L Inquisition devant le miroir (1562-1648) - article ; n°2 ; vol.27, pg 29-57
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L'Inquisition devant le miroir (1562-1648) - article ; n°2 ; vol.27, pg 29-57

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Description

Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1991 - Volume 27 - Numéro 2 - Pages 29-57
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mlle Élisabeth Balancy
L'Inquisition devant le miroir (1562-1648)
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 27-2, 1991. pp. 29-57.
Citer ce document / Cite this document :
Balancy Élisabeth. L'Inquisition devant le miroir (1562-1648). In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 27-2, 1991. pp. 29-
57.
doi : 10.3406/casa.1991.2584
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1991_num_27_2_2584L'INQUISITION DEVANT LE MIROIR
(1562-1648)
Elisabeth BALANCY
CNRS (GDR 30)
Mon intérêt pour les visites d'inspection des inquisitions provinciales
par des délégués de l'institution centrale est le fruit d'un hasard récent. En
1990, je projetai une vaste entreprise intitulée «l'inimitié au Siècle d'Or». À
la fin de la même année j'y renonçai: les archives consultées permettaient,
au mieux, une répétition de mes travaux antérieurs. C'est alors que je pensai,
dans un premier élan, à connecter inimitié et inquisiteurs. Je savais d'expé
rience que ces honorables administrateurs de la foi pouvaient se montrer
souvent colériques, violents, retors, rancuniers et, parfois, débauchés. En
feuilletant l'ouvrage consacré par Bartolomé Bennassar à l'Inquisition espa
gnole, je lus page 79 ces lignes : «l'on a fort peu travaillé sur ces rapports
d'inspection et c'est très regrettable car ils jettent une lumière vive sur le
fonctionnement des tribunaux tout en rapprochant les inquisiteurs du
commun des hommes». Je tenais l'idée, le filon. Finalement, J.-P. Dedieu
en facilita généreusement la réalisation matérielle en mettant à ma disposi
tion ses microfilms des visites tolédanes. À titre complémentaire et anecdo-
tique, j'y adjoignis quelques enquêtes sévillanes et cordouanes *.
Sans prétendre, au terme d'un été de travail, à l'exhaustivité rêvée,
deux centres d'intérêt, l'un humain, l'autre administratif, émergent de la
* Enquêtes et visites au Saint-Office de Tolède. AHN Inquisition Legajo 2104 Expediente
1 : visite de 1562; Legajo 2104 Expedientes 7 et 8: visite de 1592; Legajo 2104 Exped
iente 10: enquêtes de 1619 à 1624; Legajo 2104 Expedientes 12, 13, 14: visite de 1627;
Legajo 2103"1" Expediente 1 : visite de 1640; Legajo 496" '" Expediente 6: de 1640;
2103"1" Libro 231 : visite de 1640 : Legajo Expediente 3 : visite de 1648.
Mélanges de la Casa de Velazquez (MCV), 1991, t. XXVII (2), p. 29-57. 30 ELISABETH BALANCY
lecture de ces enquêtes internes suivies, de loin en loin, de volumineux
rapports avoisinant les 1 000 folios, les dépassant parfois.
À l'évidence un incontestable intérêt humain puisque les inquisiteurs et
les autres officiers du siège n'étaient décidément pas des modèles de vertu.
Et là je cède à la tentation en m'exclamant tant mieux.
Cependant, nous voyons aussi tourner une institution qui, après des
décennies d'une redoutable efficacité, se coule dans la rigidité bureaucrat
ique, ployant sous la masse des instructions, lettres et autres cartas acor-
dadas (circulaires) que les visiteurs égrennent telle des antiennes.
Ces inspections inhérentes à toute administration, moderne ou contemp
oraine, expriment ici l'antinomie entre la volonté des autorités centrales de
maintenir le Saint-Office dans la stricte observance de son «style», de sa
réputation «d'honnêteté et d'honneur» et la conduite quotidienne d'un per
sonnel, oscillant entre fautes vénielles et fautes gravissimes, atteignant l'Office
dans sa raison d'être elle-même.
Outre l'exhumation des chefs d'accusation méthodiquement comptabil
isés, je crois pouvoir démontrer et affirmer dans ces pages que ces visites
prennent des allures de tentatives de sauvetage signifiant, par là, l'existence
d'un péril.
I. LES MODALITÉS DE VISITES
A. Leur périodicité
