellement une occasion de dialogue concret entre elles en favorisant un voyage
de retour d'un des personnages les plus à même d'assurer une fonction relation
nelle entre les deux puisqu'il s'agissait d'un griot, dont la fonction traditionnelle
dans les sociétés de l'Ouest africain est à la fois d'incarner la mémoire collective
du groupe et d'être le messager privilégié de ses principaux leaders.
C'est ainsi à une vision très globale de leur communauté que les sujets du film
étaient invités et devant cette invitation, ils ne pouvaient guère se montrer passifs
Journal des afntamstes, 60 (1), 1990 : 141-151. 142 JOURNAL DES AFRICANISTES
et accepter de jouer abstraitement des rôles stéréotypés et accessibles au public occi
dental. Tout en respectant la trame proposée par les réalisateurs, ils ont profité
des occasions de dialogues pour s'adresser des messages les uns aux autres et expri
mer à travers cela leurs souhaits et leurs craintes quant au devenir de leur commun
auté dispersée. Mais cette expression de leur conscience collective de peuple atta
ché à maintenir son unité et son identité a eu souvent recours à un langage symbol
ique très caractéristique des cultures africaines, langage faisant appel au chant,
aux incantations et aux prières, aux paraboles et aux proverbes.
En ce sens, on peut dire que cette expérience a fourni l'occasion d'une expres
sion culturelle vivante témoignant du vécu présent de l'identité collective d'une com
munauté immigrée, restée très fortement liée à sa société d'origine qui constitue,
même à distance une composante particulièrement active de sa personnalité.
Ce que les nécessités de l'intervention n'auront pas, dans ce travail, soustrait
aux intérêts de l'observation, constitue donc sans doute un matériau assez riche
pour alimenter une réflexion sur la fonction de l'expression culturelle dans les com
munautés immigrées africaines. Le cas de la communauté sujette du film semble
être d'ailleurs assez exemplaire de ce que l'on peut observer à un niveau plus génér
al pour que nous puissions nous permettre, à partir de lui, d'étendre notre réflexion
à d'autres communautés d'immigrés d'Afrique sahélienne.
LES DYAKHANKÉ : UNE COMMUNAUTÉ ORIGINALE
II se trouve que la communauté qui a fait l'objet de l'approche filmique expli
quée ci-dessus appartient à une ethnie assez particulière quant à ses origines et à
son organisation socio-économique.
Il s'agit d'immigrés appartenant à l'ethnie des Dyakhanké, représentée sur
tout au Sénégal oriental, en Gambie et en Guinée. Les particularités de ce groupe
sont d'ailleurs plus d'ordre sociologique et culturel que d'ordre véritablement eth
nique, puisqu'il n'exite pas de langue propre aux Dyakhanké et que ceux-ci par
lent la langue de leurs voisins Malinké. Ils expliquent leur origine comme un ra
ssemblement de clans appartenant à différentes ethnies qui ont eu en commun une
conversion très ancienne à la religion musulmane. Ces clans étaient formés de diver
ses familles ayant en commun la référence à un même ancêtre fondateur.
La légende des origines se réfère à Bemba Laye Soare qui serait l'ancêtre de
tous les Dyakhanké actuels. Dans son nom, Bemba veut dire l'ancêtre en langue
malinké, laye est la forme africanisée de El Haj et Soare est le nom d'un clan de
marabouts originaire du Macina.
Après avoir fait sept fois le pèlerinage à la Mecque, il se serait installé dans
la ville de Dyakha-sur-Bafing, dans la région du Bambouk et aurait rassemblé autour
de lui un certain nombre de clans d'ethnies Soninké, Malinké et Dyula qu'il aurait
convertis à l'islam.
Il se serait aussi allié avec le clan des Sissokho qui dominait alors le pays et
serait devenu leur marabout attitré en échange de leur protection.
Cette légende exprime la principale particularité des Dyakhanké actuels qui
ne se reconnaissent entre eux qu'en tant que musulmans. A la différence de ce que
l'on peut observer chez d'autres ethnies voisines : Peuls, Soninké et Malinké, où
cohabitent musulmans et animistes, on ne peut être Dyakhanké que si l'on est musul
man.
Bemba Laye aurait ensuite effectué de nombreux voyages dans l'Ouest afri
cain et créé un peu partout des communautés musulmanes. NOTES ET DOCUMENTS 143
Autre particularité actuelle de ce groupe : il ne possède pas de territoire pro
pre, mais s'est installé au milieu du territoire d'autres ethnies, passant pour cela
avec eux des accords de vassalité. Les Dyakhanké n'ont donc jamais eu de pouvoir
politique en aucun endroit que ce soit mais leur dispersion leur a permis de deve
nir les propagateurs de l'islam à travers l'ensemble de l'Ouest africain et de déve
lopper également une importante fonction commerciale liée à leur activité de mara-
boutage. En se maintenant dans ces activités commerciales et religieuses, ils ont
aussi pu conserver leur autonomie, passant de la dépendance politique d'une eth
nie à cell

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