La conception de la critique littéraire en Bulgarie - article ; n°1 ; vol.33, pg 54-67
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Description

Revue des études slaves - Année 1956 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 54-67
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Pierre Christophorov
La conception de la critique littéraire en Bulgarie
In: Revue des études slaves, Tome 33, fascicule 1-4, 1956. pp. 54-67.
Citer ce document / Cite this document :
Christophorov Pierre. La conception de la critique littéraire en Bulgarie. In: Revue des études slaves, Tome 33, fascicule 1-4,
1956. pp. 54-67.
doi : 10.3406/slave.1956.1650
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1956_num_33_1_1650LA CONCEPTION
DE LA CRITIQUE LITTÉRAIRE
EN BULGARIE
P A H
PIERRE CHRISTOPHOROV
La critique littéraire en Bulgarie naît vers le milieu du xixe siècle. 11 importe
moins de donner lecture de son acte de naissance que de faire entendre ses
premières revendications. Cette critique se dégage assez vite des discussions
relatives à la fixation de la langue littéraire pour s'installer dans le domaine qui
sera désormais le sien'1'. Pendant plus d'un quart de siècle, c'est-à-dire jusqu'à
la libération de la Bulgarie, survenue en 1878, ce sont des écrivains patriotes et
révolutionnaires qui formulent, non sans âpreté, leurs exigences et leurs normes
en matière de critique littéraire.
Bien que destinée à satisfaire la curiosité intellectuelle des lecteurs et leur
besoin d'évasion, la littérature, pendant ces années de lutte pour l'indépendance
nationale, est une arme puissante. Le rôle de la critique sera de lui donner une
orientation qui correspondît aux aspirations profondes de la société bulgare de
cette époque.
Une tradition orale particulièrement vivante fleurissait depuis des siècles : les
contes et les chansons populaires. C'était le trésor spirituel et artistique de la
nation. Les écrivains se reportaient constamment aux créations folkloriques pour
féconder leur inspiration. Mais il leur fallait également élargir les cadres tradi
tionnels et, sans doute, dépasser cette expérience collective. Comment cela
devait-il se faire? Bon nombre d'intellectuels se rendent parfaitement compte
que pendant des siècles de domination étrangère ce peuple de paysans et de
petits bourgeois avait conservé sa conscience nationale grâce à sa langue et à la
littérature populaire. La nouvelle littérature ne risquait-elle pas de dénaturer
ses vertus traditionnelles et de trahir sa personnalité? Allait-elle pouvoir servir
la lutte que l'on était en train de mener? Les chroniqueurs littéraires scrutent
chaque traduction ou chaque œuvre originale avec le soin méticuleux et la
méfiance de douaniers avertis.
í1) Sur les débuts tâtonnants de la critique, voir Toma Atanasov, Istorija na bàlgarskata
literaturna kritika predi Osvoboidenieto, in Izvestija na Seminara po slavjanska filologija pri Universi-
teta v Sofija, t. III, Sofija, 1911, p. 67-162. LA CONCEPTION DB LA CRITIQUK LITTERAIRE EN BULGARIE. О .)
Parmi ceux qui pratiquent la critique littéraire à cette époque, quatre noms
méritent d'être retenus : Pětko Slavejkov, Nešo Bončev, Ljuben Karavelov et
Hristo Botev. Seul Nešo Bončev peut être considéré comme un critique au sens
propre du terme. Les trois autres sont des écrivains d'envergure qui ne recourent
qu'occasionnellement à la critique.
Pour Pětko Slavejkov, les chansons et les contes populaires sont des modèles
qui doivent inspirer l'écrivain. Que ce dernier doive posséder une formation
littéraire poussée, «l'imagination féconde, le sentiment ardent, le goût pur»,
comme il l'écrit, cela va de ѕоП1). Mais ce qui est plus important, c'est que
Slavejkov exige de l'écrivain une connaissance parfaite de la société bulgare afin
qu'il puisse exercer sur ses contemporains un rôle d'éducateur (2). De cet att
achement à une représentation moralisatrice et utihtanste de la vie bulgare.
Slavejkov allait faire quelques pas décisifs pour aboutir à la conception d'un
réalisme littéraire nettement défini. Ce chemin, c'est Bjelinskij qui l'aura aidé à
le parcourir. Après avoir adopté les points de vue de son illustre prédécesseur,
Slavejkov exclut désormais du roman le fantastique et le surnaturel, exige que la
littérature ce soit un miroir du génie national» (3) et se déclare, selon sa propre
formule, partisan ce de la manière russe d'écrire»^. Bref, ce que Slavejkov
demande, c'est que la littérature représente «la vie sociale telle qu'elle est avec
ses menus détails et ses complications inutiles» (°). Cependant cette exigence de
figuration réaliste s'attache bien plus aux sujets des œuvres qu'à l'art de
l'écrivain (6).
