L  « échappée belle » ou la mobilisation des femmes dans l agriculture en France - article ; n°102 ; vol.26, pg 371-382
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L' « échappée belle » ou la mobilisation des femmes dans l'agriculture en France - article ; n°102 ; vol.26, pg 371-382

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Description

Tiers-Monde - Année 1985 - Volume 26 - Numéro 102 - Pages 371-382
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 45
Langue Français

Extrait

Micheline Salmona
L' « échappée belle » ou la mobilisation des femmes dans
l'agriculture en France
In: Tiers-Monde. 1985, tome 26 n°102. pp. 371-382.
Citer ce document / Cite this document :
Salmona Micheline. L' « échappée belle » ou la mobilisation des femmes dans l'agriculture en France. In: Tiers-Monde. 1985,
tome 26 n°102. pp. 371-382.
doi : 10.3406/tiers.1985.3492
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1985_num_26_102_3492L'ECHAPPEE BELLE
OU LA MOBILISATION GÉNÉRALE
DES FEMMES DANS L'AGRICULTURE
EN FRANCE
par Micheline Salmona*
Cet article sur le rôle des femmes dans l'agriculture ď un pays développé ', la
France, ой des méthodes de rationalisation du travail inspirées du taylorisme sont
appliquées, risque de surprendre dans un numéro consacré aux femmes du Tiers
Monde qui se débattent dans des stratégies de survie immédiate au sein de sociétés
traditionnelles souvent en déstructuration rapide.
Pourtant, par-delà les différences, s'observent bien des convergences suscep
tibles d'enrichir la réflexion sur le coût psychologique et social d'un développement
effectué sans la participation active des femmes et qui les utilise comme « ouvriers/
masses » : invisibilité persistante du temps de travail et des qualifications mises
en jeu, reconduction de la division sexuelle du travail, fuite dans l'imaginaire,
permanence enfin de la culture des femmes définie selon la très belle expression
de Micheline Salmona comme relation au vivant.
Yvonne Mignot-Lefebvre.
Notre propos dans ce texte est de présenter trois phénomènes qui
concernent les femmes dans l'agriculture française, dans le mouvement
de « mobilisation générale » qui a entraîné les familles / collectifs de
travail vers la modernisation et la productivité ces vingt dernières années.
Nous analyserons tour à tour comment le « marquage » de l'espace
et du temps, venus de l'univers de l'usine, a été repris et reinterprete
dans la division sexuelle du travail en agriculture; comment la femme
l'a « assuré », et comment l'imaginaire est une arme de survie pour les
femmes.
* Maître-assistant à l'Université de Paris X. Centre d'Anthropologie économique et
sociale.
Revue Tiers Monde, t. XXVI, n° 102, Avril-Juin 1985 372 MICHELINE SALMONA
Puis nous aborderons l'effet massif des transferts d'apprentissage, de
la sphère domestique à la sphère professionnelle et de la qualification
possédée/réalisée, et non reconnue, des femmes, dans les nouvelles formes
de travail.
I. — Les femmes dans la mobilisation générale, 1950-1980
Depuis 1950 les femmes de la petite agriculture familiale sont entraî
nées, à travers les politiques d'intensification / rationalisation de la pro
duction, dans un mouvement de mobilisation générale1 dont Fhomologie
avec la mise au travail, dans l'univers de l'usine, après la guerre de 19 14,
est éclairante.
Comme dans l'usine, l'évolution du travail des femmes dans l'agr
iculture obéit à certains principes d'organisation de l'espace et du temps.
A) Les espaces de la mobilisation
Le principe de clôture. — Le travail est regroupé dans un petit nombre
de bâtiments, souvent un seul; la main-d'œuvre familiale y est aussi
regroupée. On tire le maximum d'avantages de cette concentration de
main-d'œuvre, en organisant de manière plus rationnelle le travail, mais
aussi « en neutralisant les principaux inconvénients de la dispersion
spatiale : interruption du travail, agitation. On acquiert la possibilité
de s'entre-surveiller et s'entre-stimuler ».
La politique des familles. — Le caractère familial de l'équipe de travail
ne fait que faciliter et renforcer cette tendance et celles qui suivent.
Comme l'a montré J.-M. Sumpsi2, il était plus économique et facile de
