Itinéraires médicaux en Égypte - article ; n°143 ; vol.36, pg 515-530
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Description

Tiers-Monde - Année 1995 - Volume 36 - Numéro 143 - Pages 515-530
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sylvia Chiffoleau
Itinéraires médicaux en Égypte
In: Tiers-Monde. 1995, tome 36 n°143. pp. 515-530.
Citer ce document / Cite this document :
Chiffoleau Sylvia. Itinéraires médicaux en Égypte. In: Tiers-Monde. 1995, tome 36 n°143. pp. 515-530.
doi : 10.3406/tiers.1995.4974
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1995_num_36_143_4974ITINERAIRES MEDICAUX EN EGYPTE
par Sylvia Chiffoleau1
Longtemps dominés par le fonctionnariat, les modes de pratique
médicale connaissent en Egypte, depuis les débuts de la politique d'ou
verture économique, une importante diversification. La gestion de ces
multiples carrières, dont la succession ou le cumul visent à revaloriser
le statut de la profession, navigue entre un modèle de santé publique
fortement déprécié, mais incontournable dans une société peu solvable,
et un modèle libéral, hérité d'une histoire professionnelle déjà
ancienne, qui constitue la représentation idéale du médecin et de sa
fonction.
STÉRÉOTYPE PROFESSIONNEL ET POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT
Le stéréotype du médecin : un homme qui a réussi
L'Egypte offre l'exemple peu commun dans les pays non occiden
taux d'une implantation précoce et volontaire de la médecine scienti
fique et d'une profession médicale de type moderne, dans le cadre d'un
Etat national. Dès 1842, un premier service de santé publique est mis
en place par le vice-roi Muhammad 'Alî sur l'ensemble du territoire,
servi par des médecins fonctionnaires formés dans le pays même, à
l'Ecole de médecine du Caire fondée en 1827 par un médecin français,
le Dr Clot Bey2. Ce sont ces praticiens autochtones qui, par exemple,
1. CNRS-GREMMO.
2. Pour l'histoire de la médecine en Egypte au XIXe siècle, voir S. Jagailloux, La médicalisation de
l'Egypte au XIXe siècle (1798-1918), Paris, Editions recherches sur les civilisations, 1986 ; L. Kuhnke, Lives
at Risk. Public Health in Nineteenth Century Egypt, Berkeley, University of California Press, 1990 ; A. Son-
bol, The Creation of a Medical Profession in 1800-1922, New York, Syracuse University Press, 1991.
Revue Tiers Monde, t. XXXVI, n° 143, juillet-septembre 1995 516 Sylvia Chiffoleau
ont effectué à l'échelle du pays la vaccination antivariolique, tâche le
plus souvent confiée ailleurs aux médecins de colonisation1.
Cependant, malgré la vocation publique donnée dès l'origine à la
profession médicale égyptienne, celle-ci a rapidement développé une
identité professionnelle reposant sur la pratique libérale, à l'exemple du
modèle véhiculé par les médecins européens, longtemps dominants dans
le pays. Fondé en Egypte à une époque où les médecins occidentaux
commençaient tout juste leur ascension scientifique et sociale2, le corps
médical égyptien a suivi parallèlement une évolution assez semblable,
bien que plus lente et plus hésitante, et a bénéficié également de la
confiance et du prestige accordés finalement à une profession de plus en
plus performante.
Dès les années 1860, l'Egypte produit des médecins d'une grande
valeur et d'une renommée égale, dont le parcours professionnel et social
dessine déjà le stéréotype du médecin idéal. Ces pionniers sont d'origine
modeste, formés d'abord au Caire puis en France où ils assimilent non
seulement la médecine, mais également une culture occidentale human
iste. De retour dans leur pays, ils sont professeurs et chirurgiens,
offrant très tôt à cette discipline un prestige qui ne s'est jamais démenti
depuis, et bâtissent une fortune personnelle grâce à leur pratique privée
dans une clinique de la capitale.
