La Culture métisse : dynamique du statut ethnique - article ; n°122 ; vol.32, pg 133-148
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Description

L'Homme - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 122 - Pages 133-148
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Julian Pitt-Rivers
La Culture métisse : dynamique du statut ethnique
In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 133-148.
Citer ce document / Cite this document :
Pitt-Rivers Julian. La Culture métisse : dynamique du statut ethnique. In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 133-148.
doi : 10.3406/hom.1992.369529
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_369529Julian Pitt-Rivers
La Culture métisse :
dynamique du statut ethnique
Julian guère à terminologie restées tel l'indigénisme deux partir par à : plus son Pitt-Rivers, du des indien moment statut nombreuses critères des de et statuts la hispanique. social Révolution. où phénotypiques. La le ethniques et : métissage Culture blanc, sa Il culture, ne Dans a faut mestizo, métisse été est Après les hautement et toutefois devenu l'Indien Andes : cholo, la dynamique Révolution possible. pas les variable « Indien idéologique confondre catégories Ces dans du chrétien mexicaine statuts statut l'Indien le de » temps qui statut et ne ethnique. ils Indien est distingué correspondaient et furent ethnique le dans produit sauvage. l'espace comme réduits — sont La de
L'expression « culture métisse »l pose un problème d'interprétation, car les
cultures ne peuvent, à proprement parler, être métisses, même si l'on admet
que dans un sens moins strict elles sont le mélange de cultures antérieures. On
peut aller jusqu'à affirmer que toutes les cultures du monde sont syncrétiques,
mélangées dans une plus ou moins grande mesure. Je crois cependant que, appli
quée au terrain mexicain, l'expression signifie plutôt « la culture des mestizos »
et c'est là où commence la difficulté, car le terme mestizo a de nombreuses
significations au Mexique.
Ce n'est pas une catégorie sociale unique et clairement identifiable, mais
plutôt un dénominatif employé couramment aujourd'hui pour indiquer le sta
tut ethnique de « non-Indien », c'est-à-dire de celui qui est de culture hispa
nique. Mais qu'est-ce qu'être indien ? Le mot semble se référer à la culture
et il a, certes, une forte connotation culturelle. Cependant, au fond, il s'agit
de statut ethnique, car il y a des Indiens hispanophones et d'autres qui ne
connaissent pas un mot d'espagnol, des Indiens distingués comme tels par
leur habillement et d'autres qui s'habillent comme des mestizos, des commun
autés où les hommes s'habillent à l'européenne mais pas les femmes, et jamais
le contraire — pour des raisons qui, j'espère, seront claires à la fin de cet
article. Il y a des femmes (par exemple à Quetzaltenango, San Marcos, etc.)
qui s'habillent à l'indienne mais ne parlent qu'espagnol ; et il y a des per
sonnes considérées comme des Indiens par les uns mais pas par les autres.
L'Homme 122-124, avr.-déc. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 133-148. 134 JULIAN PITT-RIVERS
Comme dit très justement Judith Friedlander (1979) : « On est toujours l'Indien
de quelqu'un. » II reste que, n'importe où au Mexique, malgré les quatre-vingts
ans d'indigénisme, si dans une taverne on entend crier « Indien » d'une voix
rauque de courroux on a raison de se jeter vite sous la table ; il y aura balazos
(les balles vont siffler). Bref, la définition de l'Indien, et partant celle du mest
izo, du non-Indien varie d'une région à l'autre, d'un milieu social à un autre
et d'une génération à la suivante. Le système que je décris ici est en pleine décompos
ition aujourd'hui dans la plus grande partie des régions que je vais évoquer.
Un exemple extrême en est fourni par le Yucatán (Pitt-Rivers 1965, 1968-1969).
