L'analyse des systèmes économiques socialistes et la problématique de la régulation - article ; n°2 ; vol.21, pg 135-151

Bernard Chavance

Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1990 - Volume 21 - Numéro 2 - Pages 135-151
Analysis of socialist economic systems, and the regulation approach
Regulation theory was developed in the field of advanced capitalist economies, and partly Third-world economies. During the 1980's, quite a few works influenced by the regulation school have been published in France, dealing with socialist economies, which are particularly prone to such an interpretation. These works are shortly presented in the article on the following topics : the wage-labour relationship, the accumulation regime, the crisis, money, the regulation mode and institutional forms. A trend of thought with analogies with the regulation approach can be noted in Eastern Europe, that is the Hungarian school. Eventually the article stresses the importance of comparative analysis of economic systems for a widening of the regulation problem thanks to the methodological benefits which can be derived from this meta-branch of economic theory.
La théorie de la régulation a été développée dans des recherches portant sur les économies capitalistes développées, puis en partie sur le tiers monde. Au cours des années 1980, un certain nombre de travaux inspirés par la problématique régulationniste ont été effectués en France sur les économies socialistes, qui se prêtent particulièrement à une telle approche. Ces travaux sont rapidement présentés dans le texte sur les thèmes du rapport salarial, du régime d'accumulation, de la crise, de la monnaie, du mode de régulation et des formes institutionnelles. Il est intéressant de relever l'existence à l'Est d'un courant présentant un parallélisme avec la problématique de la régulation : l'école hongroise, dont les recherches sont ensuite évoquées. Finalement, le texte plaide pour la reconnaissance de l'importance de l'analyse comparative des systèmes économiques afin d'élargir la problématique régulationniste et de mettre à profit l'apport méthodologique de cette méta-disciphne.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_D-ETUDES_COMPARATIVES_EST-OUEST
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 52
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Bernard Chavance
L'analyse des systèmes économiques socialistes et la
problématique de la régulation
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 21, 1990, N°2. pp. 135-151.
Abstract
Analysis of socialist economic systems, and the regulation approach
Regulation theory was developed in the field of advanced capitalist economies, and partly Third-world economies. During the
1980's, quite a few works influenced by the regulation school have been published in France, dealing with socialist economies,
which are particularly prone to such an interpretation. These works are shortly presented in the article on the following topics : the
wage-labour relationship, the accumulation regime, the crisis, money, the regulation mode and institutional forms. A trend of
thought with analogies with the regulation approach can be noted in Eastern Europe, that is the Hungarian school. Eventually the
article stresses the importance of comparative analysis of economic systems for a widening of the regulation problem thanks to
the methodological benefits which can be derived from this meta-branch of economic theory.
Résumé
La théorie de la régulation a été développée dans des recherches portant sur les économies capitalistes développées, puis en
partie sur le tiers monde. Au cours des années 1980, un certain nombre de travaux inspirés par la problématique régulationniste
ont été effectués en France sur les économies socialistes, qui se prêtent particulièrement à une telle approche. Ces travaux sont
rapidement présentés dans le texte sur les thèmes du rapport salarial, du régime d'accumulation, de la crise, de la monnaie, du
mode de régulation et des formes institutionnelles. Il est intéressant de relever l'existence à l'Est d'un courant présentant un
parallélisme avec la problématique de la régulation : l'école hongroise, dont les recherches sont ensuite évoquées. Finalement, le
texte plaide pour la reconnaissance de l'importance de l'analyse comparative des systèmes économiques afin d'élargir la
problématique régulationniste et de mettre à profit l'apport méthodologique de cette méta-disciphne.
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Chavance Bernard. L'analyse des systèmes économiques socialistes et la problématique de la régulation. In: Revue d’études
comparatives Est-Ouest. Volume 21, 1990, N°2. pp. 135-151.
doi : 10.3406/receo.1990.1587
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1990_num_21_2_1587L'analyse des systèmes
économiques socialistes
et la problématique de la régulation
Bernard CHAVANCE*
La théorie, de la régulation a été élaborée à partir de recherches portant
sur les économies capitalistes avancées, puis en partie sur le tiers-monde.
Le programme de recherche regulationniste se caractérise notamment par
une attitude critique vis-à-vis de la tradition néo-classique, un effort de
concilier l'analyse théorique et les faits stylisés de l'histoire, l'accent mis sur
le rôle des formes institutionnelles dans la dynamique économique, l'i
mportance heuristique accordée à l'étude des phénomènes de crise. Depuis
la fin des années 1970, sous les influences diverses de Marx, de Key nés, de
l'institutionnalisme, de l'histoire économique, s'est constituée dans cette
direction une approche théorique originale des systèmes capitalistes et de
l'évolution de l'économie internationale1.
