L influence ou la relation du regard dans Les Maîtres d autrefois (1876) - article ; n°98 ; vol.27, pg 75-84
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L'influence ou la relation du regard dans Les Maîtres d'autrefois (1876) - article ; n°98 ; vol.27, pg 75-84

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Romantisme - Année 1997 - Volume 27 - Numéro 98 - Pages 75-84
L'œuvre de critique d'art de Fromentin met en jeu deux conceptions de l'influence. En tant qu'action d'un élément sur un autre et principe d'explication historique, généalogique, l'influence s'y trouve doublement relativisée : par la réflexion sur l'école artistique d'une part, et, de façon plus novatrice, par la référence aux découvertes de Chevreul. A travers la voie ouverte par ce théoricien de la couleur, l'influence devient indissociable de la réception et fonde la règle d'une lecture comparatiste et contextualiste.
Fromentin 's work in the field of art appreciation reveals two conceptions of influence. As the action of one element on another, and as a principle of historic, genealogical explanation, influence is twice relativised. Firstly by the reflection on the school of art, and in a more innovative way, by the reference to Chevreul's discoveries. Through the revelations of this theoretic master of colour, influence becomes indissociable from what we see, and thus forms the basis of the rule of both comparative and contextual appreciation.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Mme Paule Petitier
L'influence ou la relation du regard dans Les Maîtres d'autrefois
(1876)
In: Romantisme, 1997, n°98. pp. 75-84.
Résumé
L'œuvre de critique d'art de Fromentin met en jeu deux conceptions de l'influence. En tant qu'action d'un élément sur un autre et
principe d'explication historique, généalogique, l'influence s'y trouve doublement relativisée : par la réflexion sur l'école artistique
d'une part, et, de façon plus novatrice, par la référence aux découvertes de Chevreul. A travers la voie ouverte par ce théoricien
de la couleur, l'influence devient indissociable de la réception et fonde la règle d'une lecture comparatiste et contextualiste.
Abstract
Fromentin 's work in the field of art appreciation reveals two conceptions of influence. As the action of one element on another,
and as a principle of historic, genealogical explanation, influence is twice relativised. Firstly by the reflection on the school of art,
and in a more innovative way, by the reference to Chevreul's discoveries. Through the revelations of this theoretic master of
colour, influence becomes indissociable from what we see, and thus forms the basis of the rule of both comparative and
contextual appreciation.
Citer ce document / Cite this document :
Petitier Paule. L'influence ou la relation du regard dans Les Maîtres d'autrefois (1876). In: Romantisme, 1997, n°98. pp. 75-84.
doi : 10.3406/roman.1997.4291
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1997_num_27_98_4291PETITIER Paule
L'influence ou la relation du regard
dans Les Maîtres d'autrefois (1876)
Fromentin écrit Les Maîtres d'autrefois l à la fin de sa vie, à un moment où la
reconnaissance officielle (légion d'honneur, invitations à la Cour impériale, participa
tion au jury de l'Exposition universelle de 1867, et à celui des Salons) ne fait peut-
être qu'accentuer un sentiment d'échec personnel, de n'avoir su être ni un
peintre ni un écrivain complet. L'artiste officiel et le conservateur expriment dans cet
essai sur la peinture du Nord la nostalgie d'un art perpétuant une tradition, réglé par
une pratique collective et normative. Mais celui qui fut dans sa jeunesse lecteur de
Herder ne peut faire l'économie d'une conception plus moderne de l'art, comme
expression d'entités originales (pays, moment historique, individu). Fromentin tente
de concilier les deux perspectives dans une construction personnelle de la notion
d'école, et plus globalement dans une transformation critique de la notion d'influence.
Historiquement, celle-ci prend de l'importance au moment où l'on passe d'une
conception classique à une conception moderne de l'art. Dans la première, centrée sur
l'imitation, l'influence n'est pas un concept pertinent, mais à partir du romantisme la
notion d'influence désigne le champ mouvant de relations qui maintiennent la possibil
ité de concevoir l'art comme fait collectif; elle permet à la fois de penser et de pal
lier l'individualité de l'artiste. Dans Les Maîtres d'autrefois, la notion d'influence est
une sorte de donnée, que la pensée de Fromentin, animée par ses contradictions, va
travailler à circonscrire, à déplacer, à contredire et d'où sortira l'esquisse d'une cri
tique moderne.
L'âge des écoles
Une réflexion sur l'idée d'« école » organise Les Maîtres d'autrefois. Les trois
parties de l'œuvre correspondent à trois écoles :
- Belgique : l'école flamande d'Anvers (Rubens);
- Hollande : hollandaise;
- Belgique : la première école flamande, celle de Bruges (Van Eyck et Memling).
