La confusion mentale - article ; n°1 ; vol.17, pg 278-300
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Description

L'année psychologique - Année 1910 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 278-300
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1910
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alfred Binet
Th. Simon
La confusion mentale
In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 278-300.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred, Simon Th. La confusion mentale. In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 278-300.
doi : 10.3406/psy.1910.7280
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1910_num_17_1_7280XI
LA CONFUSION MENTALE *
Aucune expression n'a eu autant de fortune que celle-là : on
la trouve à chaque page des journaux d'aliénation; elle
retentit dans toutes les discussions d'aliénistes; elle est
employée même par les neurologistes.
On peut se demander si ce succès est bien mérité; peut-être
même tient-il aux défauts de l'expression, au caractère extr
êmement vague de l'idée qui y est contenue. Les aliénistes ont
d'ordinaire besoin pour leurs classifications d'employer une
case où ils puissent jeter pêle-mêle tout ce qui les embarrasse;
ce caput mortuum a été représenté pendant longtemps par la
dégénérescence. Des malades dont on ne trouvait pas le dia
gnostic exact on disait : Ce sont des dégénérés. Ne dit-on pas
aujourd'hui, sans beaucoup plus de raison : Ce sont des confus?
Ces critiques, que nous faisons dès le début de notre étude,
seraient aggravées si on retraçait d'une manière complète
l'historique de la confusion mentale. Nous verrons en citant
quelques opinions des auteurs les plus considérables à quels
désaccords on est arrivé. L'historique, d'ordinaire, éclaire les
questions; il embrouille celle-ci; et véritablement, pour avoir
une idée nette de la confusion mentale, il vaudrait mieux en
écarter tout ce qui a été écrit.
1. Parmi les critiques qui ont accueilli nos essais sur l'aliénation (Année
psychologique, 1910, t. XVI), il y en a deux qui nous -ont paru à retenir:
la première a consisté à nous reprocher de ne pas avoir parlé de la con
fusion mentale; la seconde a consisté à nous faire remarquer que notre
classification psychologique des maladies mentales laisse en dehors de
son tableau nombre d'affections. Nous répondons ici à la première de ces
critiques, en exposant qu'à notre avis la confusion mentale est un sym
ptôme qu'on rencontre dans les affections les plus diverses, tout aussi
bien que le délire, l'excitation, les hallucinations, et que l'importance
principale de la confusion vient de ce que ce symptôme jette un doute
sur l'état réel de l'intelligence d'un aliéné, et rend difficile la recherche
de la démence. Nous répondrons à la seconde critique dans l'article que
nous consacrons à la definition de l'aliénation. BINET ET TH. SIMON. — LA CONFUSION MENTALE 279 A.
Un exemple, à l'appui de nos remarques : ce mot de con
fusion mentale est tellement devenu élastique qu'il est pris
aujourd'hui dans des acceptions absolument différentes : tantôt,
il désigne des symptômes; tantôt il équivaut à une affection
nosographique distincte.
La confusion mentale, analysée comme symptôme. — Prenons
la mentale comme symptôme et cherchons à la
définir. Quelle idée peut-on se faire de l'état mental qui lui
correspond? C'est d'abord un qui ne ressemble ni à
une hallucination, ni à un délire, ni à une impulsion; ce n'est
pas en effet un symptôme spécialisé; une hallucination cons
iste dans une certaine perception qui est fausse; un délire
consiste dans une conception; une impulsion consiste
dans une certaine action; la confusion mentale s'étend à tout
un état mental, c'est un symptôme global; elle ressemble, à ce
point de vue, à certains caractères qui appartiennent à un
ensemble de processus, par exemple la vitesse, la richesse,
l'originalité; c'est une marque commune à toute une collection
de phénomènes psychologiques; un malade confus l'est pour
toutes les manifestations de sa vie psychique.
