L élargissement de l espace de vie des Africains : comment le « pays des oncles » européens devient aussi celui des neveux africains - article ; n°150 ; vol.38, pg 333-346
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L'élargissement de l'espace de vie des Africains : comment le « pays des oncles » européens devient aussi celui des neveux africains - article ; n°150 ; vol.38, pg 333-346

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Description

Tiers-Monde - Année 1997 - Volume 38 - Numéro 150 - Pages 333-346
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

Mumpasi B. Lututala
L'élargissement de l'espace de vie des Africains : comment le «
pays des oncles » européens devient aussi celui des neveux
africains
In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°150. pp. 333-346.
Citer ce document / Cite this document :
Lututala Mumpasi B. L'élargissement de l'espace de vie des Africains : comment le « pays des oncles » européens devient
aussi celui des neveux africains. In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°150. pp. 333-346.
doi : 10.3406/tiers.1997.5175
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1997_num_38_150_5175L'ÉLARGISSEMENT DE L'ESPACE
DE VIE DES AFRICAINS :
COMMENT LE «PAYS DES ONCLES»
EUROPÉENS DEVIENT
AUSSI CELUI DES NEVEUX AFRICAINS
par Mumpasi B. Lututala1
La reconnaissance du droit de l'individu à s'installer où il peut le
mieux se réaliser ainsi que le «droit au regroupement familial» du
migrant sont des questions qui n'ont pas été tranchées à la Conférence
internationale sur la population et le développement du Caire en 1994.
Cela fait partie de ce que Lassonde (1996) appelle «les silences du
Caire ». Et la convocation d'une conférence internationale réservée spé
cifiquement aux migrations internationales, sollicitée par les pays du
Sud à cette occasion, n'a toujours pas été agréée.
Alors que ce phénomène ne touche que peu d'Africains, l'opinion et
les médias internationaux lui donnent une ampleur démesurée. Alors
que les Africains considèrent ce type de migration comme une stratégie
de survie et d'intégration dans le système économique mondial, le Nord
a tendance à leur fermer ses frontières par peur d'être « envahi ». Alors
que les réseaux migratoires Sud-Nord sont l'expression d'un patrimoine
collectif hérité de la traite des esclaves et de la colonisation, l'Africain est
toujours considéré au nord comme « un autre », un inconnu. Il ne fait,
dans le meilleur des cas, que voler des emplois réservés aux ayants droit
qui n'en veulent souvent pas.
Ces craintes expliquent la rigidité des lois relatives à l'immigration
qui imposent aux Africains de développer des comportements obliques
1 . Démographe, professeur, chef du département de démographie de l'Université de Kinshasa, prési
dent de l'Union pour l'étude de la population africaine. Contribution allégée et retouchée par le comité de
rédaction, titres et intertitres modifiés.
Revue Tiers Monde, L XXXVEH, n° 150, avril-juin 1997 334 Mwnpasi В. Lututala
pour se retrouver et se maintenir au nord. L'hostilité entretenue par cer
taines fractions de l'opinion publique vis-à-vis des migrants pousse
ceux-ci à mettre en place des structures parallèles d'acquisition des
papiers, d'accès à l'emploi, au logement et à un revenu dans la mesure
où il en va de leur survie.
Nous allons tenter ici de décrire et de faire ressortir les logiques sous-
jacentes à ces tactiques souvent décriées permettant aux Africains de
venir au nord. Cette migration, difficile à maîtriser, traduit l'intégration
économique entre le Sud et le Nord et constitue ni plus ni moins un éla
rgissement inévitable de l'espace de vie des familles africaines (Lassonde,
1996, 126) : à court terme, en raison de l'approfondissement des inégali
tés économiques entre l'Afrique et le Nord et de l'extension des zones en
guerre, les pays industrialisés n'ont-ils pas l'obligation politique et
morale de gérer les migrations en provenance des pays du Sud qu'ils ont
colonisés, en attendant un développement à plus long terme qui fera
diminuer les raisons de partir ?
I - UNE PRÉSENCE AFRICAINE PEU NOMBREUSE
MAIS DÉRANGEANTE DANS LE NORD
Que sait-on réellement des Africains ayant migré vers les pays du
Nord ? Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Pourquoi y sont-ils partis ? Les
