L esprit de la sociologie contemporaine - article ; n°3 ; vol.32, pg 443-456
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Description

Revue française de sociologie - Année 1991 - Volume 32 - Numéro 3 - Pages 443-456
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Stoetzel
L'esprit de la sociologie contemporaine
In: Revue française de sociologie. 1991, 32-3. pp. 443-456.
Citer ce document / Cite this document :
Stoetzel Jean. L'esprit de la sociologie contemporaine. In: Revue française de sociologie. 1991, 32-3. pp. 443-456.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1991_num_32_3_4067DOCUMENT
L'esprit de la sociologie contemporaine
par Jean STOETZEL
C'est le 24 mars 1946 que Jean Stoetzel fit un exposé, devant la Société de
philosophie de Bordeaux, sur « L'esprit de la sociologie contemporaine ». Loïc
Blondiaux, dans l'article qui précède, s'appuie largement sur le texte de cette confé
rence, qui lui a été aimablement transmis par Madame Hélène Riffault, et le situe
par rapport à d'autres présentations, publiées ou inédites, de la sociologie franç
aise, faites par le même auteur et dans la même période.
Ce texte est un quasi-inédit puisqu'il n'a été « publié », assez pauvrement dac
tylographié, que comme le numéro 4, d'avril 1946, du très confidentiel Bulletin de
la Société de philosophie de Bordeaux. On y lit d'abord les noms et adresses des
membres du Bureau de cette Société, MM. Lacroze (président), Narbonne (secrét
aire), Samazeuilh (secrétaire-trésorier).
Rechercher l'esprit de la sociologie actuelle, n'est-ce pas l'opposer à
la sociologie d'hier ? Or cette d'hier, il n'est pas difficile de
l'identifier. Relisons un texte qui nous a certainement tous, à un moment
ou à un autre de notre jeunesse, passablement impressionnés :
« ... Les résistances ont progressivement faibli... La cause de la sociologie objective,
spécifique et méthodique a gagné du terrain sans interruption. La fondation de L'Année
sociologique a certainement été pour beaucoup dans ce résultat. Parce qu'elle embrasse
à la fois tout le domaine de la science, L'Année a pu, mieux qu'aucun autre ouvrage
spécial, donner le sentiment de ce que la sociologie peut et doit devenir. »
Voilà ce qu'Emile Durkheim écrivait dans sa seconde Préface aux Règles
de la méthode sociologique (p. x). Et nul doute en effet que la sociologie
française d'hier ne s'identifie pour nous Français, et même, dans une me
sure non négligeable, pour l'historien de la sociologie mondiale, au r
emarquable travail d'équipe réalisé par l'école de L'Année sociologique. Or
un petit livre qui vient juste de sortir des presses, cruellement intitulé Les
faits sociaux ne sont pas des choses, peut avec assez de justesse se de
mander dès sa première ligne, en écrivant le mot « sociologie » entre guil
lemets : dans quels sables se sont perdues d'aussi hautes ambitions ?
Pour notre part, nous ne pouvons, sans un certain sentiment de honte,
en cette Faculté de Bordeaux, dont Durkheim rappelait précisément dans
443 Revue française de sociologie
le même livre (p. 2) qu'elle fut le théâtre de ses premières recherches et
de son premier enseignement, suivre l'exemple d'une telle ingratitude.
Durkheim et ses élèves ont parfaitement raison de revendiquer ce mér
ite : non seulement l'œuvre qu'ils ont accomplie en commun est incompar
able en France par son ampleur ; non seulement ils ont assuré à la France,
dans cette science, une place qu'elle n'a peut-être pas conservée dans d'aut
res domaines de la recherche ; non ils ont prolongé leur effort
d'une manière infiniment plus soutenue que leurs collègues et rivaux et
que les spécialistes des disciplines voisines. Mais, peut-être surtout, cette
immense construction qu'ils ont édifiée, quelque inachevée que nous la
trouvions, exerce un énorme effet de stimulation, sinon comme modèle à
imiter, du moins comme défi à l'adresse de leurs adversaires.