Même si, à coté de ces réussites fulgurantes, la majorité connaît un
destin plus modeste, et manie parfois la médecine de façon encore
approximative, c'est généralement en groupe qui a réussi que les médec
ins égyptiens abordent le tournant du XXe siècle. Leur réussite sociale
est dès lors acquise ; leur formation comme leurs goûts les portent à par
tager les valeurs et les modes de vie de l'Occident avec lequel ils entre
tiennent une forte connivence culturelle. Comme leurs homologues
européens ou américains, ils privilégient le modèle libéral de pratique de
clientèle en milieu urbain, il est vrai de loin le plus lucratif.
Le système de santé publique n'a pas pour autant disparu et reste
même, en principe, au fondement de la pratique professionnelle. Cepend
ant, les médecins fonctionnaires employés dans les bureaux de santé
urbains ou dans les unités de soins des chefs-lieux de markaz1, fort mal
payés, ont l'autorisation de se constituer une clientèle privée en dehors
des horaires de travail de la fonction publique qui ne couvrent que les
matinées. Finalement, pour eux aussi, la réussite passe par une pratique
1 . Voir par exemple Y. Turin, Affrontements culturels dans l'Algérie coloniale. Ecoles, médecines, religion,
1830-1880, Paris, Maspero, 1971 ; et N. E. Gallagher, Medicine and Power in Tunisia, 1780-1900, New
York, Cambridge University Press, 1983.
2. J. Léonard, La médecine entre les pouvoirs et les savoirs, Aubier-Montaigne, Paris, 1981.
3 . Unité géographique qui pourrait correspondre à un canton français. Itinéraires médicaux en Egypte 517
privée leur offrant des revenus qui les placent au rang de notables de
province, respectés et parfois fortunés.
L'idée d'une réussite sociale nécessairement liée à l'exercice de la
profession médicale est si ancrée dans les représentations qu'elle donne
naissance à une sorte de paradigme résumant un itinéraire professionnel
et social accompli. Ces « cinq 'ain-s », du nom de la lettre commençant
chacun des termes, désignent les attributs « matériels » que l'on peut
légitimement espérer obtenir de la pratique de la médecine. Il s'agit
d'abord de iarûsa (la mariée), le mariage étant la première étape de l'as
sise sociale, puis 'arabeyya (la voiture en arabe dialectal égyptien), attri
but encore relativement rare et en tout cas « classant » dans la société
égyptienne, puis lîâda (cabinet de consultation), 'imâra (immeuble), l'im
mobilier restant un investissement privilégié de la bourgeoisie égypt
ienne, enfin 'izba, (propriété agricole) symbole le plus évident et le plus
considéré d'une fortune assurée.
Tous les médecins ne possèdent bien sûr pas l'ensemble de ces biens,
mais le choix de l'exercice de la médecine correspond toujours, pour une
part au moins, à la réalisation d'une ambition sociale. Malgré les pro
fonds changements qui ont affecté la profession médicale depuis quel
ques décennies, le rêve de posséder « les cinq 'ain-s » fait encore courir
aujourd'hui les candidats à l'entrée dans les facultés de médecine.
La médicalisation de la société égyptienne
Si les médecins égyptiens, en tant que corps professionnel, ont réussi
peu à peu à conquérir un prestige social et scientifique, le système sani
taire du pays n'a pas, pendant longtemps, connu de développement
important. En effet c'est en dehors de toute démarche de médicalisation
au niveau national, mais dans le cadre restreint de la pratique libérale
ou de l'exercice hospitalier dans la capitale, qui ne concerne qu'un
nombre très limité de patients, que la profession médicale est parvenue
à s'imposer.
L'expérience originale de création d'un service de santé publique
dans la seconde moitié du XIXe siècle s'est vu ramenée, à partir de l'occu
pation britannique, à un système de surveillance sanitaire des populat
ions afin de lutter contre les épidémies et d'en protéger l'Occident.
Dans les années 1920-1930, la profession médicale égyptienne, alors
engagée dans la lutte nationale, se mobilise pour tenter d'éradiquer les
pathologies fréquentes en Egypte, particulièrement les maladies endémi
ques parasitaires qui affaiblissent considérablement la population
rurale. Cependant, les aléas politiques de l'époque et le manque de 518 Sylvia Chiffole

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