Ces visites, brièvement définies en introduction, échappent à toute régul
arité ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
Inquisition de Tolède Inquisition de Cordoue Inquisition de Seville
Inquisiteurs Inquisiteurs Inquisiteurs Enquêtes* Enquêtes* Enquêtes* Visites Visites Visites généraux généraux généraux
1529 MANRIQUE
1551 VALDÉS 1544 PARDOdeTABERA
1561 VALDÊS
1577 QUIROGA
1581
1592 QUIROGA 1589 QUIROGA
1597 PORTOCARREDO 1601 1600 NinodeGUEVARRA
1618-19 SANDOVALyROJAS 1606 1611 SANDOVALyROJAS
1624 1627 ZAPATATA
SOTOMAYOR 1640 1628 ZAPATA
1648 ARCEyREINOSO
* Liste très incomplete compte tenu de leur éparpillement. L1NQUISITI0N DEVANT LE MIROIR 3 1
L'étude du siège tolédan, servie par des sources parmi les plus complèt
es, laisse apparaître un grand vide au XVe siècle explicable par l'intense
activité anti-judaïsante du jeune tribunal. En ces débuts fulgurants il n'y a
pas de temps à perdre. À partir de 1529, et jusqu'en 1627, un visiteur pointe
le bout du nez en moyenne tous les 30 ans ; c'est dire si la visite constitue,
au XVIe siècle, un acte extraordinaire.
Bien sûr la nomination de l'Inquisiteur général Don Fernando de Valdés,
dont le nom reste attaché à une réorganisation administrative et juridique
ainsi qu'à une réorientation idéologique de l'Office, vaut à Tolède la visite
du Docteur Simancas, relayé par le Docteur Soto Salazar également membre
du conseil de la Suprême.
Quelques années plus tard, le Cardinal Gaspar de Quiroga, s'il n'oublie
pas — en 1592 — son siège primatial, multiplie les délégations à Cordoue.
Cette activité coïncide avec la montée d'exigences administratives et la vo
lonté d'un recrutement plus sélectif.
L'amorce du XVIIe siècle ouvre une période d'inspections rapprochées
à Tolède (1627, 1640, 1648) et à Seville (1600, 1611) entre lesquelles s'inter
calent quelques enquêtes ciblées sur tel ou tel ministre. Comment ne pas
être frappé par ces raccourcissements ? Je n'irai pas jusqu'à écrire que cette
intensification banalise la visite, qui demeure, nous le verrons, une interven
tion peu goûtée des officiers1 locaux tout en s'insérant dans une routine
administrative suppléant à l'extinction progressive des grandes causes de foi.
Cependant, à Tolède, les visites cessent en 1648. H.C. Lea explique cette
disparition par l'accomplissement d'une centralisation bien réelle, depuis
qu'en 1632 les sièges provinciaux adressent au Conseil des rapports mensuels
en sus des relations annuelles. Cette raison tendrait à prouver que la Suprême
se désintéresse des dissipations de ses subordonnés, hypothèse que vient
corroborer la clémence des sanctions internes en cas de licences.
B. Les raisons d'une visite
D'abord la Suprême peut ordonner une visite sans raison, simplement
parce qu'après un long oubli, le contrôle de la base s'impose comme une
Les officiers stricto sensu sont ceux qui perçoivent un salaire fixe de leur administration.
Il s'agit ici des inquisiteurs, du procureur, des secrétaires du secret, de Yalguacil, du
nonce, du portier, de Yalcaide de la prison secrète et de son lieutenant, du fournisseur
de la même prison, du juge des biens confisqués, du notaire des séquestres, des gens du
fisc (notaire, procureur et avocat) et du crieur public. J.-P. Dedieu donne une liste
détaillée dans le ch. XI, t. II, p. 286, de sa thèse: L'administration de la foi. L'inquis
ition de Tolède XVl'-XVW s., Doctorat d'État, Université de Toulouse-le-Mirail, 1987,
989 p. (dactylographiée). 32 ELISABETH BALANCY
nécessité «pour établir un état de l'inquisition de Tolède et vérifier que les
affaires y sont expédiées avec rectitude et diligence» (2014 Exp. 12). Toutes
les administrations recourent à ce procédé. En ce domaine nulle originalité
de l'Office !
Pourtant la visite n'obéit pas aux seules intermittences mathématiques.
En général plaintes et dénonciations auprès du Conseil appellent, par leur
répétition, une inspection.
Ces griefs émanent de sources antithétiques et, aussi inattendu que cela
puisse paraître, des détenus eux-mêmes. En 1591 le prisonnier Ocio de
Salazar dépose contre l'inquisiteur Don Lope de Mendoza aupr

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