L ésotérisme, la quête initiatique et le supermarché... - article ; n°1 ; vol.74, pg 92-97
7 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'ésotérisme, la quête initiatique et le supermarché... - article ; n°1 ; vol.74, pg 92-97

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
7 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2002 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 92-97
6 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Jean-Louis Schlegel
L'ésotérisme, la quête initiatique et le supermarché...
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°74, 2002. pp. 92-97.
Citer ce document / Cite this document :
Schlegel Jean-Louis. L'ésotérisme, la quête initiatique et le supermarché.. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et
politique. N°74, 2002. pp. 92-97.
doi : 10.3406/chris.2002.2378
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2002_num_74_1_2378la quête initiatique L'ésotérisme,
et le supermarché
Jean-Louis Schlegel *
Qu'est-ce que l'ésotérisme ?
Pour répondre à cette question, je ne ferai pas de l'histoire, mais je
décrirai la situation actuelle en insistant sur trois points pour comprendre
son relatif succès auprès de nos contemporains.
L'ésotérisme part du principe suivant : il y a plus à connaître de Dieu,
du monde et de l'homme que ce que nos sens peuvent appréhender,
que ce que notre raison peut savoir. Autrement dit, tant notre connais
sance courante, avec notre intelligence, notre imagination et nos sens, que
la connaissance scientifique des temps modernes, avec ses instruments de
calcul, de mesure, d'expérimentation, sont insuffisantes, tronquées, limi
tées, pauvres pour appréhender le réel.
Cette affirmation et cette conviction des individus qui s'adonnent aux
disciplines ou aux sciences dites ésotériques expliquent leur résistance,
leur opposition ou leur dédain face aux sciences modernes, officielles,
reconnues par l'État et par l'Université, et réciproquement, le refus, voire
l'animosité de nombreux scientifiques modernes face à la connaissance
ésotérique.
Dans la même ligne, mais, là, ce sont avant tout les grandes religions
monothéistes, et notamment la religion chrétienne, qui sont concernées,
une seconde conviction redouble la précédente : il y a plus à connaître
que ce que la foi enseigne. La foi, telle qu'elle est enseignée par les
Églises en particulier, enseigne des choses simples, destinées à tous ;
foncièrement, cet enseignement est une doctrine exotérique1, destinée
aux gens de l'extérieur, donc au tout-venant, aux non-initiés. À cet ense
ignement exotérique, s'oppose précisément le savoir ésotérique, celui qui
* Jean-Louis Schlegel est sociologue de la religion.
Ce texte est issu d'un exposé présenté au temple de l'Étoile, à Paris, dans le cadre d'un
cycle de conférences sur le « retour du religieux », organisé en novembre et décembre
1998.
1. C'est-à-dire une doctrine pour le non-initié, pour les gens qui se contentent de l'exté
rieur, de l'apparence des choses, et des doctrines « officielles ».
92 la quête initiatique et le supermarché L'ésotérisme,
enseigne les choses de l'intérieur ; on y entre grâce à une voie et à des
enseignements spécifiques, une initiation, grâce à un maître, à un chemin
personnel d'intériorisation.
La connaissance de la raison et la connaissance de la foi ne sont peut-
être pas rejetées, mais considérées comme trop pauvres par rapport à la
connaissance ésotérique, qui est une intuitive, une connais
sance par l'imagination active, qui donne libre cours à la spéculation et à
la divagation sur les secrets du monde et de la création, les mystères de
Dieu et du divin, la profondeur insoupçonnée de l'homme, du corps et de
l'âme humaine, tous les symboles qui, dans toutes les cultures, entourent
de sens la vie de l'homme.
Cette double opposition qu'on retrouve aujourd'hui, à la fois envers la
science officielle des modernes et envers la foi officielle des Églises, est
désormais, dans les temps modernes, basée sur la conviction, chez cer
tains, que la science et la foi se sont réconciliées sur le dos de l'ésoté
risme ; la est certes a-thée (elle n'a pas besoin de l'hypothèse
« Dieu »), mais elle n'est plus antireligieuse ; de son côté, non seulement
la foi ne voit plus dans la science une ennemie, mais elle a été contami
née par le rationalisme contemporain. Par exemple, dans l'étude de la
Bible domine l'approche historico-critique, qui étudie avec les méthodes
des sciences modernes le texte biblique, et qui a laissé tomber, dit-on,
l'approche symbolique, mystique, spirituelle, du texte. Ou encore, elle a
abandonné tout le vaste domaine de la guérison, de la science...
