Indiana, ou le féminin et le romanesque entre politique et social - article ; n°99 ; vol.28, pg 27-37
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Indiana, ou le féminin et le romanesque entre politique et social - article ; n°99 ; vol.28, pg 27-37

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Description

Romantisme - Année 1998 - Volume 28 - Numéro 99 - Pages 27-37
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Laforgue Pierre
Indiana, ou le féminin et le romanesque entre politique et social
In: Romantisme, 1998, n°99. pp. 27-37.
Citer ce document / Cite this document :
Pierre Laforgue. Indiana, ou le féminin et le romanesque entre politique et social. In: Romantisme, 1998, n°99. pp. 27-37.
doi : 10.3406/roman.1998.3370
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1998_num_28_99_3370Pierre LAFORGUE
Indiana, ou le féminin et le romanesque entre politique et social
Chez elle, tout se rapportait à une certaine faculté
d'illusions, à une ardente aspiration vers un point qui
n'était ni le souvenir, ni l'attente, ni l'espoir, ni le regret,
mais le désir dans toute son intensité dévorante '.
Dix ans après la parution d' Indiana, Georges Sand à l'occasion d'une réédition de
son premier roman compose en 1842 une nouvelle préface, dans laquelle elle porte un
jugement distancié sur ce qu'elle écrivait dans la préface de l'édition originale de
1832 en tirant les conclusions de son évolution politique et idéologique. Sous
l'influence des penseurs socialistes qu'elle a rencontrés ou lus et qu'elle admire
(Michel de Bourges, Lamennais, Pierre Leroux), elle élargit son propos féministe à
l'ensemble de la société en faisant du problème de la femme dans l'état social actuel
le révélateur d'un malaise plus général. À travers la opprimée, c'est la société
tout entière qui est soumise à un examen critique et dénoncée pour l'ordre vicié dont
elle est l'expression :
[La cause] que je défendais est-elle donc si petite? C'est celle de la moitié du genre
humain, c'est celle du genre humain tout entier; car le malheur de la femme entraîne
celui de l'homme, comme celui de l'esclave entraîne celui du maître, et j'ai cherché à le
montrer dans Indiana. (/, 46)
Un tel élargissement ouvre des horizons nouveaux, il traduit en particulier un mûrisse
ment de la pensée 2, et l'on ne saurait reprocher à Sand d'avoir mis plus résolument
en perspective la question féminine et le social en général. Néanmoins cet élargisse
ment, exclusivement social, a entraîné une radicalisation idéologique du discours qui
se mettait en place en 1832 et a contribué, à sa façon, à diluer la réflexion en l'inscri
vant dans un ensemble plus vaste et moins défini, le roman se donnant désormais
comme une machine de guerre contre l'institution du mariage et, par-delà, contre la
société, en tant que le mariage en est l'élément constitutif. Cette analyse explicite ce
qui dans la première édition d'Indiana n'était qu'en voie d'élaboration et de problé-
matisation. La préface de 1842, au contraire, impose à l'expression de la pensée du
féminin dans le roman une sorte de rigidification, et, plus dommageable, en procédant
à une réduction unilatérale, lui fait perdre une bonne part de sa souplesse conceptuelle
et de sa complexité argumentative. Il ne s'agit pas de privilégier le texte de 1832
1. Indiana, Gallimard, « folio », 1984, p. 254. Quoique cette édition reproduise de façon routinière et
bien contestable le dernier texte revu par l'auteur (1861), c'est à elle que nous nous référons, faute malheu
reusement d'une édition facilement accessible du texte de 1832, et nous y renverrons par le sigle /.
2. Voir /, 47 : « Ce sentiment qui m'animait au commencement, je l'ai donc raisonné et développé à
mesure qu'on l'a combattu et blâmé en moi ».
ROMANTISME n° 99 (1998-1) 28 Pierre Laforgue
d'Indiana en lui-même : littérairement il présente quelques faiblesses d'écriture \
caractéristiques d'un premier roman, et, sans pour autant revenir à une critique du
goût bien obsolète, on ne peut qu'approuver les modifications stylistiques apportées
