« L histoire qui se prend par les yeux... » : Michelet et Rubens - article ; n°2 ; vol.29, pg 349-367
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1974 - Volume 29 - Numéro 2 - Pages 349-367
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Malandain
« L'histoire qui se prend par les yeux... » : Michelet et Rubens
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29e année, N. 2, 1974. pp. 349-367.
Citer ce document / Cite this document :
Malandain Pierre. « L'histoire qui se prend par les yeux.. » : Michelet et Rubens. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 29e année, N. 2, 1974. pp. 349-367.
doi : 10.3406/ahess.1974.293476
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1974_num_29_2_293476histoire lui se prend par les yeux.
Michefet et Rubens
Le vrai peintre ver
Le vrai peintre Anvers est Metsys Cette affirmation est autant
plus surprenante sous la plume de Michelet le août 1840 elle inscrit
après plusieurs pages enflammées sur uvre inspirée de Rubens artiste-
roi le plus haut point de liberté et de facilité que art humain ait acquis
le triomphe le plus complet de homme dans sa rivalité avec la nature.
Certainement expression le vrai peintre Anvers est équivoque et on
ne saurait priori privilégier un de ses sens le peintre le plus digne de ce
nom le plus peintre des peintres ait produits la ville Anvers) au détriment
de autre ou du moins un des autres parmi les plus lisibles le plus anversois
des peintres Anvers celui dont oeuvre reproduit ou traduit le plus complè
tement ou le plus ndèlement la ville Anvers ses sites sa lumière ses habitants
ou son histoire On ne peut pourtant pas non plus écarter le premier sens
proposé plus haut même et surtout si le contexte invite Le début du
passage où cette phrase est extraite est en effet Anvers Conduits par un
flegmatique Anversois On dit ils sont tels Veracliter en donne bien
cette idée videmment ce est pas là la ville de Rubens il la remplit néan
moins tout entière. P)
Quel est donc le lieu de cette évidence Où se situent origine et le terme
du regard elle implique La ville Anvers telle on peut la voir en
1840 présente-t-elle une atmosphère des couleurs un style différents de
ceux des tableaux de Rubens Cette différence tient-elle aux deux siècles
Journal de Jules Michelet éd VIALLANEIX Paris Gallimard 1959 322
Il est question dans ce passage du possesseur du château-musée Eu le roi Louis-
Philippe que son brutal sens historique rend insatiable histoire de histoire qui
se prend par les yeux Et Michelet ajoute autre part le sentiment de art est
tellement subordonné en lui au sens historique il laissé derrière une porte le chef-
uvre de son musée
Ibid. 346 345
Ibid. 344
349 ART ET SOCI
qui séparent la composition de cette uvre du spectacle qui offre Michelet
Est-ce le peintre qui été infidèle la ville où il vivait ou celle-ci est-elle
devenue différente par injure du temps Chaque ville autre part a-t-elle
nécessairement ou a-t-elle dû avoir son peintre unique caractéristique spéci
fique Et chaque peintre a-t-il selon la même nécessité renversée sa ville
Si donc Metsys est le vrai peintre Anvers quelle est la ville de Rubens De
quoi Rubens est-il le vrai
Michelet en 1840 ne le sait pas Il le cherche Et au-delà de émotion
esthétique que lui procurent la couleur et le mouvement des tableaux de
Rubens au-delà de intérêt historique et idéologique éveillent en lui leurs
sujets ce il leur demande alors est leur vérité même pourrait-on dire
le lieu de leur vérité la ville où ils se sont acquis ou pourront acquérir droit
de cité Vérité non réalisme car sur ce plan Metsys le satisfait pleinement
Dans Evangeliste la plupart des personnages grimacent ... les deux qui
attisent le feu sous la chaudière sont excellentes caricatures prises dans le
peuple que artiste avait sous les yeux dans ses réminiscences populaires
Rubens lui invite autres réminiscences moins directes moins assi
gnables Un au-delà du réalisme qui pourrait bien être un au-delà de la question
même du réalisme Michelet en pas encore une conscience nette qui chante
aussi les mérites de Metsys Pourtant est sans doute de cet au-delà même de
la question du réalisme que confusément mais avec une sorte de nécessité
insistante oeuvre de Rubens lui propose la recherche et élucidation Car
rester enfermé dans les limites de la question du réalisme est tomber presque
coup sûr dans le piège de son apparent contraire qui autre que son
double solidaire son revers indissociable idéalisme On sait en général
Michelet manque guère et entre autres justement dans sa description
des villes et dans son interprétation des grandes uvres picturales Il faudrait
analyser dans ce sens le traitement il fait subir Rembrandt et en particulier
la description des deux petits Philosophes il voit au Louvre en juin 1839
précisément et il ne saurait bien entendu agir un pur hasard sous
les femmes rouges et rebondies de Rubens Cette description se termine
par une évocation de type indéniablement idéaliste que suit complète et
finalement annule une curieuse correction II pas ses pieds ni dans la
tête les scie les marteaux Il pas dans le lointain la terre séduisante la
mer infinie Il est lui-même sa terre sa mer sa nature Il voyage en soi
Ibid. 346
Cf ibid. II 249 Lyon plus Rome plus Paris plus en nulle
autre ville la nature rendu visible palpable sous forme matérielle et dans la physio
nomie même des lieux la lutte de deux âmes et de deux esprits. Saône et Rhône la
Croix-Rousse et Fourvière...