Ce n'est pas tout : le terme mestizo a lui-même changé de connotation au
cours des cinq derniers siècles. Ainsi, pour le comprendre dans tous les sens qui
se rencontrent ici et là au Mexique aujourd'hui, il convient de revoir ses diffé
rentes significations depuis la Conquête — et pas seulement au Mexique dans
une région donnée mais à travers toute l'Amérique latine — , significations qui
ne sont pas pour autant sans relation les unes avec les autres. Ce n'est qu'en
saisissant le concept dans sa totalité qu'on en dégagera la dynamique. A cela
il faut ajouter que mestizo n'est pas le plus couramment employé pour désigner
les gens de statut « non-indien » qui sont appelés, selon la région, ladinos, gente
decente, gente de razón, razionales, etc. (le terme blancos, Blancs, n'est plus guère
utilisé au Mexique, encore qu'on le trouve toujours au Guatemala ou dans les
Andes).
Le terme mestizo a une implication plutôt savante. A l'origine, il se référait
à cette tranche de la population qui n'était ni espagnole ni indienne mais entre
les deux, littéralement métissée. Tant qu'ils étaient reconnus par leur père et
élevés dans sa maisonnée, les mestizos appartenaient initialement à la moitié
hispanique et hispanophone de la société et, comme dans d'autres empires, ils
remplissaient la fonction d'intermédiaires entre la classe gouvernante espagnole
et les Indiens, car ils étaient bilingues. Mais le processus de métissage ne s'arrê
tait pas là : les deux races qui se sont rencontrées lors de la Conquête sont
devenues trois avec les mestizos, quatre à l'arrivée des esclaves africains, puis
cinq à l'apparition des mulâtres, enfin six, le métissage entre Indiens et nègres
ayant produit des lobos ou pardos.
Il faut observer que tandis que les Indiens pour la plupart maintenaient
leur langue et leur culture traditionnelles, les Africains, brassés dans les mar
chés d'esclaves des Antilles où ils étaient vendus en tant qu'individus plutôt
que lots d'une provenance commune, n'avaient guère la possibilité de conser
ver leur héritage africain, culturel ou social, ni de motif pour s'intégrer à la
société indienne. Aussi étaient-ils maintenus en statut servile sur les plantations
où ils faisaient partie de la société industrielle des terres basses, d'où les Indiens
avaient été éliminés par le paludisme. Au fur et à mesure des affranchissements,
ils rejoignaient la classe populaire hispanophone des grandes villes peuplées de
mestizos et d'Indiens aladinados (hispanisés). Les Indiens, par contre, survé
curent dans les « régions de refuge » (Aguirre Bertrán 1967) en une relative
indépendance et dans les haciendas des terres froides en statut de peonage. Qu'ils La Culture métisse 135
fussent réfugiés soit geographiquement en choisissant la liberté sur les terres
les moins riches, soit moralement dans ce système politico-religieux des cargos
(« charges ») où régnaient la puissance spirituelle et la sorcellerie, ils restaient
en dehors de la société hispanique (Pitt-Rivers 1970).
Par ailleurs une autre distinction ethnique s'était introduite peu à peu entre
les Espagnols nés en Espagne, les gachupines, et ceux nés dans le Nouveau
Monde, les criollos. Une forte hostilité régnait entre les deux groupes, car, en
raison de la tradition espagnole du jus soli qui fait dépendre l'identité d'un
individu du lieu de sa naissance, les premiers se considéraient et étaient acceptés
comme supérieurs aux autres qui, nés dans la colonie, étaient donc moins
espagnols.
Le nombre de catégories de métissage n'a fait que se multiplier au fil du
temps avec l'augmentation des unions mixtes qui produisirent une société, non
pas tri-ethnique comme dans l'Espagne du Moyen Age, mais poly-métissée par
suite des nombreux croisements, et où le souci de la pureté ou du degré d'impureté
du sang continuait d'obséder l'orgueil de chacun et de compliquer les relations
humaines. Néanmoins, malgré un souhait affiché de classifier la société selon
ce critère, la législation, pour définir les droits des Blancs, des Métis et des
Indiens, ne reconnaissait qu'un faible nombre de statuts ethniques. Comme
ces derniers étaient héréditaires et que le phenotype ne suivait pas forcément
l'arbre généalogique, le statut ethnique de la personne, pour fidèle à la réalité
historique qu'il fût, s'éloignait de plus en plus de son apparence physique. Ainsi
un citoyen de Mérida, dans les Andes vénézu

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