L image du Noir dans l art européen - article ; n°4 ; vol.24, pg 883-893
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1969 - Volume 24 - Numéro 4 - Pages 883-893
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ignacy Sachs
L'image du Noir dans l'art européen
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 4, 1969. pp. 883-893.
Citer ce document / Cite this document :
Sachs Ignacy. L'image du Noir dans l'art européen. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 4, 1969. pp.
883-893.
doi : 10.3406/ahess.1969.422144
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1969_num_24_4_422144ART ET SOCIÉTÉ
L'image du Noir dans l'art européen
et universelle Gauguin, suit fut La de en « près découverte quelque Van de l'intérêt 1 Gogh 867, sorte éveillé » l'art et en préparée les japonais 1905 par créateurs l'art de par pour la de la de statuaire l'Extrême-Orient vogue lequel l'Art nouveau s'engouèrent dont africaine jouissait, l. et par L'écart des Vlaminck les depuis peuples impressionnistes, différentiel l'Exposition et d'Océanie Matisse res
senti au contact d'un art « primitif », dont l'on soupçonnait mal l'existence 2,
fut néanmoins beaucoup plus grand que dans le cas des cultures de l'Extrême-
Orient, à la réputation bien établie aux yeux des Européens depuis l'antiquité.
C'est pourquoi cette « découverte » marqua d'une profonde empreinte les grands
courants artistiques à la veille de la Première Guerre mondiale. L'on connaît
l'attrait exercé par la sculpture africaine sur les cubistes et les fauves, alors que
l'art des peuples de l'Océanie fascinait surtout les expressionnistes (et les fauves,
bien entendu) 3. Un nouveau rapport s'établit ainsi avec l'art non-européen,
fondé non plus sur la recherche occasionnelle du thème, de la couleur ou du
procédé technique et donc sur des plans extérieurs au penser proprement dit,
mais visant une synthèse, quoique le plan formel soit prédominant.
Il ne faut pas s'y méprendre pourtant. Si la « découverte » dont nous parlons
est pour le penser plastique moderne comparable, sous certains rapports, à celle
de l'Amérique pour la réflexion anthropologique du XVIe siècle, elle ne marque
pas un changement radical d'attitude envers les peuples africains, elle ne s'ac-
1. Voir sur ce dernier point M. WALLIS, Secesia, Varsovie, 1967, pp. 268-273.
2. Quelques missionnaires, pourtant, avaient bien essayé d'éveiller l'intérêt des Européens
pour l'art africain, comme en témoigne par exemple la collection de statuettes de Congo, assemb
lée par A. KIRCHNER, S.J. à la fin du XVIIe siècle et figurant actuellement au musée Pigorini
à Rome (voir l'article de M. LEI RIS dans Le Courrier de Г Unesco, décembre 1965, pp. 10-12).
3. Voir les schémas généalogiques de l'art moderne préparés par A. H. BAYE Jr., Cubism
and Abstract Art New York, 1936, reproduits dans A. KOTULA, P. KRAKOWSKI, Kronika Nowej
Sztuki, Cracovie, 1966, pp. 256-260.
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Annales (24e année, juillet-août 1969, n° 4) ET SOCIÉTÉ ART
compagne même pas d'un éveil d'une conscience pluraliste au niveau culturel,
et pourtant finira par y contribuer. Il s'agit bien du penser plastique seulement *,
puis de musique, deux domaines par excellence asémantiques.
Les Européens découvrent l'art africain tardivement, car l'histoire de la colo
nisation du continent africain se déroula sur un tout autre plan. C'était la « danse
joyeuse de la mort et du commerce », au dire de J. Conrad. Mais, avant tout, ils le
découvrent au moment où ils en ont besoin pour donner le coup de grâce à la
tradition classique, en un grand combat de libération de l'emprise de la Grèce,
cette tradition qu'avait renouvelée la Renaissance, cramponnée à l'hér
itage gréco-romain pour mieux faire croire à la position centrale de l'Europe
dans le monde 2. Grâce aux progrès de la photographie, comme l'a remarqué
Henri Moore 3, l'artiste moderne aura d'ailleurs bientôt connu, non seulement la
statuaire africaine, mais tous les chefs-d'œuvre de la sculpture mondiale produits
au cours de 30 mille ans, de l'art paléolithique aux civilisations dites primitives
qui se situent dans la synchronie. La tradition gréco-romaine en sortira perdante.
