La chasse à l hippopotame chez les Bozo - article ; n°1 ; vol.27, pg 37-66
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1957 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 37-66
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1957
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Z. Ligers
La chasse à l'hippopotame chez les Bozo
In: Journal de la Société des Africanistes. 1957, tome 27 fascicule 1. pp. 37-66.
Citer ce document / Cite this document :
Ligers Z. La chasse à l'hippopotame chez les Bozo. In: Journal de la Société des Africanistes. 1957, tome 27 fascicule 1. pp.
37-66.
doi : 10.3406/jafr.1957.1880
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1957_num_27_1_1880LA CHASSE A L'HIPPOPOTAME CHEZ LES BOZO
par
Z. Ligers
Les Bozo et les autres riverains du Niger chassent l'hippopotame
pour sa chair mais surtout pour sa graisse : celle-ci est utilisée non
seulement dans l'alimentation mais aussi - dans le traitement de
diverses maladies et la célébration de nombreux rituels *.
Traditions Bozo :
Les traditions Bozo rapportent qu'au temps des premiers hommes,
l'hippopotame était une personne. Mais les hommes commirent
tant de fautes qu'ils contraignirent Dieu à les punir en les transfo
rmant en hippopotames; dès lors, ces derniers, qui jusqu'alors vivaient
en brousse et se nourrissaient d'herbes, se mirent à fréquenter les
endroits humides et à séjourner dans l'eau.
Bien que tous les hippopotames soient des humains métamorphosés
(le plus souvent des Bozo), cette métamorphose n'est pas toujours
directe ; certains humains passent par un stade animal intermédiaire :
c'est pourquoi les Bozo de Koungourou donnent les noms suivants
à certains hippopotames dont les métamorphoses sont connues :
Ngâ dábi (nom d'un petit oiseau de brousse), kâba namu (« le père
du couteau »), Yávum duga (« la mère du vautour uruburu »), Moysori
(« le père du capitaine » 2).
1. Transcription phonétique :
A) Les mots Bozo ne sont précédés d'aucune indication ; précédés de l'indication ba sont de langue Bambara.
— — — pe de Peule.
— — — so sont de langue Sonraï.
H) Dans la mesure du possible, le lieu ou le mot a été recueilli, a été noté.
2. L'arrière grand oncle de l'un de nos informateurs aurait subi cette métamorphose. Le «Capi
taine » sale, en bambara. est le Lates niloticus. SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES 38
Cette étude ne portant que sur la technique de la chasse à l'hipp
opotame, nous ne retiendrons, du riche folklore soudanais concernant
cet animal, qu'une seule tradition, recueillie à Koa, et qui intéresse
directement notre étude : décrivant les mésaventures du premier
chasseur Bozo d'hippopotames, elle nous renseigne en effet, sur la
technique et les armes employées par ce chasseur pour venir à bout
de sa première victime ; la genèse et le perfectionnement de son
harpon correspondent si bien à un schéma de progression techno
logique, que nous pouvons considérer cette tradition orale comme une
véritable chronique des premiers essais de chasse à l'hippopotame
de la tribu.
Voici cette tradition : « L'hippopotame et l'éléphant sont très
proches par leur origine г ; . Dieu les créa tous deux le même jour,
le quatorzième d'un mois lunaire. préféra les endroits
humides, alors que l'éléphant fut attiré par le feuillage des arbres.
Avant de libérer les deux animaux, Dieu voulut rassembler leurs
« forces », afin de procéder. àleur partage équitable. Lorsque le partage
fut fait, il se trouva que l'hippopotame avait beaucoup de peine à
se déplacer, cependant que l'éléphant circulait aisément. Dieu alors
diminua de moitié le poids de l'hippopotame et augmenta de la
même quantité celui de l'éléphant : chacun des deux animaux put
alors se mouvoir à son aise. L'hippopotame rejoignit l'eau et l'él
éphant se glissa entre les arbres.
Un jour, un Bozo quitta son village pour aller se promener. Au
bord de l'eau, il aperçut l'hippopotame. Il voulut s'en emparer à
la main. Mais l'animal se mit sur la défensive et poursuivit le chasseur.
C'est alors que le Bozo prononça ces mots, en bambara selon les uns :
« Nïn кета soboy », en bozo selon les autres : « A pay š oni » ce qui
signifie « Ceci est devenu un soboy ou un sorti », ces deux derniers
mots désignant l'hippopotame (le premier en bambara, le second
en bozo)...
