La multinationalisation des entreprises françaises - article ; n°4 ; vol.23, pg 648-668

Charles-Albert Michalet

Description

Revue économique - Année 1972 - Volume 23 - Numéro 4 - Pages 648-668
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1972
• Nombre de lectures: 30
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur Charles-Albert
Michalet
La multinationalisation des entreprises françaises
In: Revue économique. Volume 23, n°4, 1972. pp. 648-668.
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Michalet Charles-Albert. La multinationalisation des entreprises françaises. In: Revue économique. Volume 23, n°4, 1972. pp.
648-668.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1972_num_23_4_408042^ j L
LA MULTINATIONALISATION
DES ENTREPRISES FRANÇAISES*
JÊLJe thème des entreprises multinationales est devenu à la mode. Il
correspond indiscutablement à un phénomène réel : le mouvement accé
léré des investissements américains en Europe depuis une douzaine
d'années. Sa vigueur a fait perdre de vue son ancienneté : il existait
des multinationales avant 1914 1. Elle a aussi fait oublier que toutes
les ne sont pas d'origine américaine. Celles-ci, il est
vrai, forment l'écrasante majorité. Ce sont elles dont le nombre s'est
accru le plus rapidement, et de loin, depuis la seconde guerre mond
iale. Ce sont elles aussi qui sont étudiées, analysées et dont les théo
riciens cherchent à expliquer la croissance. Il n'en demeure pas moins
qu'il est aisé de citer les noms d'entreprises multinationales d'origine
européenne ; la longueur de la liste étonnerait peut-être. Parmi elle
figurent des entreprises françaises. C'est à leur sujet que nous avons
formulé une question simple mais qui n'avait jamais été posée : quels
sont les motifs qui ont déterminé certaines entreprises françaises à
créer à l'étranger des filiales de commercialisation ou de production ?
Les schémas explicatifs ont été élaborés pour les firmes américaines.
Pour mesurer leur validité et la plausibilité de leur généralisation, un
détour empirique était nécessaire : il fallait mieux connaître les facteurs
de l'investissement à l'étranger pour les entreprises françaises. Pour ce
faire, 52 entreprises ont été directement interrogées au cours d'en-
* Cette étude présente les premiers résultats d'une enquête intitulée « Les facteurs
de constitution des entreprises multinationales françaises ». Elle n'aurait pas été
possible sans l'aide que le CORDES a bien voulu nous accorder.
Nous avons aussi bénéficié de la collaboration très précieuse de M. Michel
Delapierre que. nous tenons ici à remercier. Nous exprimons aussi nos remercie
ments à MM. Haik et Bercoff, de la Cegos-Exportation, dont l'aide et les conseils
nous ont permis d'améliorer très sensiblement notre recherche. Enfin, nous vou
drions exprimer notre gratitude au professeur Raymond Vernon pour l'amabilité
de son accueil au centre qu'il dirige à la Harvard Business School.
1. M. WlLKINS, The Emergence o[ Multinational Enterprise, Cambridge, Har-
card University Press, 1970, 310 p. .
•
L'ENTREPRISE MULTINATIONALE 649
tretiens prolongés. Puis un questionnaire détaillé a été envoyé à près
de 400 entreprises. Nous avons reçu 105 réponses (26,3 %) dont
73 étaient utilisables 2.
Notre propos n'est pas ici de dresser un inventaire complet de
nos résultats.
Ainsi, il ne sera pas fait allusion aux informations concernant les
périodes, les types et les formes d'implantation ni à celles portant sur
la gestion et la structure organisationnelle des entreprises ou concer
nant leurs perspectives d'avenir. Nous nous bornerons ici à l'analyse
des réponses touchant directement les facteurs de la multinationale
sation. Leur présentation constituera une première étape. Mais il s'agit
d'aller au-delà de la série des motifs exprimés.
Aussi tenterons-nous de retrouver l'articulation dynamique des
facteurs à l'intérieur d'une stratégie. Dans cette seconde étape, nous
nous efforcerons de tenir compte — au moins implicitement — de
