L esclavage africain après l abolition de 1848. Servitude et droit du sol - article ; n°5 ; vol.55, pg 1009-1037
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L'esclavage africain après l'abolition de 1848. Servitude et droit du sol - article ; n°5 ; vol.55, pg 1009-1037

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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2000 - Volume 55 - Numéro 5 - Pages 1009-1037
L'esclavage africain après l'abolition de 1848. Servitude et droit du sol (R. Botte). En Afrique occidentale, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'esclavage constitue l'institution sociale endogène la plus courante et l'esclavagisme le système de travail le plus répandu. Des guerres nombreuses inondent le marché de captifs cédés à vil prix. Ce véritable boom négrier amène une propagation sans précédent des esclaves et provoque une forte croissance économique. Afin de ne pas contrarier sa politique de conquête impérialiste, la France va trahir la lettre et l'esprit du décret d'aboli- tion de 1848 et, notamment, refuser d'appliquer la notion républicaine du sol libérateur. Il s'agit, pour se concilier les pouvoirs africains avant de les dominer, de ne rien faire qui puisse favoriser la libération des esclaves.
African slavery after the 1848 abolition decree: servitude and jus soli. Slavery represented the most usual endogenous social institution and the most widespread system of labor in West Africa during the second half of the 19th century. Many wars were connected with the trading of slaves sold at cheap prices. A genuine boom of the slave trade brought about an unprecedented dissemination of slaves which resulted in a strong economic growth. In order not to impede its policy of imperialist expansion, France betrayed the form and spirit of the 1848 decree and noticeably refused to apply the republican notion of jus soli. To gain the favor of African authorities before subduing them, France decided to take no step which would facilitate the liberation of slaves.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Roger Botte
L'esclavage africain après l'abolition de 1848. Servitude et droit
du sol
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 55e année, N. 5, 2000. pp. 1009-1037.
Résumé
L'esclavage africain après l'abolition de 1848. Servitude et droit du sol (R. Botte).
En Afrique occidentale, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'esclavage constitue l'institution sociale endogène la plus
courante et l'esclavagisme le système de travail le plus répandu. Des guerres nombreuses inondent le marché de captifs cédés à
vil prix. Ce véritable boom négrier amène une propagation sans précédent des esclaves et provoque une forte croissance
économique. Afin de ne pas contrarier sa politique de conquête impérialiste, la France va trahir la lettre et l'esprit du décret
d'aboli tion de 1848 et, notamment, refuser d'appliquer la notion républicaine du sol libérateur. Il s'agit, pour se concilier les
pouvoirs africains avant de les dominer, de ne rien faire qui puisse favoriser la libération des esclaves.
Abstract
African slavery after the 1848 abolition decree: servitude and jus soli.
Slavery represented the most usual endogenous social institution and the most widespread system of labor in West Africa during
the second half of the 19th century. Many wars were connected with the trading of slaves sold at cheap prices. A genuine boom
of the slave trade brought about an unprecedented dissemination of slaves which resulted in a strong economic growth. In order
not to impede its policy of imperialist expansion, France betrayed the form and spirit of the 1848 decree and noticeably refused to
apply the republican notion of jus soli. To gain the favor of African authorities before subduing them, France decided to take no
step which would facilitate the liberation of slaves.
Citer ce document / Cite this document :
Botte Roger. L'esclavage africain après l'abolition de 1848. Servitude et droit du sol. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales.
55e année, N. 5, 2000. pp. 1009-1037.
doi : 10.3406/ahess.2000.279898
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2000_num_55_5_279898L'ESCLAVAGE AFRICAIN
APRÈS L'ABOLITION DE 1848
Servitude et droit du sol
Roger Botte
À partir de la Restauration, le principe même de la suppression puis de
la répression de la traite des Noirs dans une France vaincue porta longtemps
les stigmates d'une idéologie étrangère. Plutôt que d'y voir l'application
sincère d'une exigence morale, ce principe fut pour beaucoup l'invention
machiavélique d'une Angleterre désireuse de ruiner l'économie maritime,
l'économie coloniale et jusqu'à l'existence de la marine. De même, cette
anglophobie pesa lourd dans l'inertie de l'opinion publique à l'égard de
l'abolition de l'esclavage. Ces analyses, de même que le caractère politique
fondamentalement distinct des deux abolitionnismes — mouvement popul
aire de masse galvanisé par la benevolence dans le cas de l'Angleterre,
influence décisive d'une petite élite dans celui de la France — sont trop
connues pour qu'on s'y attarde1. Ne seront retenus ici que les éléments
susceptibles de clarifier les prolongements africains de l'abolition.
Encore peu exploré par l'historiographie, et également hors de ce pro
pos : le rôle joué par l'esclave lui-même dans sa libération2. Ainsi, l'insurrec
tion des esclaves de la partie française de Saint-Domingue, en août 1791,
au nom de l'idéologie révolutionnaire des droits de l'homme, de la liberté
et de l'égalité raciale rendait illusoire tout espoir de rétablissement du statu
quo ante. En décrétant l'abolition, Santhonax et Polverel d'abord — il
1. Par exemple, pour la période de la monarchie de Juillet, l'étude de Lawrence C. Jennings,
French Reaction to British Slave Emancipation, Baton Rouge, Louisiana State University
Press, 1988. Voir également note 73.