Où. en est-on aujourd'hui?
Longtemps, - jusqu'à l'avènement des temps modernes, pour faire
court -, l'ésotérisme a été réservée à des initiés ; c'étaient des enseigne
ments transmis à et pratiqués par quelques-uns, des doctrines à l'écart des
doctrines courantes pour une élite de chercheurs et de connaissants.
Hermès Trismégiste2 dit ceci (dans un dialogue avec son fils) :
« En te rappelant ces principes fésotériquesj, tu te souviendras facile
ment des choses que je t'ai expliquées plus au long... Mais évite d'en
entretenir la foule ; non que je veuille lui interdire de les connaître, mais
je ne veux pas t' exposer à ses railleries. Qui se ressemble s'assemble ;
entre dissemblables il n'y a pas d'amitié. Ces leçons doivent avoir un
petit nombre d'auditeurs, ou bientôt elles n'en auront plus du tout. Elles
2. Les révélations d'Hermès Trismégiste sont des textes du IIIe ou du IIe siècle avant
notre ère, qui mêlent des traditions égyptiennes et grecques.
93 Jean-Louis Schlegel
ont cela de particulier que, par elles, les méchants sont poussés encore
davantage vers le mal. Il faut donc te garder de la foule, qui ne comprend
pas la vertu de ces discours. »
La kabbale, la théosophie, l'alchimie, l'astrologie, l'hermétisme, la
théurgie, les secrets des nombres, des symboles, des signes, des plantes,
du corps humain, la divination, les mancies en général (la prédiction de
l'avenir), tout cet ensemble de connaissances constituait des
disciplines réservées au petit nombre, à de petits groupes fervents. Ce
n'étaient pas des disciplines au sens où nous l'entendons aujourd'hui,
c'est-à-dire des savoirs et des spécialités extérieures à celui qui les
connaît et les enseigne, mais c'étaient avant tout des sagesses, des façons
de contempler le monde et d'y vivre de façon sage, juste et bonne. Par
exemple, l'alchimie n'était pas ce que l'on dit vulgairement, une
recherche pour transformer « le vil plomb en or ». C'était beaucoup plus,
et même avant tout une quête beaucoup plus difficile et subtile : comment
transformer le vil plomb de nos âmes déchues en or spirituel ? J'aime
cette phrase d'un alchimiste du début du XVIe siècle :
« Certes, je suis un magicien, mais comme tout lettré le sait, un magi
cien n'est pas un sorcier, ni un adepte de la superstition, ni un homme qui
fait alliance avec les esprits du Mal. Non, le magicien est un sage, un
prêtre et un prophète. Je concède que la magie enseigne mainte chose
inutile, bien des miracles qui sont de la poudre aux yeux ; laissez toutes
ces futilités, sans oublier pour autant d'en explorer les causes. Ce qui, en
revanche, sans blesser Dieu et la religion, peut être mis en œuvre pour
servir au bien des hommes, pour détourner le malheur, détruire les malé
fices des sorciers, guérir les maladies, chasser les fantômes, conserver la
vie et l'honneur, maintenir la vie bonne ici-bas — qui ne considérerait que
cela est utile et nécessaire ? »
Ce qui s'est passé relativement récemment, et il faudrait évidemment
décrire le comment et dire le pourquoi, c'est ceci : l'ésotérisme a cessé
d'être réservé à des initiés ; à l'ère des médias et de la communication
généralisée, il est entré dans le grand public. Ses secrets sont devenus des
secrets de polichinelle, ils sont proposés partout dans le grand supermar
ché du salut et des religions aujourd'hui, par tous les médias possibles,
non seulement dans des ouvrages de vulgarisation mais même dans des
ouvrages savants anciens ou récents. Mais du coup, comme le dit le titre
du livre d'un grand ésotériste contemporain, Raymond

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents