L enfant saharien à travers ses jeux - article ; n°1 ; vol.33, pg 47-104
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1963 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 47-104
58 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Paul Bellin
L'enfant saharien à travers ses jeux
In: Journal de la Société des Africanistes. 1963, tome 33 fascicule 1. pp. 47-104.
Citer ce document / Cite this document :
Bellin Paul. L'enfant saharien à travers ses jeux. In: Journal de la Société des Africanistes. 1963, tome 33 fascicule 1. pp. 47-
104.
doi : 10.3406/jafr.1963.1366
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1963_num_33_1_1366L'ENFANT SAHARIEN A TRAVERS SES JEUX
PAR
P. BELLIN
Pour qui veut connaître un groupement humain, non seulement
dans ses structures actuelles, mais encore dans sa réalité évolutive,
il n'est pas inutile d'observer le monde des enfants : si les transfor
mations de l'état social sont évidemment le fait de l'âge mûr, si leur
cause immédiate peut être trouvée dans les contingences matérielles
présentes, il n'en demeure pas moins qu'elles ont souvent pour
racines profondes les tendances psychologiques, plus ou moins
conscientes, qui se sont fait jour au cours de l'adolescence, voire de
la prime enfance.
Celle-ci, en effet, bien que largement tributaire des conceptions
des adultes, est moins engagée dans la vie quotidienne, elle dispose
du détachement indispensable à l'élaboration de son devenir, et d'une
facilité d'adaptation bien connue aux faits et aux idées. « Quand je
serai grand... » répète l'enfant, montrant par là que le présent n'a de
sens pour lui qu'en fonction de demain. C'est l'âge où se forme (même
si elle s'exprime de façon naïve, parfois confuse) une conception de
l'existence assez précise, et empreinte d'une étonnante certitude.
C'est l'âge du choix, opposé à l'âge adulte qui est celui de la réalisa
tion avec tout ce que celle-ci suppose d'opportunisme, de soumission.
Dans cette perspective, il serait intéressant de rechercher le sens
de l'évolution des sociétés sahariennes par l'étude de leur jeunesse
et de leur mentalité. Cependant il ne peut s'agir là que d'une œuvre
de longue haleine, ample synthèse, rendue particulièrement délicate
par le caractère complexe et essentiellement dynamique de son objet,
et qui, au demeurant, ne saurait trouver place dans le cadre étroit
de cet exposé. C'est pourquoi nous nous bornerons à apporter notre
modeste contribution à l'étude de ce vaste problème, en limitant
notre propos à l'examen d'un point particulier : l'activité ludique des
jeunes Sahariens. Nous présentons ici un certain nombre de jeux
d'enfants dans leur cadre ethnique et géographique. 48 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Un enfant qui joue est un enfant sain : ainsi en décide l'instinct
maternel, presque toujours corroboré par le diagnostic du médecin.
Sur le plan statistique, sur le plan social, on est donc autorisé à consi
dérer le jeu comme un critère de vigueur physique et de santé mentale.
Dans sa quasi totalité, en dépit de l'aide multiforme de l'Adminis
tration et de relèvements locaux du niveau de vie, l'enfance saha
rienne est victime d'une sous-alimentation et surtout d'une mal
nutrition chroniques. La ration quotidienne du nomade dépend de
la qualité des pâturages et de la survie des troupeaux en période de
sécheresse. Quant à celle du sédentaire, tout aussi aléatoire et géné
ralement insuffisante, elle manque gravement de protéines. L'eau de
consommation est le plus souvent de qualité douteuse, et, de toute
façon, au moment de s'abreuver à une séguia de la palmeraie-
jardin, ou dans une guelta du Tassili, l'enfant se soucie peu de la
potabilité du liquide. De son côté, l'hygiène des habitations laisse
beaucoup à désirer : sous la tente, abri insuffisant, le jeune Targui,
le jeune Chambi souffrent parfois du froid. Le petit Soûfi n'est guère
mieux loti : si le dar Khzin г et surtout la maison-cour aux nomb
reuses coupoles ont meilleure allure que la zériba 2 la salubrité
n'est guère meilleure sous les rhorfas 3 que sous les palmes. Ajoutons
à cela le manque de soins corporels, la malpropreté du vêtement, le
parasitisme, la menace du trachome...