2. Sur les différents modes de résistance des esclaves, voir notamment Eugene Genovese,
Roll Jordan Roll: The World the Slaves Made, New York, Random House, 1979, et John
Thornton, Africa and Africans in the Making of the Atlantic World, 1400-1800, Cambridge,
Cambridge University Press, [1986] 1998, pp. 272-303.
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Annales HSS, septembre-octobre 2000, n° 5, pp. 1009-1037. COLONISATION ET ESCLAVAGE
fallait enrayer le séparatisme — , la Convention ensuite, entérinaient un état
de fait ; la Convention Г étendit cependant à toutes les colonies françaises3.
Enfin, en proclamant leur propre Etat, Haïti, à l'issue de la première guerre
coloniale, les anciens esclaves arrachaient leur indépendance politique à la
France napoléonienne4. Dans tout le continent américain, cette victoire de
la violence et de la citoyenneté terrifia les maîtres et inspira leurs esclaves.
C'est pourquoi les grands soulèvements de la Barbade (1816), de Demerari
(1823) et, surtout, de la Jamaïque (1831-1832) éclairent tout autant le
processus de destruction des systèmes esclavagistes que l'évolution des
mentalités et de l'imaginaire politique dans les métropoles coloniales. C'est
dans ce contexte dynamique, multiforme et transculturel qu'intervint l'aboli
tion dans l'aire caribéenne : d'abord anglaise et progressive (1833-1838)
puis française et immédiate, mais pour la seconde fois. À la Martinique et
à la Guadeloupe des révoltes d'esclaves contraignirent d'ailleurs à proclamer
la liberté avant l'arrivée officielle du décret de 1848.
La loi abolissant l'esclavage dans les possessions britanniques s'appli
quait aux colonies américaines et à l'Afrique du Sud mais excluait expressé
ment l'Inde (et Ceylan). Là, la British East India Company veillait : si le
commerce des esclaves fut prohibé en 1843, l'esclavage était déclaré ne
pas avoir de statut légal dans l'Inde britannique. Les esclaves ne furent pas
informés de leur liberté mais ils furent laissés « libres » de quitter leurs
maîtres. S'ils le faisaient, ils ne pouvaient être repris ni par la loi ni par la
force. Cette ingénieuse solution prit le nom ď Indian model. Elle fut considé
rée comme la méthode la moins déstabilisante pour mettre fin à l'esclavage
parmi les peuples non européens lors de l'expansion de l'empire britannique.
Lorsqu'en 1874 les Britanniques annexèrent la Gold Coast (le Ghana actuel),
leur premier protectorat important en Afrique, les fonctionnaires du Colonial
Office appliquèrent ce modèle, convaincus qu'il représentait la forme idéale
pour une politique d'émancipation graduelle et non coercitive5.
3. Décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794) : « Tous les hommes sans distinction de
couleur, domiciliés dans les colonies sont citoyens français et jouissent de tous les droits
assurés par la Constitution. » Pour une réflexion sur la façon dont les luttes pour l'émancipation
conduisent à repenser la notion d'histoire nationale, voir Yves Bénot, La Révolution française
et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987, et Laurent Dubois, Les esclaves de la
République. L'histoire oubliée de la première émancipation, 1789-1794, Paris, Calmann-Lévy,
1998.
4. Elle ne sera concédée officiellement — ainsi que la reconnaissance diplomatique — qu'en
1825 (ordonnance du 17 avril) par Charles X contre l'indemnisation des colons dépossédés.
5. Sur Y Indian model et son extension à l'Afrique, voir Suzanne Miers et Richard Roberts
(éds), The End of Slavery in Africa, Madison, University of Wisconsin Press, 1988, p. 12 sq.
Pour la Gold Coast, voir Raymond Dumett et Marion Johnson, « Britain and the Suppression
of Slavery in the Gold Coast Colony, Ashanti, and the Northern Territories », in S. Miers et
R. Roberts (éds), The End of Slavery..., op. cit, pp. 71-116. Sur une variante de Y Indian model
à Zanzibar : Frederick Cooper, From Slaves to Squatters. Plantation Labor and Agriculture in and Coastal Kenya, 1890-1925, New Haven-Londres, Yale University Press, 1980,
pp. 24-68.
1010 R. BOTTE APRES L'ABOLITION DE 1848
Certes, en théorie, l'esclavage était condamné mais, dans la pratique,
on fermait les yeux (winked at). Quant aux esclaves fugitifs, lorsqu'ils
appartenaient à des alliés africains, ils étaient promptement rendus à leurs
maîtres. En somme, rien de bien différent de l'abolitionnisme à la française
sauf sur un point, mais capital : outre l'émancipa

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