Ce plan recouvre aussi une interrogation sur le caractère historique de l'organisa
tion de l'art pictural en écoles. Rubens « est avec Rembrandt le dernier grand chef
d'école » (p. 643 2). L'école flamande a été « la dernière des grandes écoles, peut-être
la plus originale, certainement la plus locale » (653). La question implicite est donc :
pourquoi ne peut-il plus y avoir désormais — et en particulier au XIXe siècle — de gran
de école de peinture ?
1. On pourra se référer à l'étude de Meyer Schapiro, « Fromentin, critique d'art » {Style, artiste et
société, Gallimard, collection « Tel », 1982, p. 231-271), pour une lecture d'ensemble de l'œuvre.
2. Toutes les références renverront à l'édition des Œuvres de Fromentin dans la Pléiade, par Guy
Sagnes, 1984.
ROMANTISME n° 98 (1997-4) 76 Paule Petitier
Dans le texte de Fromentin, le terme « école » recouvre deux sens différents : il
désigne le regroupement fortuit — ou disons plutôt déterminé par l'esprit du temps —
d'artistes dans l'exploration d'une même veine créatrice. Il y a de telles écoles à
toutes les époques historiques. Mais à ce sens dévalué s'oppose l'acception pleine du
mot qui, en particulier, prend en compte son contenu éducatif. Une véritable école est
le lieu où s'accomplit une éducation. Elle suppose l'apprentissage normatif d'une
« langue » commune - un métier, une technique qui est aussi une poétique
(Fromentin ne conçoit pas de différence entre grammatical de la
langue et celui de la rhétorique).
J'intitule ces pages Les Maîtres d'autrefois, comme je dirais des maîtres sévères ou
familiers de notre langue française, si je devais parler de Pascal, de Bossuet, de La
Bruyère, de Voltaire ou de Diderot, avec cette différence qu'en France il y a des écoles
où l'on pratique encore le respect et l'étude de ces maîtres stylistes, tandis que je n'en
connais guère où l'on conseille à l'heure qu'il est l'étude respectueuse des maîtres tou
jours exemplaires de la Flandre et de la Hollande (568).
L'école ainsi conçue peut nous faire penser au fonctionnement des « paradigmes
scientifiques » tels que les conçoit Thomas Kuhn 3. Chez Fromentin, la langue picturale
qu'adopte une école règle dans le domaine de la représentation le problème du système
de conventions et permet à l'énergie créatrice de s'épanouir dans une vision personnell
e. Elle normalise, mais représente la condition nécessaire de la découverte, de l'expres
sion individuelle. L'école est fondée par un « maître », créateur génial, qui invente une
langue nouvelle, ou bien par une révolution qui change toutes les données de l'art :
D'un seul coup, tout est changé dans la manière de concevoir, de voir et de rendre :
point de vue, idéal poétique, choix dans les études, style et méthode (659).
Aussi l'histoire de l'art n'est-elle pas linéaire : deux grandes écoles sont incompar
ables, imperméables. Il ne saurait y avoir de filiation de l'une à l'autre. L'art italien
et l'art hollandais sont deux systèmes dont les esthétiques s'excluent, compréhens
ibles de l'intérieur, mais étrangers l'un à l'autre.
Dans le chapitre consacré à l'école française de paysage du XIXe siècle (Hollande,
IX), Fromentin distingue deux générations d'artistes. Ceux que nous appelons les
peintres de Barbizon constituent l'embryon d'une école avec un maître, Théodore
Rousseau, qui a tenté d'inventer une nouvelle langue :
II fallait une langue pour exprimer cette multitude de sensations nouvelles; et ce fut
Rousseau qui presque à lui tout seul inventa le vocabulaire dont nous nous servons
aujourd'hui. Dans ses esquisses, dans ses ébauches, dans ses œuvres terminées, vous
apercevrez les essais, les efforts, les inventions heureuses ou manquées, les néologismes
excellents ou les mots risqués dont ce profond chercheur de formules travaillait à enri
chir la langue ancienne et l'ancienne grammaire des peintres (714).
Notons cependant que les recherches de Rousseau portent principalement sur
l'invention d'un vocabulaire, tandis que, lorsque Fromentin parle des peintres hollan
dais, il les présente en créateurs d'« une grammaire, [d'] une orthographe, [de] règles de
construction fixes, [de] tous les éléments d'une langue riche et brillante » 4. Rousseau
en reste au niveau du lexique, et donc, peut-être, trop près de la nature. Si l'on se
3. Thomas Kuhn, La Structure des révolutions scientifique

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