par George Sand dans les éditions postérieures 4; mais il s'agit d'avoir à l'esprit que
la préface de 1842 oriente désormais la lecture sur des voies nettement plus balisées.
Cet effet de lecture est d'autant plus à redouter que le texte de 1842, dans son
intrigue et sa composition, n'a pas subi de profonds remaniements, qui en remettent
complètement en cause le sens même, et il n'y a pas de ces refontes que l'on ren
contre chez Balzac, par exemple, d'une édition à l'autre et qui infléchissent du tout au
tout la signification de ce qui avait été précédemment publié. Ce qui se passe avec
Indiana en 1842, c'est avec la préface, caractérisée principalement par une dénonciat
ion univoque de la condition de la femme dans la société, une baisse de tension par
rapport à la version de 1 832.
Cette dénonciation est présente dans Indiana dès 1832, et il n'y a pas de contesta
tion possible sur ce point. Seulement la façon d'appréhender la situation de la femme
dans la société se fait selon des modalités autrement complexes et profondes qu'en
1842. Le point important est que dans la préface de 1832 la question sociale est posée
d'un point de vue historique : il est fait allusion plusieurs fois au « temps de ruine
morale » (/, 38), aux « grandes plaies de la civilisation agonisante » (ibid.), à la
« décadence morale » (/, 41) dans laquelle se trouve alors la société française. L'his-
torisation du social qui se dessine dans cette préface est en grande partie due aux ci
rconstances d'écriture d'Indiana, composée au mois de février et de mars 1832 5 et
publiée en mai de la même année. Nous sommes dans l' après Juillet 1830, à l'époque
des grands troubles politiques qui ont marqué le début du règne de Louis-Philippe et
qui s'apaiseront provisoirement à partir de 1840, et le roman peut donc se lire comme
une réaction presque à chaud à la révolution politique qui a survenu, alors que dix ans
plus tard l'urgence historique n'est évidemment pas la même. Cela explique que
de 1832 à 1842 ait eu lieu un déplacement des interrogations sur la femme et la
société en des termes extrêmement généraux et qu'inversement en 1832 ces mêmes
interrogations, car elles n'ont pas changé, se soient inscrites sur un plan beaucoup
plus historique. On voit donc qu' Indiana en tant que roman de l'impossible socialite
féminine exige d'être soumis à l'éclairage de l'histoire des années 1830. La préface
originale de 1832 y invite, ainsi que le roman lui-même à cette date, tandis qu'en
1842, dix ans plus tard, le changement d'orientation à l'œuvre dans la nouvelle préfa
ce relativisera cet aspect des choses et, à la limite, amènera le lecteur à le négliger 6.
3. Quelques exemples sont donnés par P. Salomon dans son édition d'Indiana, Classiques Garnier,
1983, (lêreéd. 1962), p. VI-VII.
4. Principalement l'édition Gosselin de 1833 et surtout l'édition Perrotin de 1842.
5. Là-dessus, voir P. Salomon, éd. citée, p. I-VI.
6. Voici le jugement très révélateur de P. Salomon, voir p. XLII : « En 1832, les maladresses du parti
ultra, l'hypocrisie des doctrinaires, les fureurs impuissantes des bonapartistes, les espérances chimériques
des républicains étaient des sujets d'une actualité brûlante. Aujourd'hui, tout cela ne nous intéresse guère,
du moins dans le cadre d'un roman, et l'on regrette que tant de pages aient été consacrées à ces problèmes
si dépassés ». Indépendamment du caractère gratuit et pour le coup aujourd'hui dépassé d'un pareil juge
ment, il est remarquable que si l'historicité du texte est immédiatement perceptible par un lecteur de 1962,
elle soit récusée en même temps par le biais d'une dénégation. Toutes choses étant égales, on supposera
qu'en 1842 l'actualité brûlante de 1832 n'était déjà plus de la même intensité.
ROMANTISME n° 99 (1998-1) Indiana : féminin et romanesque entre politique et social 29
C'est dire que pour penser dans ce roman le féminin, et peut-être le féminisme, et voir
en quoi cette pensée était neuve, il importe de mettre en perspective l'historico-poli-
tique et le social et d'apprécier ensuite les modalités de leurs diverg

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