L étreinte du fourmilier. De petites histoires « comme ça » chez les Tatuyo du Pira-Parana, Amazonie colombienne - article ; n°1 ; vol.80, pg 145-167
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L'étreinte du fourmilier. De petites histoires « comme ça » chez les Tatuyo du Pira-Parana, Amazonie colombienne - article ; n°1 ; vol.80, pg 145-167

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Description

Journal de la Société des Américanistes - Année 1994 - Volume 80 - Numéro 1 - Pages 145-167
The Anteater's Embrace. Just so stories of the Pira-Parana's Tatuyo, North- West Amazonia. The mythology of the Tucano population of North- West Amazonia is dominated by the Solar Hero Jurupari. At dusk whilst shadows lengthen tree bottoms, a people is born composed of jealousy ridden demons since they possess no bodies. These are wâti (curupira, boraro) whose emblemetic figure is the anteater : his deadly embrace haunts the Amazonian imagination. The author demonstrates that according to northwest amazonian material the wâti is merely the obscure cannibal underside of Jurupari, the father-creator.
El abrazo del oso hormiguero. Pequeñas historias informales de los Tatuyo del Pira-Paraná, Amazonia colombiana. La figura del héroe solar Jurupari domina la mitología de las poblaciones tucano del noroeste de Amazonia. Al atardecer, cuando al pie de los árboles las sombras se prolongan, nace un pueblo de demonios carcomidos por los celos pues carecen de cuerpo. Es el pueblo de los wâti (curupira, boraro) que tiene como emblema el oso hormiguero, cuyo abrazo mortal atormenta el imaginario amazónico. A partir de materiales del noroeste amazónico, el autor demuestra que el wâti es el reverso oscuro y canibal de Jurupari, el padre creador.
La mythologie des populations tucano du nord-ouest de l'Amazonie est dominée par la figure du héros solaire Jurupari. A la tombée du jour, tandis que les ombres s'allongent aux pieds des arbres, naît tout un peuple de démons rongé de jalousie, parce qu'il n'a pas reçu de corps. C'est le peuple des wâti (curupira, boraro), qui a comme figure emblématique le fourmilier, dont l'étreinte mortelle hante l'imaginaire amazonien. L'auteur montre, à partir de matériaux nord-ouest amazoniens, que le wâti n'est que l'envers obscur et cannibale de Jurupari, le père créateur.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Patrice Bidou
L'étreinte du fourmilier. De petites histoires « comme ça » chez
les Tatuyo du Pira-Parana, Amazonie colombienne
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 80, 1994. pp. 145-167.
Citer ce document / Cite this document :
Bidou Patrice. L'étreinte du fourmilier. De petites histoires « comme ça » chez les Tatuyo du Pira-Parana, Amazonie
colombienne. In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 80, 1994. pp. 145-167.
doi : 10.3406/jsa.1994.1529
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1994_num_80_1_1529Abstract
The Anteater's Embrace. Just so stories of the Pira-Parana's Tatuyo, North- West Amazonia. The
mythology of the Tucano population of North- West Amazonia is dominated by the Solar Hero Jurupari.
At dusk whilst shadows lengthen tree bottoms, a people is born composed of jealousy ridden demons
since they possess no bodies. These are wâti (curupira, boraro) whose emblemetic figure is the
anteater : his deadly embrace haunts the Amazonian imagination. The author demonstrates that
according to northwest amazonian material the wâti is merely the obscure cannibal underside of
Jurupari, the father-creator.
Resumen
El abrazo del oso hormiguero. Pequeñas historias informales de los Tatuyo del Pira-Paraná, Amazonia
colombiana. La figura del héroe solar Jurupari domina la mitología de las poblaciones tucano del
noroeste de Amazonia. Al atardecer, cuando al pie de los árboles las sombras se prolongan, nace un
pueblo de demonios carcomidos por los celos pues carecen de cuerpo. Es el pueblo de los wâti
(curupira, boraro) que tiene como emblema el oso hormiguero, cuyo abrazo mortal atormenta el
imaginario amazónico. A partir de materiales del noroeste amazónico, el autor demuestra que el wâti es
el reverso oscuro y canibal de Jurupari, el padre creador.
Résumé
La mythologie des populations tucano du nord-ouest de l'Amazonie est dominée par la figure du héros
solaire Jurupari. A la tombée du jour, tandis que les ombres s'allongent aux pieds des arbres, naît tout
un peuple de démons rongé de jalousie, parce qu'il n'a pas reçu de corps. C'est le peuple des wâti
(curupira, boraro), qui a comme figure emblématique le fourmilier, dont l'étreinte mortelle hante
l'imaginaire amazonien. L'auteur montre, à partir de matériaux nord-ouest amazoniens, que le wâti n'est
que l'envers obscur et cannibale de Jurupari, le père créateur.L'ÉTREINTE DU FOURMILIER.
DE PETITES HISTOIRES « COMME ÇA »
CHEZ LES TATUYO DU PIRA-
PARANÁ, AMAZONIE COLOMBIENNE
Patrice BIDOU *
Ils (les Indiens) disent aussi que ces animaux
sont tous femelles, et croient que le mâle est le
« curupira » ou démon des forêts : l'anatomie
particulière de l'animal est probablement à
l'origine de cette erreur.
Wallace, Travels on the Amazon and Rio
Negro.
La mythologie des populations tucano du nord-ouest de l'Amazonie est dominée par la
figure du héros solaire Jurupari. A la tombée du jour, tandis que les ombres s'allongent aux