En quoi consiste cette marque? Pour la définir sommai
rement dès le début, disons qu'elle consiste dans de l'obscurité
et du désordre. On peut se faire une idée personnelle d'un
aliéné à confusion, si on songe à ce qu'on éprouve soi-même
lorsqu'on assiste à des rêves compliqués, bizarres, indescript
ibles, ou lorsqu'on passe par un commencement d'ivresse et
qu'on ne comprend rien de ce qui se passe autour de soi, ou
encore lorsqu'on souffre de cette forme aiguë de la timidité qui
s'appelle le trac, et pendant laquelle les objets, les personnes,
les paroles qu'on entend, tout cela est comme recouvert d'un
voile, ou fait un effet nouveau, étrange, mystérieux. On peut
ainsi en se rappelant ses propres impressions se faire une
idée approximative de la confusion mentale. Mais l'étude des
aliénés conduit à des résultats beaucoup plus précis.
L'état de confusion se présente cliniquement sous deux
formes, qui semblent distinctes, mais que peut-être il serait
possible de ramener à une seule : dans la première de ces
formes, le malade éprouve surtout de la peine à comprendre;
et dans la seconde, il montre de l'incohérence dans ses
paroles et dans ses actions.
1° Obscurité de compréhension. — II s'agit par exemple, et 280 MÉMOIRES ORIGINAUX
c'est le cas le plus simple, d'un malade qui est désorienté : il
ne sait pas où il est, il ne se rend pas compte de la nature du
milieu où il se trouve, ni du pourquoi des choses les plus sim
ples. Si on lui adresse la parole, il ne comprend pas ce qu'on
lui demande, bien que les questions qu'on lui pose paraissent
être à la portée de son intelligence. Souvent il est le premier à
constater combien il a de peine à comprendre, il s'en accuse,
il s'en désole, et même il en souffre. En voici un exemple.
Mlle Lebras, âgée de quarante-trois ans, domestique, a été prise
assez brusquement ; elle a vu se modifier les choses autour d'elle,
elle s'est fait sur elle-même des idées étranges, et a été incapable
de continuer son travail. A l'asile, où on l'amène, elle est lente de
ses mouvements et absorbée. Dans notre cabinet, elle s'assied, en
obéissant à notre geste, puis elle prend son front dans sa main et
elle murmure : « Alors on me demande... oh! c'est cela que j'ai fait
en dernier!... » Et voici comment le dialogue s'engage :
D. Qu'avez-vous donc fait en dernier?
R. Est-ce en dernier? Oh! il y a tant de confusion!...
Une pause puis : — C'est moi, n'est-ce pas, monsieur?
D. C'est vous?
R. Qui ai demandé du pain?
D. Et?
R. De mourir de faim, sûrement...
D. Pourquoi mourir de faim?
R. Parce que je l'ai demandé. Est-ce ça?
D. avez-vous demandé à mourir de faim?
R. J'ai demandé le pain d'abord, et ensuite...
D. Et ensuite?
R. Et ensuite (avec un sourire) il faut mourir... J'ai des yeux et
je ne vois pas.
D. Comment cela?
R. On peut presque dire : j'ai des yeux et je ne vois plus; enfin,
ils s'éteignent, quoi...
D. Mais pourquoi vouliez-vous mourir?
R. Parce que j'étais inutile.
D. Vous étiez inutile?
R. Oh, sûrement, comme je suis... Je représentais le tableau
entièrement.
D. Vous représentiez quel tableau?
R. (Elle reste les bras croisés, l'air ailleurs, sans répondre.)
D. Vous quel
R. La charité ou la nourriture...
On se rend compte combien il est difficile de suivre une pensée
aussi fuyante et imprécise.
Interrogée d'une façon plus pressante, elle peut donner son nom,
son âge, l'année, mais elle n'arrive à dire le mois qu'après beaucoup BINET ET TH. SIMON. — LA CONFUSION MENTALE 28d A.
d'efforts : elle prend d'abord une attitude de recherche, les sourcils
froncés, puis elle répond : « Je ne sais plus», tout en continuant à
chercher; elle donne enfin une réponse exacte.
Elle ne peut par exemple fixer le jour : « Je vais avoir difficile à
le retrouver... Il me semble que c'était hier que j'ai vu... Parce
que, c'était très difficile; on me demandait deux choses en sens
inverse et alors je me contrariais... La mémoire s'en va... Je ne
puis pas me rappeler. »
Elle ne peut raconter ce qui s'est passé : « Gomment suis-je arrivée
ic

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