Jaroslav Hašek et la littérature russe - article ; n°1 ; vol.58, pg 47-53
8 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Jaroslav Hašek et la littérature russe - article ; n°1 ; vol.58, pg 47-53

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
8 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue des études slaves - Année 1986 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 47-53
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Antonin Mšan
Jaroslav Hašek et la littérature russe
In: Revue des études slaves, Tome 58, Fascicule 1. Tome 58. pp. 47-53.
Citer ce document / Cite this document :
Měšťan Antonin. Jaroslav Hašek et la littérature russe. In: Revue des études slaves, Tome 58, Fascicule 1. Tome 58. pp. 47-53.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1986_num_58_1_5543JAROSLAV HAŠEK ET LA LITTERATURE RUSSE
PAR
ANTONÍN MĚŠŤAN
Ce n'est ni chez lui ni au cours de ses quatre années au lycée de la rue Žitná à
Prague que Hašek a conçu de l'intérêt pour la littérature russe. Cet intérêt ne s'est
manifesté qu'à l'Académie commerciale de la rue Resslova1 , qu'il a fréquentée de
1899 à 1902, mais l'a accompagné pendant toute la seconde moitié de sa brève
existence. Si l'on se demande pourquoi justement la fréquentation de l'Académie
commerciale a transformé un jeune homme d'à peine vingt ans en un nissophile
déterminé, on reçoit une réponse bien surprenante : c'était apparemment l'i
nfluence du directeur de l'établissement, le conseiller d'État Jan Řežábek2. Ce
dernier était un slavophile enthousiaste, qui avait étudié quelques années en Russie,
et faisait connaître à Prague la langue et la culture russes, en plus de la culture des
Slaves du Sud — en quoi il a évidemment influencé Hašek. Hašek a fréquenté les
cours de russe de cette école, et acquis bientôt une bonne connaissance passive de
cette langue. Il devait plus tard ridiculiser Řežábek sous le nom transparent de
Jeřábek, dans le texte humoristique « L'Académie commerciale » (paru dans la
revue Karikatury du 18 octobre 1909). D le désignait comme un Cent-Noirs, et
tournait en dérision ses méthodes pédagogiques ; or c'est justement ce Řežábek
qui lui avait enseigné la langue, et avait sans doute éveillé son intérêt pour la litt
érature classique russe. Řežábek devait se défendre contre l'humour de son ingrat
étudiant, qui publia quelques mois plus tard, au printemps 1910, dans la même
revue, un prétendu rectificatif qui continuait la moquerie.
La Russie intéressait de plus en plus Hašek, et sans doute est-il vrai, comme le
raconte son ami Ladislav Hájek (cf. Radko Pytlík, Communication sur Hašek,
Praha, 1982, p. 66), qu'en 1903 il tenta de se rendre en Russie sans les papiers
nécessaires : il aurait traversé à la nage la rivière frontalière, les cosaques l'auraient
pris, et quelques jours plus tard l'auraient ramené en territoire autrichien. L'on
peut voir un reflet de cet incident dans le récit humoristique « La promenade à
1. Cette institution existe toujours, actuellement sous le nom d'École secondaire d'éco
nomie, ul. Resslova S, Praha 2.
2. Řežábek (1852- 1925) était géographe. A partir de 1879 il a été professeur de géo
graphie et de russe (plus tard aussi d'histoire) à ľAcadémie commerciale de Prague. Il a beaucoup
écrit sur la Russie, et a traduit en tchèque Nov' (Terres vierges) de Turgenev.
Rev. Étud. slaves, Paris, LVIII/ 1 , 1986, p. 47 -53. 48 A. MĚŠŤAN
travers la frontière » (revue Karikatury du 18 juillet 1910), où l'auteur dit avoir
traversé sans autorisation la frontière russe, et avoir été emprisonné par les Russes
à Miechów.
Hašek ne rejoignit de nouveau la Russie qu'en septembre 1915 comme pri
sonnier, en uniforme de fantassin austro-hongrois, et il y séjourna cinq ans, jusqu'en
novembre 1920. De 1900 à 1915 la Russie joue dans la vie de Hasek un rôle sens
iblement autre que dans les sept dernières années de sa vie.