Au cours des années 1980, on a pu observer en France une inspiration
regulationniste manifeste chez divers chercheurs spécialisés dans le do
maine des économies socialistes. A partir de cheminements diversifiés est
apparu un espace commun d'interrogations ou de débats, où l'emprunt de
thèmes et de concepts aux théoriciens de la régulation a contribué à la
formulation de questions nouvelles et à la réinterprétation de problèmes
classiques de la littérature sur les économies socialistes 2.
Le terme de régulation est employé dans la théorie du même nom dans
un sens spécifique, celui de la « conjonction de mécanismes particuliers
concourant à la reproduction d'ensemble, compte tenu des structures
économiques et des formes sociales en vigueur » (R. Boyer, 1986). Le mot
peut être ambigu en ce sens qu'il est aussi utilisé dans le langage courant
* Maître de Conférences à l'Université Paris 7, Centre d'Études des Modes d'Indust
rialisation (EHESS). Ce texte est une contribution au Colloque international sur la
théorie de la régulation, qui s'est tenu à Barcelone (Espagne) en juin 1988.
1. Voir R. Boyer, 1986 ; J.-J. Boillot, C. Baulant, 1988.
2. Sur cette dernière, voir notamment W. Brus, 1970 ; M. Lavigne, 1979 ; A. Nove,
1981 ; C. Bettelheim, 1974-1983 ; E. Zaleski, 1984.
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ou technique, non pas dans ce sens de processus objectif et complexe
d'évolution, mais dans celui d'une intervention volontaire de l'État, comme
dans le cas de la politique économique, ou encore comme synonyme de
réglementation (un anglicisme devenu fréquent, en particulier à propos de
la « dérégulation »). L'ambiguïté peut se révéler fâcheuse pour l'étude des
économies soumises à une planification centrale, où la divergence entre les
plans étatiques et l'évolution réelle constitue un des problèmes théoriques
majeurs (E. Zaleski, 1984). Précisons que les recherches que nous allons
évoquer se réfèrent à l'acception objectiviste et non subjectiviste ou
volontariste du terme de « régulation ». On peut noter qu'en tant qu'objet
d'étude, les économies socialistes se prêtent particulièrement bien à une
approche systémique et régulationniste. Il ne faut donc pas s'étonner
d'observer à l'Est l'émergence d'un quasi-régulationnisme original et
indépendant, représenté par l'école hongroise (que nous évoquerons plus
loin) ou par certains courants réformateurs. A défaut d'une convergence
des systèmes, il y a sûrement là une convergence (ou un parallélisme) des
problématiques qui mérite d'être relevé(e), et pourquoi pas cultivé(e).
I. LES RECHERCHES FRANÇAISES
Les diverses contributions peuvent être regroupées, un peu arbitrair
ement, sous des rubriques correspondant à des thèmes régulationnistes.
1 . 1 . Le rapport salarial
L'organisation du travail fordiste et plus généralement le salariat à
l'occidentale ont servi de point de départ comparatif à différents travaux
portant sur un domaine un peu négligé de la littérature sur les économies
socialistes.
Au départ, des divergences méthodologiques sur la nature des systèmes
réputés socialistes, héritées des problématiques des années 1970, divisaient
nettement les partisans de la spécificité radicale de ces systèmes et les
tenants de la thèse du capitalisme d'État. Dans une polémique sur ce
thème, W. Andreff (1984a) affirmait ainsi la non-pertinence du concept de
salariat pour l'U.R.S.S., en l'absence d'achat ou de vente « libre » de la
force de travail et à cause du « droit absolu » au travail possédé par les
ouvriers (sécurité d'emploi et salaire garanti) : la contrainte au travail étant
ici politique et non économique. B. Chavance (1984a) défendait la thèse
inverse, avec l'argument d'une forme originale de la dualité liberté/con
trainte propre au salariat en général, si bien que le salariat à la soviétique
semble paradoxalement plus proche de la représentation marxienne que le
salariat occidental contemporain. En tout cas, la contrainte au travail y est
non seulement économique mais aussi politique (obligation au travail) ;
quant à la garantie de l'emploi, elle est liée à une forme particulière de
régulation, qui suscite la pénurie sur le marché du travail. On observe
136 Systèmes économiques socialistes et régulation
toutefois que ces différences d'approche, qui demeureront tout en perdant
un peu en intensité par la suite (W. Andreff, 1984b ; M. Drach, 1984a ;
B. Chavance, 1985 ; J. Sapir, 1986), ont abouti à une sorte de consensus
minimum entre les tenants d'un « salariat particulier » (non capitaliste),
tels W. And