Eu égard à l'indigence que nous venons de rappeler, on pourrait
donc s'attendre à trouver une jeunesse désœuvrée et languissante.
Or, il n'en est rien : la jeunesse saharienne joue. Elle joue autant,
et peut-être plus, qu'aucune autre, avec spontanéité, avec entrain,
avec ce sérieux qui est le propre des activités puériles 4. Il faut donc
admettre qu'en dépit des conditions de vie précaires l'enfance saha
rienne est une enfance saine.
Avant d'examiner en détail les jeux pratiqués dans les différents
groupes régionaux, sociaux, quelques remarques d'ordre général sont
nécessaires. Nous avons déjà évoqué le sérieux qui empreint le com
portement ludique des enfants du désert. Abdallah, jetant les baguettes
de sig, est aussi grave que son père remontant le sable du ghout
avant de fumer ses deglet nom. Le regard d'Embarek est aussi sérieux
que celui de son oncle qui tire son méhari sur la piste d'Agadès. La
1. dar Khzin : maison à coupole composée d'une seule rhorfa et qui sert le plus souvent d'entrepôt
à dattes.
2. Hutte de paille.
> 3. Coupole.
4. Nous emploierons fréquemment ce terme dans le cours de cet exposé. Précisons donc que
nous le prenons dans son sens étymologique le plus étroit, en lui refusant toute nuance péjo
rative de légèreté ou d'inconscience. l'enfant saharien a travers ses jeux 49
similitude de comportement risque cependant de nous faire con
fondre deux attitudes psychologiques différentes : différence non de
degré, mais de nature. L'adulte pense à l'objet de son travail ; son
effort n'est qu'un moyen ; son but est l'œuvre achevée. Son activité
se projette hors de lui-même. Travailler c'est s'oublier. Or, l'enfant
ne s'oublie jamais. Son égocentrisme a été maintes fois signalé. Le
jeu, le résultat de la partie, les jouets, ne sont pas plus à l'enfant
que les agrès ne sont à l'athlète. Il ne vise que lui-même, et l'exer
cice qui développera ses capacités. L'action ludique est, avant tout,
auto-éducative.
C'est ici qu'il convient de faire une distinction : quand Chérif
perfectionne son adresse manuelle et ses réflexes par la pratique du
barkadenbu, il obéit seulement à une tendance profonde qui com
mande le mouvement, comme le bébé qui hurle pour fortifier ses
poumons. On peut donc, avec Biihler x, parler de jeu fonctionnel.
Dans un ordre d'idées quelque peu différent, on notera aussi que
l'enfant imite parfois le comportement de l'adulte. Le jeune hartani
irrigue une plantation imaginaire. Le jeune Targui joue à capturer
et à maîtriser les chamelons. Ici, nous sortons du domaine des impuls
ions psycho-motrices, indépendantes de la personnalité du sujet.
L'enfant a cette fois en vue des activités adultes précises.
Cependant, au Sahara, les exemples de cette attitude sont moins
nombreux qu'on pourrait s'y attendre. Dans l'ensemble des jeux que
nous avons étudiés, nous avons été surpris de ne pouvoir reconnaître
à l'imitation du monde adulte la place primordiale que semblent lui
accorder les psychologues. Dans le cadre qui nous occupe, la parodie
du travail des aînés est peut-être nécessaire pour expliquer certains
jeux ; elle n'est pas suffisante pour expliquer le jeu. Certes, on peut
toujours trouver des analogies ! Mais, en quoi les jeux de sig, les
jeux de billes, le tamkara, rappellent-ils le mode de vie du jardinier
de l'oasis ou de l'éleveur de caprins ? On peut objecter avec Jean
Chateau 2, que le jeu est précisément un détour, que l'on n'aperçoit
pas toujours dans les moyens employés le but poursuivi, que le
boxeur se prépare au combat par le saut à la corde.
Nous l'avons déjà admis : le caractère permanent du jeu véritable
(celui que pratique le jeune Saharien, et que nous distinguons nette
ment des divertissements de grandes personnes) est son rôle format
eur. Ce que nous contestons, en ce qui concerne du moins le cadre
saharien, c'est qu'il agisse principalement par imitation servile, par
1. « From birth to maturity. »
2. L&#

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