Dois-je ajouter que, personnellement, pour ne pas parler des survivants
de l'école durkheimienne, à l'égard de qui j'ai des raisons bien précises
de conserver une gratitude exceptionnelle, toutes sortes de liens m'atta
chent à la mémoire d'un Blondel, d'un Fauconnet, d'un Bougie, et du der
nier et du plus tragiquement disparu de mes maîtres directs, Maurice
Halbwachs ?
Il faut cependant bien en convenir à la fin. Nous ne voulons plus, nous
ne pouvons plus accepter l'esprit dans lequel Durkheim commença à
convier ses élèves à travailler en ces lieux mêmes, il y a juste cette année
soixante ans. Il ne nous importe plus de convaincre de l'importance des
influences sociales. Nous ne cherchons plus à construire des systèmes doct
rinaires. Nous n'avons plus le souci d'isoler le social du psychologique
ou de l'organique. Et si l'amélioration des techniques de recherche reste
une consigne permanente, nous laissons aux philosophes le soin de rédiger,
au sens que l'ingénieux Lalande donne à ce mot, les « principes » de la
méthode sociologique. Il y a eu, entre Durkheim et nous, un déplacement
complet des points de vue. Au risque d'attrister mes excellents collègues
de la Société de Philosophie, je dirai que les sociologues d'aujourd'hui,
s'ils ressentent encore parfois les bienfaits d'un arrière-plan de culture phi
losophique, se préoccupent bien peu des prémisses et des conséquences
philosophiques de leurs travaux. Et le temps viendra sans doute, que j'at
tends personnellement avec une impatience ironique - tant il est vrai que
la philosophie est la plus grande et la plus dangereuse tentation de l'au
todidacte dans ce domaine -, où, faisant suite aux excellents travaux phi
losophiques de Durkheim, comme naguère certains des meilleurs
mathématiciens, des meilleurs physiciens, des meilleurs biologistes, l'on
verra les meilleurs sociologues écrire d'exécrables ouvrages de philoso
phie. A ce moment, la sociologie sera une science !
444 Document
Un des spectacles les plus surprenants pour les sociologues contempor
ains est la somme considérable d'efforts consacrés par leurs précurseurs,
et notamment par les sociologues de L'Année sociologique, à essayer de
justifier leurs recherches et même leur propre existence. L'un des textes
qui expriment le mieux cette préoccupation obsédante est ce passage de
Mauss et Fauconnet, extrait de leur article « Sociologie » au tome XXX de
la Grande Encyclopédie :
« La question est de savoir si, parmi les faits qui se passent au sein de ces groupes,
il en est qui manifestent la nature du groupe en tant que groupe, et non pas seulement
la nature des individus qui les composent, les attributs généraux de l'humanité. Y en
a-t-il qui sont ce qu'ils sont parce que le groupe est ce qu'il est ? A cette condition,
et à cette condition seulement, il y aura une sociologie proprement dite. » (Cité par
Bougie et Raffault, Eléments de sociologie, 24-25)
Naturellement, les auteurs ne posent la question avec une telle gravité
que parce qu'ils savent bien qu'ils pourront y répondre affirmativement.
Mais que d'efforts pour arriver à faire tenir sur ses pieds la démonstration !
A certains égards, l'œuvre entière d'Emile Durkheim apparaît comme
dominée par ce souci, comme orientée vers cette réponse. Dès 1893, sa
thèse de doctorat montrait que la division du travail social n'a pas des
causes psychologiques, la recherche d'un bonheur plus grand par exemple,
comme le prétendent les économistes. C'est une cause sociologique object
ive, c'est l'accroissement de volume et de densité des sociétés qui déter
mine mécaniquement les progrès de la division du travail, en renforçant
l'intensité de la lutte pour la vie : chacun cherche dans une profession
différente, différenciée, nouvelle et peu encombrée, un moyen d'échapper
à la concurrence des autres. Il en résulte que, en se distinguant des autres
au point de vue de ses fonctions professionnelles, chaque individu se dif
férencie aussi psychologiquement. Et dès cette époque Durkheim suit la
conséquence de cette observation : ce n'est pas le social qui est conditionné
par le psychologique ; c'est le contraire qui est vrai :
« Les faits sociaux ne sont pas le simple développement des faits psychiques, mais
les seconds ne sont en grande partie que le prolongement des premiers à l'intérieur
des consciences. C'est l'organisation sociale d

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