Ibid. pp 303-304 Sur le petit Philosophe de Rembrandt voir aussi
Amour 2e éd. Paris Hachette 1859 88
Nous soulignons Il faut rapprocher de ce texte celui que Michelet consacre au
Chasseur de Géricault dans le Journal la date du 20 juillet 1840 332 Alors
que dans le furieux tourbillon de la bataille le cavalier semble abstraire du cadre il se
tourne vers nous et pense. cette fois est probablement pour mourir Pourquoi pas
Ni ostentation ni résignation est tout bonnement un homme ferme et de bronze comme
il était mort déjà plusieurs fois. la description du tableau se termine par ces mots
La terre est verte et belle un pauvre petit ruisseau dont on voit une belle flaque verte
nous avertit que sans la fumée de la poudre nous verrions peut-être un beau ciel car
il une terre et un ciel encore
Sur les rapports de Michelet avec le grand peintre romantique fran ais et en particulier
350 MALANDAIN MICHELET ET RUBENS
II vole dans ses pensées ou plutôt il pas ailes Heureux qui pas ailes
heureux qui ne veut que marcher
Dans cette oscillation immobile vouée immobilité entre le pôle réaliste
et le pôle idéaliste Rubens oppose Michelet une mystérieuse résistance
remet en cause la structure dichotomique Guelfes et Gibelins sur laquelle
historien construit ordinaire ses interprétations oblige se déplacer
Résistance autant plus remarquable elle arrête guère élan de la plupart
des commentateurs de Rubens Ainsi Verhaeren
II Emile Verhaeren écrit Toute la Flandren
est aussi une comparaison entre Rubens et Metsys qui suggère ce détour
par le poète symboliste belge propos du Coup de lance du musée Anvers
il écrit Oh que le triptyque de Metsys exposé non loin du Coup de lance
crie avec une autre voix la souffrance la torture et la fin un Dieu 10
Contrairement Michelet qui laissait en suspens la question de adéquation
du vrai peintre Anvers au grand peintre Anvers est ici éloge incondi
tionnel de Rubens que tourne la comparaison Il ne agit pour le poète que de
broder sur le thème qui ouvre son court ouvrage sur Pierre-Paul Rubens
oeuvre de ce maître est une ode formidable la joie 11
Cette formule lui paraît caractériser le mieux ensemble de oeuvre du
maître La placer en tout cas parmi celles des plus grands Dante Shake
speare Beethoven et plus haut elles en ce que la joie qui illumine les toiles
de Rubens est pas une joie raisonnée philosophique comme celle qui
éclate tout coup sur un fond sinistre la fin de la Divine Comédie dans les
féeries shakespeariennes ou dans la Neuvième Symphonie mais une joie
instinct sensuelle et surtout continue partout présente même dans
les scènes tragiques Ainsi pour le Jugement dernier Au lieu de heure des
représailles est heure de la fécondité inlassablement rouge et débordante
qui semble sonner 12
Cette réorganisation de toute la production un artiste autour un mot
renvoyant impression elle donne le plus généralement au ton majeur
de la vibration sentimentale procure au spectateur est le fait de ama
teur de esthète ou du panégyriste 13 Elle sans doute beaucoup voir avec
le système étiquetage et de classement du collectionneur For

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