Mais il ne s'agit toujours pas d'une réévaluation de la culture afr
icaine, et, à travers elle, de l'homme africain. Il faudra attendre encore, à quelques
honorables exceptions près, presqu'un demi-siècle avant que la pensée euro
péenne soit pleinement saisie par l'émancipation de l'Afrique. Et pourtant, à des
époques bien plus reculées, le Noir jouit d'une tout autre position dans la pen
sée européenne, et par là dans l'art, où il a joué le rôle à la fois de thème et de
symbole, polyvalent et changeant à travers les temps. Cette variété et ces chan
gements reflètent, bien entendu, la course des rapports historiques entre l'Europe
et l'Afrique. Ils permettent en même temps de dégager les attitudes prises au
cours des âges par les Européens envers les nègres, à partir d'un matériel qui,
de ce point de vue, n'a pas encore été mis suffisamment à profit et mérite une
étude bien plus systématique et complète que la nôtre 4.
Les premières figurations des nègres dans l'art européen remontent au
IIe millénaire avant notre ère. Comme l'a démontré Przeworski, certaines fresques
retrouvées en Crète montrent des types nettement négroïdes. La connaissance
des Africains, fruit des contacts commerciaux entre les îles de la mer Egée et la
Libye surtout, n'a pas amené les artistes crétois à établir une stylisation du type
de l'Africain, ce qui prouverait que les contacts étaient rares et la connais
sance du type anthropologique africain très imparfaite 5.
1. Le premier ouvrage important est celui de Cari EINSTEIN intitulé Negerplastik, Leipzig,
1915. Parmi les nombreuses études qui suivirent nous nous permettons de signaler l'admirable
volume de M. LEIRIS et J. DELANGE qui vient d'être publié au moment où nous rédigeons ce
texte: L'Afrique Noire, la création plastique, Paris, 1967.
2. Voir sur ce point A. JAKIMOWICZ, Zachôd a Sztuka Wschodu, Varsovie, 1967, p. 73.
3. H. MOORE, A View of Sculpture (1930), reproduit dans D. SYLVESTER, Henri Moore,
I. Sculpture and Drawings 1921-1948, Londres, 1957.
4. La monographie la plus récente à notre connaissance sur l'Africain dans l'art européen
(Hans-Joachim KUNST, Der Afrikaner in der Europàischen Kunst, Bad Godesberg, 1967)
procède plus à un inventaire qu'à une analyse idéologique des figurations du nègre par les artistes
européens depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.
5. Stefan PRZEWORSKI, « Typy afrykanskie na zabytkach kretenskich », in Opera selecta,
884 NOIR DANS L'ART EUROPÉEN I. SACHS LE
Durant l'antiquité gréco-romaine, les Noirs sont souvent représentés sous
une forme quelque peu caricaturale, voire même grotesque et monstrueuse \
Et pourtant dans l'Iliade nous apprenons que Zeus va festoyer chez les « parfaits
Éthiopiens » 2. Le motif est repris dans l'Odyssée : « Or le dieu s'en alla chez
les nègres lointains, les nègres répartis au bout du genre humain, dans leur double
domaine, les uns vers le couchant, les autres vers l'aurore. » 3 Hérodote situe
chez les Éthiopiens lointains, les plus beaux et les plus robustes parmi les hommes,
la Table du Soleil ; ils vivent donc dans un pays de Cocagne 4. Les anciens Grecs,
à travers les sources égyptiennes, eurent aussi connaissance des Pygmées, que
la légende représentait comme subissant l'assaut des grues fuyant l'hiver euro
péen 5.
Quant à la Rome impériale, le préjudice racial des togati soigneusement
rasés se manifestait contre les Barbares du Nord, bracati et comati (porteurs de
braies et chevelus), les Graeculi et les Juifs plutôt que contre les nègres, à en
juger par l'étude récente de A. N. Sherwin-White 6.
Ce n'est qu'au Moyen Age que l'Africain acquiert une importance capitale
au niveau du symbole. Mal connu et lointain, l'interprétation se fera sur deux
plans opposés.
En tant que noir il sera assimilé à la nuit, au monde des ténèbres, aux forces
du mal, il personnifiera même, dans la tradition populaire, le diable quoique; à la
suite

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