pieds des arbres, naît tout un peuple de démons rongé de jalousie, parce qu'il n'a pas reçu
de corps. C'est le peuple des wâti (curupira, boraro), qui a comme figure emblématique le
fourmilier, dont l'étreinte mortelle hante l'imaginaire amazonien. L'auteur montre, à partir
de matériaux nord-ouest amazoniens, que le wâti n'est que l'envers obscur et cannibale de
Jurupari, le père créateur.
Mots clés : Amazonie colombienne, Tucano, mythologie, Jurupari, nuit, wâti (curupira,
boraro).
El abrazo del oso hormiguero. Pequeňas historias informales de los Tatuyo del Pira-Paraná,
Amazonia colombiana.
La figura del héroe solar Jurupari domina la mitologia de las poblaciones tucano del
noroeste de Amazonia. Al atardecer, cuando al pie de los árboles las sombras se prolongan,
nace un pueblo de demonios carcomidos por los celos pues carecen de cuerpo. Es el pueblo
de los wâti (curupira, boraro) que tiene como emblema el oso hormiguero, cuyo abrazo
mortal atormenta el imaginario amazónico. A partir de materiales del noroeste amazónico,
el autor demuestra que el wâti es el reverso oscuro y canibal de Jurupari, el padre creador.
Palabras claves : Amazonia colombiana, Tucano, mitologia, Jurupari, noche, wâti
(curupira, boraro).
* CNRS, Laboratoire d'Anthropologie Sociale, 52, rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris.
Journal de la Société des Américanistes 1994, 80 : p. 145 à 167. Copyright ©, Société des Américanistes. 146 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES [80, 1994
The Anteater's Embrace. Just so stories of the Pira-Parana's Tatuyo, North- West Amaz
onia.
The mythology of the Tucano population of North- West Amazonia is dominated by the
Solar Hero Jurupari. At dusk whilst shadows lengthen tree bottoms, a people is born
composed of jealousy ridden demons since they possess no bodies. These are wâti (curupira,
boraro) whose emblemetic figure is the anteater : his deadly embrace haunts the Amazonian
imagination. The author demonstrates that according to northwest amazonian material the
wâti is merely the obscure cannibal underside of Jurupari, the father-creator.
Key words : Colombian Amazonia, Tucano, mythology, Jurupari, night, wâti (curupira,
boraro).
1. Soirée indigène
Quand la nuit fut tombée, les Nunuiba, voyant que les jeunes garçons qui
étaient allés cueillir des fruits de uacú (Monopterix uaucu Sprucer) n'étaient pas de
retour, allèrent avec leurs mères alerter le tuxáua (chef). Le tuxáua fit mander le
paie (chamane) pour l'interroger 1.
Cette inquiétude, qui à la fin du jour gagne les habitants de la maloca et resserre
la communauté autour de son chef, vient faire écho aux semonces que les parents
ont coutume d'adresser à ces mêmes garçons quand, au lever du jour, ils tardent
à se lever pour descendre se baigner dans la rivière. Ces deux scènes, situées, l'une
au crépuscule de la nuit, l'autre à celui du jour, ces moments incertains de lumière
diaphane où un monde bascule dans l'autre, malgré leur éloignement dans le temps
et dans l'espace puisque la première est empruntée à un récit recueilli à la fin du
siècle dernier par Stradelli dans le bassin du haut Rio Negro, parmi des groupes
aujourd'hui disparus, tandis que la seconde je l'ai observée sur le terrain chez les
Tatuyo du Pira-Parana dans le Vaupés colombien, ces deux scènes sont étroitement
liées ; elles font partie du même complexe mythique qui, à travers le registre de
l'éducation des enfants, fonde le rituel pohe wii (jurupari, maloca), la plus haute et
la plus solennelle expression du religieux indigène.
À la tombée du jour, tous les membres de la maisonnée, les hommes, les femmes
et les enfants, ainsi que les chiens, se retrouvent réunis dans l'espace intérieur de la
maloca. Seules les poules dorment au dehors, dans une petite construction de forme
conique, aa mbokë wii, « la maloca des poules », solidement close pour empêcher
que des prédateurs nocturnes ne viennent les manger.
Quand on entre dans la maison par la porte de devant, là où aboutit le chemin
qui arrive droit de la rivière, à main droite, à côté du premier poteau central, sur
un pieu à tête renflée brûle de la résine dont les coulées irrégulières rappellent les
boursouflures d'une « tête de caïman » — c'est en tout cas l'interprétation que je
fais ici du nom que les indigènes donnent à ce morceau de bois — , tandis que la
petite flamme aux reflets bleutés et jaunes, mais où le rouge domine, fait penser aux
yeux couleur de feu du saurien, tels qu'ils apparaissent à la surface noire de l'eau,
deux taches sanguines, translucides et froides, quand l'animal est chassé la nuit à p.] l'étreinte du fourmilier chez les tatuyo 147 Bidou
la lumière des torches électriques. En contrepoint à cette lumière centrale, le long
des murs latéraux rougeoient ici et là les braises des foyers maintenus en veilleuse ;
elles signalent dans l'obscurité ambiante, avec au-dessus d'elles les hamacs disposés
en triangle, qui pendent fantomatiques comme les cosses vides de quelque
gigantesque légumineuse, les emplacements des différentes unités familiales résidant
sous le toit commun de la maloca.
Ces feux allumés dans la nuit maintiennent dans l'habitation une part de jour
et, avec elle, en partie l'organisation sociale propre au monde diurne, à sa

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