l'ensemble des données recueillies.
I
LES FACTEURS DE L'INVESTISSEMENT A L'ETRANGER
DES ENTREPRISES FRANÇAISES
Le dépouillement des réponses aux questionnaires permet de clas
ser les facteurs de l'investissement à l'étranger mentionnés par les
entreprises interrogées selon trois approches différentes : au niveau
de l'ensemble de l'échantillon, au niveau des grandes zones géogra
phiques d'implantation, au niveau des différents secteurs d'origine.
2. La structure de l'échantillon est la suivante :
Chiffre d'affaires d entreprisesNombre Pourcentages a
— Supérieur à 5 milliards 5 7%
— de 2 à 5 milliards 4
— de 1 à 2 6 32 13 8 6 % — de 500 à 1 milliard 9
— de millions à 1 milliard .... 23
— de 200 à 500 millions . . 13
17 18% % — de 100 millions à 200 . 12
— moins de 100 millions
Total 72 100 % ■
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I, 1. Les facteurs d'implantation à l'étranger
pour l'ensemble des entreprises
TABLEAU N° 1
RANG FACTEURS POURCENTAGES
l'sr Présence sur un marché 87 %
4° 3e2e Entraves Réduction Saturation douanières du des risque besoins par et sur administratives diversification le marché français géographique .... 41% 31 35 % %
» Protection des producteurs locaux par les pouvoirs
publics —
» Exploitation d'un avantage technique —
» Saisie d'une opportunité —
5e Attitude nationaliste de la clientèle locale 30 %
6° Apparition de concurrents — étrangers ou nationaux —
sur le marché français 21 %
7e 8eExploitation de d'un avantage sur dans le la marché gestion étranger .... 15 17% %
» d'un de prix —
» Bas salaires —
» Demande d'une société étrangère —
» d'un gouvernement étranger —
Au premier rang des facteurs d'incitation, largement en tête, la
volonté d'être présent sur les marchés étrangers apparaît comme le
motif prépondérant dans la décision d'investir à l'étranger des entre
preneurs français.
Cette préoccupation majeure traduit deux ordres de difficultés
rencontrées par les firmes françaises. D'une part, l'implantation exté
rieure constitue la riposte aux obstacles mis à l'accès aux marchés
étrangers au moyen des exportations ; d'autre part, elle forme la
réponse à la saturation progressive1 du marché français.
Le freinage de la pénétration sur les marchés étrangers par l'e
xportation s'explique en premier lieu par l'existence d'entraves doua
nières et administratives. Ce facteur vient au second rang dans le
classement global. L'investissement direct apparaît ainsi comme le
moyen technique de franchir un appareil protectionniste. Les rési
stances à l'extension des ventes à partir de la France sont aussi cons
tituées, mais dans une moindre proportion, par les mesures de protec
tion prises par les pouvoirs publics locaux en faveur des producteurs
locaux et par l'attitude nationaliste de la clientèle qui, contrairement
à ce qui se passe en France, se méfie généralement des produits
étrangers. L'ENTREPRISE MULTINATIONALE 651
II faut ajouter à ces motifs majeurs d'autres éléments qui contri
buent, pour une moindre part si l'on se réfère à la fréquence de leur
citation, à inciter à l'investissement extérieur : l'apparition de concur
rents sur le marché étranger, la mauvaise adaptation du produit au
marché (10 %) et son corollaire, le désir d'installer un meilleur réseau
de distribution (10 %).
Conjointement aux obstacles mis à la pénétration des marchés
étrangers, les dirigeants de notre échantillon signalent fréquemment
les difficultés qu'ils rencontrent à se développer sur le marché fran
çais. La saturation des besoins est mentionnée dans 31 % des réponses.
A ce motif s'ajoute, plus faiblement, l'apparition de nouveaux
concurrents français ou étrangers sur le marché national.
L'investissement à l'étranger est donc, dans cette hypothèse, le
moyen pour l'entreprise de maintenir sa croissance en dépit de l' étroi-.
tesse de son marché d'origine.
En face de cette stratégie, il peut paraître étonnant que l'argument
reliant l'implantation extérieure au désir de sauvegarder une marge
bénéfici