Le Bozo s'en retourna au village. Il réfléchit longtemps, puis alla,
trouver les forgerons. Il leur expliqua ce qui venait de se passer et
insista sur le fait que, depuis sa naissance, aucun animal n'avait
agi de cette sorte envers lui ; enfin, il leur demanda de lui forger
un engin pointu avec lequel, il puisse harponner l'animal. Les forge
rons fabriquèrent alors une pointe appelée sôni: le premier harpon
était né ; aussitôt, le Bozo s'occupa de l'emmancher ; il se rendit en
1. Ces deux animaux sont associés dans les traditions d'autres populations. C'est ainsi que les
Touareg et leur Dagas, de même que les Maures, ne mangent ni l'hippopotame, ni l'éléphant.
Cf, L. Desplagnes ; « Le plateau central Nigérien » — Paris 1907, p. 128. note. ,
LA CHASSE A L'HIPPOPOTAME CHEZ LES BOZO 39
brousse et coupa une branche soit de kënkë 1, soit de jujubier, soit
encore de копоти 2 ; il la tailla et y fixa le sôni.
Armé de son harpon, le Bozo parcourut les rives du fleuve, à la
recherche de l'hippopotame : il le vit de nouveau et lui enfonça
son harpon dans le creux situé entre le cou et l'épaule droite. .Mais
l'engin ne put percer la peau de l'animal qui s'enfuit dans l'eau.
Avant de s'éloigner, le chasseur parla en ces tçrmes à l'hippopotame,
comme s'il se fût adressé à une personne : « Je ne te perdrai jamais
plus de vue. Et puisque ce harpon n'a pu te tuer, j'en ferai fabriquer
un autre. Saches que tu as affaire à un homme ! »
Le Bozo retourna de nouveau chez les forgerons et leur demanda
de lui forger un autre harpon, beaucoup plus pointu celui-ci et muni
d'ailettes qui lui permettent de s'emboîter dans le premier. Les
forgerons fabriquèrent alors, à son intention, le second harpon :
tânsura (abrégé souvent en tân 3). Le chasseur décida de l'enduire de
poison. Il coupa une plante vénéneuse (baga*), la fit macérer —
durant une nuit — dans une poterie emplie d'eau ; le lendemain matin,
il retira la plante et fit bouillir la décoction obtenue. Lorsqu'il
jugea le poison suffisamment épais, il en recouvrit, à l'aide d'une
plume de poule, les deux faces du harpon tànsura.
Le chasseur reprit sa promenade au bord de l'eau. A un moment
donné, il se trouva face à face. avec l'hippopotame qui était sorti
de l'eau pour aller brouter en brousse. Il prépara son harpon en
emboîtant le second élément (tânsura) sur le premier (sôni). Afin
que le tânsura ne se détachât pas, une fois le harpon lancé, du reste
de celui-ci, il le fixa au moyen d'une petite ficelle en coton (siu) de
1,5 mm. de diamètre ; puis il plaça l'engin, ainsi préparé, sur son
épaule droite et se mit à ramper vers l'animal. Auparavant, il avait
pris la précaution de vérifier la direction du vent et avançait vers
sa proie contre le vent. Lorsqu'il n'en fut plus qu'à une très courte
distance, il s'arrêta et se prépara à lancer son harpon. L'hippopotame
continuait, involontairement, à se rapprocher du chasseur ; car
cet animal, lorsqu'il broute, ne voit pas ce qui se passe devant lui.
Il ne fut bientôt plus qu'à un mètre et demi du Bozo ; celui-ci lui
enfonça alors son harpon dans le creux situé entre le cou et l'épaule
droite : cette fois, l'engin pénétra dans le corps de l'animal. Sous le
t. Л Koa : kyênakav - ba : diun. Plante semi-aquatique se complaisant sur les berges. Cf:
II. Bazin : « Dictionnaire Bambara-Français », Paris 1906, p. 179 : « dijoim, liliacée à fleur aromat
ique (grewia à feuilles de bouleau), bois très dur ».
2. ba : svnzù. Diospyros Mespiliformis (M. Delafosse : « La langue Mandingue », Paris 1955,
p. «95.
3. A Koa : ta - ba : byên (nom s'appliquant à n'importe quelle pointe).
4. Ba : búa. 40 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
choc, la petite ficelle (siu) céda : le tânsura se détacha du sorti et
pénétra, à la faveur des mouvements désordonnés de l'animal, dans
sa poitrine. L'hippopotame ayant fui

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