faire travailler des familles dans les latifundia en Espagne que des équipes
d'ouvriers agricoles, mobiles, instables et difficilement contrôlables : la
famille s'organise toute seule, se surveille toute seule.
Le principe de quadrillage. — On assigne une place isolée et précise à
chaque travailleur, on évite ainsi les possibilités de rassemblement, dis
traction, de parlotte et de perte de temps.
Le principe d'assignation des lieux et des temps de réunion I rencontre. — On
introduit des communications sur une base verticale, hiérarchique, en
donnant des directives le matin dans des lieux et temps particuliers, et en
1. J.-P. de Gaudemar, h.a mobilisation générale, Editions du Champ urbain, 1979.
2. Cf. la communication de J.-P. Sumpsi au Deuxième Séminaire international d'Études
rurales, Madrid, Casa Velasquez, 12-13 mai 1981. FEMMES DANS b' AGRICULTURE EN FRANCE 373 LES
faisant un bilan le soir selon le même principe et en ne suscitant pas dans
la journée d'échanges/réunions. La réunion/l'échange sont réduits
le temps et confinés dans des espaces spécifiques.
Le principe des emplacements fonctionnels. — On fractionne l'espace en
fonction d'une double contrainte de surveillance et d'utilité productive.
Le principe d'organisation selon le rang. — On tente de mettre en place
un système d'assignation de places individuelles qui rendent possibles le
contrôle de chacun et le travail simultané de tous.
— Comme le souligne Gaudemar pour l'industrie, ces principes
régissant l'espace de travail ne sont que des tendances dans le travail
agricole et ne sont pas des stratégies totalement conscientes. Pour l'ins
tant, on oscille selon les types d'exploitation dans l'agriculture, entre ce
que Gaudemar appelle Г « âge du chantier » où « les types d'activité,
l'occupation de l'espace, sont modelés par un procès de travail, dont la
main-d'œuvre reste encore le principe de régulation, intense va-et-vient
de personnes, entrelacs sans ordre apparent d'outils ou de matériaux,
juxtaposition apparemment non coordonnée d'activités différentes, où
les tâches de surveillance, de contrôle et de commandement n'y sont pas
forcément marquées par un emplacement déterminé, où il n'y a pas de lieu
spécifique pour l'administration, pas plus que de personnel spécifique »,
à l'espace industriel régi par les principes évoqués précédemment.
Toutes les figures intermédiaires s'y rencontrent actuellement.
Espaces des corps administrés j mis en carte, êduquês, enrôlés. — Mais les
femmes, comme l'ont montré G. Delbos et G. Barbichon3, ont des tâches
très prenantes, d'insertion des membres de la tribu, enfants, adolescents
et vieillards, dans l'univers social/administratif : inscription à l'école, aux
institutions sanitaires et sociales, institutions sportives, culturelles mult
iples ; elles passent un temps important à inscrire les enfants et adoles
cents dans les institutions urbaines dont ils dépendent ou vont dépendre.
Elles passent également un temps important à « faire le taxi », se
déplacer, pour « assister » les déplacements nécessaires des enfants et
des vieux.
Espaces domestiques. — D'autre part, faut-il rappeler qu'elles « navi
guent » sans cesse entre espaces domestiques et espaces de travail. De
plus, en ce qui concerne l'espace domestique, comme l'a admirablement
évoqué Véronique Soriano4, les modèles modernes d'espaces domes-
3. G. Delbos, Guy Barbichon, P. Pradeau, L'entrée dans la ville — voir Г inscription dans la
ville et le rôle des femmes, Centre d'Ethnologie française, cnrs, 1974.
4. Véronique Soriano, Christine Wagner, ministère de l'Environnement et du Cadre
de Vie, La femme, important acteur social des transformations de l'espace et de l'habitat rural. Minist
ère de l'Environnement et du Cadre de Vie, Plan-Construction. Ministère de l'Agriculture. MICHELINE SALMONA 374
tiques véhiculés par la technostructure, sont réalisés et utilisés mais
non « habités », ni articulés avec les espaces où l'on se sent bien pour
« vivre et travailler ».
B) Le temps / gestion du temps / viabilité du temps des femmes
Le temps, comme l'espace dans l'usine des années 1950, se modèle
selon des principes que l'on retrouve en partie dans la mobilisation
générale de l'

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