statistiques sur le phénomène migratoire sont rares et de qualité souvent
douteuse. Les recensements africains ne décomptent pas les nationaux
partis résider ailleurs. Les travaux démographiques conduits au Nord1
donnent quelques indications surtout sur rimmigration maghrébine2 qui
mobilise l'attention des leaders politiques.
Des Africains très mobiles... en Afrique
Selon la Banque mondiale, la proportion moyenne d'Africains rés
idant dans d'autres pays d'Afrique était de 3,6% dans les années 80.
Stalker (1995) estime l'effectif total de ces migrants intracontinentaux
1 . Les statistiques exploitées dans cet article proviennent de plusieurs sources. Pour la migration en
Europe, nous avons procédé à des recoupements d'informations et d'écrits divers sur le sujet ; il s'agit géné
ralement des données des recensements nationaux, telles que rapportées dans différents travaux (Lebon,
1993 ; Legoux, 1995 ; Russell et al, 1990 ; Chrissantaki et Kuiper, 1994). Pour les États-Unis d'Amérique, les
statistiques nous ont été gracieusement communiquées par le « Center for Migration Studies of New York »,
que nous remercions. Et, pour la migration intracontinentale (à l'intérieur de l'Afrique), nous avons exploité
les données compilées par la Banque mondiale (Russell, Jacobson et Stanley, 1990 ; Stalker, 1995).
2. Dans ce texte, le mot Afrique (et africain) renvoie à l'Afrique au sud du Sahara, celui de Maghreb
(et maghrébin) à l'Afrique du Nord. L'élargissement de l'espace de vie des Africains 335
à 17 millions auxquels il faut ajouter 17 autres millions de migrants
clandestins et 5 millions de réfugiés, ce qui donne un chiffre de l'ordre
de 40 millions. On estime qu'à elle seule l'Afrique regrouperait 50%
des migrants mondiaux pour un effectif égal à 10% de la population
mondiale. C'est dire l'extrême mobilité de la population africaine. Par
tant de ce même pourcentage de migrants intracontinentaux des
années 80, on peut estimer à 27 millions le nombre de migrants afri
cains internes au continent au cours des années 90, auxquels il faut
ajouter les 6,7 millions de réfugiés dénombrés en Afrique en 1995
{HCR, 1995, 249, p. 3). On arrive alors au chiffre de 34 millions
d'Africains résidant hors de leurs pays, ce qui représente un tiers des
migrants internationaux du monde.
Cette forte mobilité de la population n'a pas la même ampleur ni les
mêmes effets d'une région et d'un pays à l'autre (tableau 1).
Tableau 1. — Migration nette des pays africains
A) Pays d'immigration
Migrations nettes* de plus de 1,4 million :
Afrique du Sud: 1,8 ; Côte-d'Ivoire : 1,4
Migrations nettes de plus de 0,2 million :
Zaïre : 0,6 ; Ouganda : 0,6 ; Ghana : 0,5
Tanzanie : 0,3 ; Malawi : 0,2 ; Soudan : 0,2
Zambie : 0,2 ; Cameroun : 0,2
Migrations nettes de 0,05 à 0,2 million :
Illustration non autorisée à la diffusion Sierra Leone 0,07 ; Libéria 0,05 : Gambie : 0,05
B) Pays d'émigration
Migrations nettes de moins 0,2 à 1 million :
Burkina Faso : -0,8 ; Mali : -0,3 ;
Autres pays d'émigration (données partielles) :
Nigeria, Guinée, Niger, Togo, Angola, Tchad, Congo, Mozambique, Rwanda,
Zimbabwe, Lesotho, Namibie, Swaziland, Maurice, Cap Vert.
* Migrations nettes : différence entre emigrants et immigrants.
(Source : Construit d'après Russell, Jacobsen et Stanley, 1990.) 336 Mumpasi В. Lututala
La mobilité de la population semble être plus grande en Afrique de
l'Ouest, avec une polarisation des flux migratoires sur la Côte-d'Ivoire à
partir des pays sahéliens et en Afrique australe - avec l'Afrique du Sud -
à partir des pays limitrophes, le Nigeria ayant abandonné son rôle
attractif avec l'expulsion de 3 millions de personnes en 1983. Des pays
d'immigration sont devenus des pays d'émigration comme le Nigeria ou
le Sénégal en raison de la gravité et des conséquences de la crise écono
mique. Certains de ces pays n'ont pas hésité à opérer des expulsions
massives d'étrangers : Mauritaniens expulsés du Sénégal, Zaïrois refoul
és du Congo et du Gabon, Africains de l'Ouest et du Centre renvoyés
du Nigeria, Rwandais rapatriés ou menacés de rapatriement du Zaïre si
l'on exclut les déplacements consécutifs aux massacres de 1994, etc.
Dans certains cas, des mesures de contrôle des étrangers, ain

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