Si Petko Slavejkov est un autodidacte, Nešo Bončev, au contraire, a fait
d'excellentes études à l'Université de Moscou et a enseigné dans un lycée de cette
ville. Bončev, à son tour, a subi le rayonnement de Bjelinskij et nous n'aurons
aucune peine à reconnaître dans ses écrits certains leitmotivs du grand critique
russe. Bončev est un homme dont la pensée ferme et lucide a fortement impres
sionné ses contemporains. Certes, il apprécie à leur juste valeur les chansons et
í1) Voir le supplément de Bàlgarija, i85g, n° i5.
í2' C'est ainsi qu'après avoir admis le principe de l'adaptation des œuvres étrangères que
pratiquaient certains traducteurs de l'époque, Petko Slavejkov insiste pour que les transformat
ions subies par ces œuvres s'inspirent des conditions particulières de la vie bulgare. A propos
de la nouvelle Cvetana l'orpheline, il fait remarquer que l'adaptateur bulgare Joakim Gruev a
réussi dans sa tâche, mais il lui reproche non sans malice d'avoir «oublié que les Bulgares ne
sont pas des Français et ne sont pas encore mûrs pour la description de scènes de séduction
n° Ä 2 g. comme celle où Cvetana est dans la forêts. Carigradski vestnik, i85g,
n° Д. Avec son humour habituel Slavejkov reproche à Vojnikov d'avoir (3) Makedonija, 1 8 7 1 ,
représenté dans une comédie, La civilisation mal comprise, un duel entre deux Bulgares. Le
dénouement de la pièce, pense-t-il, eût été plus naturel si au lieu de ce duel l'un des person
nages avait tout simplement rossé, selon le châtiment traditionnel, le séducteur de la jeune
fdle, protagoniste de la pièce. Citalište, 187З, fasc. 3, p. 670-671.
(*) Ibid., 1870, fasc. 8, p. 83.
(5) p. 82. Voilà pourquoi il admire Vasil Drumev qui ne se serait pas «permis de
créer des personnages imaginaires ou caricaturaux» mais qui s'est efforcé «de copier des
personnages réels de la vie bulgare...». Ibid., 187З, fasc. .'!. p. 670.
(«) Voir T. Atanasov, P. R. Slavejkov kato literaturen kritik. Sbornik v cest na Profesor L. Miletii
po slučaj na 25 godiknata mu kniiovna dejnost [1886-1 i)l /). Ot uienicite mu, Soíija, 1912,
р. 6Д-10З. 56 PIERRE CIIRISTOPHOROV.
les contes populaires, il est sensible à leur beauté et reconnaît leurs grands
mérites. Mais il se rend bien compte que la production des créateurs anonymes
ne répond pas toujours aux problèmes de plus en plus nombreux que posent les
sociétés modernes. La psychologie de la nation s'est décantée dans la poésie
populaire. Il faudrait donc la saisir à travers les reflets multiples du folklore
dans ce qu'elle a de durable et de profond. Et c'est en harmonie avec ce qui est
immanent au génie national que l'écrivain doit œuvrer. Dans cet effort de
l'écrivain bulgare, le rôle des littératures étrangères consiste à favoriser la
maturation de l'élan créateur^1). Enfin, Nešo Bončev est infiniment plus
soucieux que Petko Slavejkov de mettre en évidence l'aspect proprement
esthétique du fait littéraire ^2^.
Avec Ljuben Karavelov et Hristo Botev la critique élargit ses horizons. Ces
deux écrivains ont subi l'influence des idées libérales qui étaient en vogue en
Russie aux environs des années 60. Ce sont tous les deux des révolutionnaires
imbus des idées de Herzen, Cernyševskij, Dobroljubov et Pisarev. Ce sont ces
idées-là qui ont fourni l'armature de leur credo littéraire. Une littérature de
revendications sociales, réaliste et utilitariste, tout au service de la révolution,
voilà ce qu'ils appellent de leurs vœux. Assurément, il s'agit, en premier lieu,
d'une révolution qui vise à affranchir le pays de la domination ottomane, mais
dans leur pensée cet év

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