A l'Académie commerciale, Hasek hésitait entre la ferveur slave (d'une autre
nuance que celle du très conservateur Řežábek), et un état d'esprit anarcho-socia-
liste. Deux ans après y avoir terminé ses études, en 1904, l'influence de l'anar-
chisme l'emporte au point qu'il devient rédacteur d'une revue anarchiste. Après
1907 il se détachera de cette tendance. Mais en 1904 (plus précisément le 22 fé
vrier 1904) il va troubler les prières publiques des russophiles tchèques devant
l'église orthodoxe Saint-Nicolas, place de la Vieille -Ville, pour la victoire de la
Russie tsariste dans la guerre russo-japonaise. Même dans sa phase anarchiste,
Hašek ne renonce pas à son enthousiasme pour les Russes — mais pour les révolu
tionnaires, les anarchistes et les socialistes russes, naturellement. En 1905, il
apprend le russe à sa future épouse Jarmila Mayerová1 , plus tard il correspondra
parfois en russe avec elle, et signera ses lettres (russes et tchèques) Mitia — altération
de Michel, en l'honneur du célèbre révolutionnaire Bakunin.
Il semble que Hašek soit devenu un lecteur passionné des histoires de vagabonds
de Gor'kij, parues en traduction tchèque en 1902. fl était visiblement fasciné par
la vie de ces va-nu-pieds russes originaux, que Gor'kij avait décrits en partie d'après
son expérience personnelle. Dans l'œuvre littéraire du Hašek débutant d'alors,
nous aurions du mal à trouver une trace un peu profonde de Gor'kij, mais par
contre peut-être ses vagabondages à travers l'Europe centrale trahissent-ils un effort
pour imiter les personnages de l'écrivain russe.
Après le début de la Première Guerre mondiale, l'ex-anarchiste revint à son
slavophilisme, ou plutôt à sa russophilie originelle. П affirmait alors à ses amis
qu'il se porterait volontaire pour le front et passerait aux Russes — ou bien à
cette armée du tsar qu'il honnissait si fort dix ans plus tôt. Ce nouvel enthousiasme
slavophile lui dure quatre ans, jusqu'au printemps 1918. Au printemps 1916, il
se présente à la Brigade tchèque comme l'un des premiers prisonniers du camp de
Tockoe, et il adhère ensuite à la très conservatrice Administration des associations
tchèques en Russie. П défend l'idée de la dynastie des Romanov en Bohême, et
revient dans une certaine mesure aux conceptions du directeur de l'Académie com
merciale Řežábek, qu'il ridiculisait à mort sept ans plus tôt seulement. Mais au
printemps 1917 il salue avec enthousiasme la destitution des Romanov2 ; ainsi
1. Hašek avait déjà des connaissances en russe grâce à l'Académie commerciale, mais
fréquenta avec Jarmila les cours de russe organisés par l'Ecole centrale ouvrière. A l'époque de
la révolution de 1905 cette langue était très populaire, et non pas seulement dans les milieux
anarchistes et socialistes.
2. Par exemple dans le texte intitulé « Lettre du Front » du 15 août 1917 (Hašek, Pen
dant la guerre et sous les Soviets en Russie, Praha, 1925, p. 54), il écrit : « Les Allemands
reconnaissent aujourd'hui que c'était une offensive imprévue ; cependant quiconque a vu dans
quel contexte leurs forces ont été retirées du front français vers celui de Tarnopol, avec un
arrêt dans l'armée russe, dans le secteur où les comités de régiment sont dominés par les bol
cheviks, quiconque a vu cela acquiert la conviction que cette offensive imprévue a été le fait
d'un plan de guerre commun de l'état-major austro-allemand et de léninistes. » і
ET LA LITTÉRATURE RUSSE 49 HAŠEK
commence un nouveau revirement dans son attitude à l'égard de la Russie, et non
seulement à l'égard de celle-ci. En octobre 1917 il est décoré pour sa bravoure
dans les rangs de la Légion tchécoslovaque, et au début de novembre, au moment
de la révolution dite d'Octobre, il collabore avec le célèbre officier de la Légion
Švec. Mais en avril 1918 il est déjà bolchevik.
En lisant les premiers récits et compositions humoristiques de Hasek, l'on cons
tate très vite que l'on y trouve des mots, des phrases, et même des paragraphes
entiers de tonalité russe. L'on pourrait y chercher des russismes involontaires si
l'on ne tenait compte de deux faits : à cette époque les traductions tchèques de
la littérature classique russe s'efforcent de façon presque convulsive de conserver
le « coloris » de l'original en laissant intentionnellement des russismes dans le
texte traduit ; en second lieu, chez Hasek, ces russismes conscients ont pour but
évident d'entraîner un effet humoristique. Je n'en veux pour exemple que le

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents