La lutte pour l individualisme agraire dans la France du XVIIIe siècle. Première partie : l œuvre des pouvoirs d ancien régime - article ; n°7 ; vol.2, pg 329-383
56 pages
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La lutte pour l'individualisme agraire dans la France du XVIIIe siècle. Première partie : l'œuvre des pouvoirs d'ancien régime - article ; n°7 ; vol.2, pg 329-383

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Description

Annales d'histoire économique et sociale - Année 1930 - Volume 2 - Numéro 7 - Pages 329-383
55 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1930
Nombre de lectures 93
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Marc Bloch
La lutte pour l'individualisme agraire dans la France du XVIIIe
siècle. Première partie : l'œuvre des pouvoirs d'ancien régime
In: Annales d'histoire économique et sociale. 2e année, N. 7, 1930. pp. 329-383.
Citer ce document / Cite this document :
Bloch Marc. La lutte pour l'individualisme agraire dans la France du XVIIIe siècle. Première partie : l'œuvre des pouvoirs
d'ancien régime. In: Annales d'histoire économique et sociale. 2e année, N. 7, 1930. pp. 329-383.
doi : 10.3406/ahess.1930.1227
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0003-441X_1930_num_2_7_1227•
-S
LUTTE POUR L'INDIVIDUALISME AGRAIRE
DANS LA FRANCE DU XVIII*5 SIÈCLE1
PREMIÈRE PARTIE
L'ŒUVRE DES POUVOIRS D'ANCIEN RÉGIME
« s'avisa « Le premier de dire qui, : ceci ayant est à enclos moi... un fut terrain, le vrai
« fondateur de la société civile. •
I. — Les servitudes collectives et leurs adversaires
En 1864, parvenu au terme d'une longue vie habile dont le seul
point fixe avait été un goût très vif de l'ordre social, Dupin aîné
rencontra dans la Coutume de Nivernais, de Gui Coquille, quelques
mots qui lui parurent choquants. Expliquant comment, dans son
pays, la plupart des prés s'ouvraient, dès après la première fauchai-
son, au bétail de tous les habitants, le vieux juriste de la Renaissance
avait écrit : « avant que les proprietez des choses fussent distinctes,
tout estoit public et commun. Et faut croire que les premiers Autheurs
des loix qui ont réglé les peuples pour les faire vivre en paix... ont
réservé au public pour demeurer en sa première nature ce qui estoit
nécessaire pour tous ensemble.... Suivant ce, se peut dire que le se
igneur d'un pré en prairie n'est pas seigneur de la pleine propriété,
mais seulement pour s'en servir selon ce que la Coutume luy en a
donné puissance et permission. » Ces idées, commente Dupin, « sem
bleraient un peu socialistes, si on les isolait des autres doctrines de cet
1. L'histoire de la vaine pâture, au xvme siècle, qui est au centre du présent tra
vail, a déjà été esquissée par Mr Henri Sée, dans deux mémoires : Une enquête sur la
vaine pâture et le droit de parcours à la fin du X VIIIe siècle dans Revue du dix-huitième
siècle, 1913, p. 265-278 ; La question de la vaine pâture, dans le volume intitulé La vie
économique et les classes sociales en France au XVIIIe siècle, 1924, p. 25-53. Des recher
ches assez longues m'ont permis d'approfondir le sujet, voire même d'apporter au ta
bleau tracé par Mr Sée quelques sensibles rectifications. Ses études n'en ont pas moins,
sur ce problème capital, véritablement ouvert la voie. J'avais, une première fois, indi
qué les résultats de mon enquête dans une communication à la Société d'Histoire
Moderne (Bulletin, janv. 1926) ; une discussion a suivi ; j'en ai beaucoup profité, ainsi
que d'indications fournies, à ce moment et plus tard, par Mr Léon Cahen. — Dans l'ex
posé qu'on va lire, je me suis attaché à simplifier les références : tout renvoi com
mençant par une lettre indicative de série (ex. : H 1486) s'entend des Archives Natio
nales ; pour les Archives Départementales, j'ai ajouté, en tête, le nom du départe
ment ; enfin une note, en appendice, présentera, d'ensemble, les documents issus des
trois grandes enquêtes officielles de 1766, 1768 et 1787 et permettra de retrouver aisé-
ment ceux d'entre eux qui sont cités dans le corps du texte. 330 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
auteur, qui sont essentiellement conservatrices »x. Antithèse falla
cieuse ! Ce « socialisme » — disons, plus justement, cette mentalité
communautaire étaient, dans l'ancienne France rurale, choses tra
ditionnelles ; dans la mesure oùils s'y attaquèrent, les temps modernes,
le xvine siècle en particulier, firent œuvre de révolution.
Pour apprécier l'empire des collectivités, ne portons pas seul
ement nos regards sur cette portion du sol dont, compte tenu, en génér
al, des droits éminents des seigneurs, elles se pouvaient dire vérit
ablement maîtresses. Certes, forêts soumises aux droits d'affouage,
landes et bruyères où le paysan allait chercher, avec les feuilles ou les
tiges de la litière, les gazons et les broussailles qui lui servaient d'en
grais, marais tourbeux, réserves de terre arable livrées quelques années
durant à l'exploitation individuelle pour faire ensuite retour à la
masse, terrains de pâture surtout, les « communaux », en dépit des
grands défrichements du moyen âge et des multiples usurpations
accomplies de tout temps, mais principalement depuis le xvie siècle,
par les seigneurs et les riches, occupaient encore, vers 1700, de vastes
espaces ; leur rôle dans la vie agricole se mesure aux plaintes des vil
lages qui avaient trop fortement laissé entamer leurs biens. Mais les
champs même et les prés, dont le propriétaire ou le tenancier engrang
eait, pour son propre compte, les récoltes, demeuraient eux aussi,
dans une grande partie du pays, soumis, au profit du groupe, à des
contraintes fort lourdes. A côté de la propriété collective, dont l'étude
ne sera pas reprise ici, les servitudes collectives, qui ligottaient la pro
priété individuelle elle-même. L'assaut passionné dont, en des temps
relativement proches de nous, elles furent l'objet, leur longue résis
tance, toute cette sourde révolution, en un mot, révélatrice de pro
fonds mouvements sociaux, voilà ce que je me propose de décrire.
Mais, auparavant, il importe de rappeler sommairement les diverses
règles par où s'exprimait l'ancienne sujétion2.
D'abord la vaine pâture obligatoire. Une fois coupés les épis ou
le foin, la terre devenue «vaine », c'est-à-dire vide, ne restait pas
inutilisée. Les bestiaux, que ne suffisaient à nourrir ni les commun
aux, ni les prairies, trop rares, et auxquels la technique agricole ne
savait pas encore offrir l'appoint des fourrages artificiels, se répan
daient sur les guérets pour y paître chaumes et herbes folles. Alors les
droits du propriétaire entraient en sommeil : c'est aux bêtes du vil
lage tout entier, groupées; à l'ordinaire, en un troupeau commun qu'il
1. Gui Coquille, Coutume de Nivernais, éd. Dupin, 1864, p. 262 (sur le chap. XIV).
2. Ce tableau des mœurs agraires de l'ancienne France sera repris, avec les réfé
rences nécessaires, dans un ouvrage, qui doit paraître prochainement, sur les carac
tères originaux de l'histoire rurale française, — sans préjudice, d'ailleurs, des recherches
plus poussées que je poursuis sur le problème des régimes agraires. On ne trouvera ici
que les indications sommaires indispensables à l'intelligence des réformes ou tentatives
de réforme du xviii6 siècle. AGRAIRE 331 L'INDIVIDUALISME
devait ouvrir labour ou pré. « Par le droit général de la France »,
écrivait un juriste — peut-être Laurière», — les héritages ne sont en
défense et en garde que quand les fruits sont dessus ; et dès qu'ils sont
enlevés, la terre, par une espèce de droit des gens, devient commune
à tous les hommes, riches ou pauvres également *. »
Souvent, cette communauté des terres vides débordait même le
village ou la paroisse. En face de la vaine pâture, le «parcours ».
Terme équivoque, à vrai dire, que celui-là ; les irrégularités de son
emploi ne sont pas une des moindres difficultés de nos sources. Il arri
vait que, par lui, les éciivains de l'Ancien Régime entendaient tout bon
nement la vaine pâture obligatoire. Mais son sens précis, son sens ju
ridique était plus particulier. Le parcours, ou, comme on disait dans
le Nord, « l'entrecours de pâturage », c'était proprement la vaine
pâture réciproque entre communautés. Dans beaucoup de provinces,
les groupes limitrophes avaient la faculté d'envoyer leurs troupeaux
champoyer chacun sur le terroir de l'autre : de village voisin à village
voisin et sur toute l'étendue des finages, selon la plupart des coutumes
du Nord et de l'Est ; de village voisin à village voisin encore, mais
seulement sur la moitié ou environ du finage d'autrui, marquée d'or
dinaire par l'

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