La notion de ressemblance en Afrique de l Ouest - article ; n°1 ; vol.65, pg 55-82
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Description

Journal des africanistes - Année 1995 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 55-82
La notion de ressemblance en afrique de l'ouest Marianne Lemaire Plutôt que comme le prolongement d'une identité substantielle et postulée entre des « parents », la ressemblance est conçue, en Afrique de l'Ouest, comme une réponse à un problème d'identification; elle participe de la représentation et de la réintégration d'individus dont le statut est indéterminé ou le comportement, étrange. Dans le contexte de la parenté, la ressemblance est en étroite corrélation avec la mort, soit qu'elle y précipite l'un des deux semblables, soit qu'elle la dépasse en créant un lien entre un être vivant et un défunt. Dans un contexte d'imitation, elle incarne le cheminement de l'individu vers un modèle et, dans celui des relations entre amis, promotionnaires et frères de sang, elle conduit, de concert avec les notions d'égalité et de liberté, le rapprochement entre deux ou plusieurs êtres « autres » au sein d'une relation privilégiée.
The notion of resemblance in west africa Marianne Lemaire In West Africa, resemblance is thought of as a response to a problem of identification rather than as an extension of some hypothetical substantial identity among « relatives ». It is involved in the representation and réintégration of individuals having indeterminate status or displaying unusual behavior. In terms of kinship, resemblance is closely linked with death, either in the sense that it drives one of the look-alikes to death or insofar as it bridges death by creating a link between a living and a dead person. In terms of imitation, it is the expression of an individual's striving for a model ; in relations of friendship, age-class members, and blood brothers, it complements the notions of equality and freedom in producing closeness between two or more « different » individuals in a highly valued relationship.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Madeleine Lemaire
La notion de ressemblance en Afrique de l'Ouest
In: Journal des africanistes. 1995, tome 65 fascicule 1. pp. 55-82.
Résumé
La notion de ressemblance en afrique de l'ouest Marianne Lemaire Plutôt que comme le prolongement d'une identité
substantielle et postulée entre des « parents », la ressemblance est conçue, en Afrique de l'Ouest, comme une réponse à un
problème d'identification; elle participe de la représentation et de la réintégration d'individus dont le statut est indéterminé ou le
comportement, étrange. Dans le contexte de la parenté, la ressemblance est en étroite corrélation avec la mort, soit qu'elle y
précipite l'un des deux semblables, soit qu'elle la dépasse en créant un lien entre un être vivant et un défunt. Dans un contexte
d'imitation, elle incarne le cheminement de l'individu vers un modèle et, dans celui des relations entre amis, promotionnaires et
frères de sang, elle conduit, de concert avec les notions d'égalité et de liberté, le rapprochement entre deux ou plusieurs êtres «
autres » au sein d'une relation privilégiée.
Abstract
The notion of resemblance in west africa Marianne Lemaire In West Africa, resemblance is thought of as a response to a problem
of identification rather than as an extension of some hypothetical substantial identity among « relatives ». It is involved in the
representation and réintégration of individuals having indeterminate status or displaying unusual behavior. In terms of kinship,
resemblance is closely linked with death, either in the sense that it drives one of the look-alikes to death or insofar as it bridges
death by creating a link between a living and a dead person. In terms of imitation, it is the expression of an individual's striving for
a model ; in relations of friendship, age-class members, and blood brothers, it complements the notions of equality and freedom
in producing closeness between two or more « different » individuals in a highly valued relationship.
Citer ce document / Cite this document :
Lemaire Madeleine. La notion de ressemblance en Afrique de l'Ouest. In: Journal des africanistes. 1995, tome 65 fascicule 1.
pp. 55-82.
doi : 10.3406/jafr.1995.2415
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1995_num_65_1_2415Marianne LEMAIRE
La notion de ressemblance
en Afrique de l'Ouest
Entre les catégories du même et de l'autre, entre les concepts d'identité et de
différence, on rencontre des notions familières à la littérature ethnographique,
telles que le double, l'imitation, l'identité, l'égalité ou la parenté. Mais on ren
contre aussi une notion oubliée de l'ethnologie et pourtant significative dans le
système de pensée des sociétés traditionnelles : la ressemblance.
Communément apparentée à un jugement empirique et sensible sur les appa
rences, la notion occidentale de ressemblance renvoie à une communauté de traits
(physionomiques et/ou comportementaux) entre deux ou plusieurs individus
parents : la parenté se présente comme une structure au sein de laquelle les re
ssemblances sont volontiers discernées, appréciées et caractérisées. A condition de
concevoir la parenté comme une communauté d'êtres vivants et d'êtres défunts,
cette corrélation entre parenté et ressemblance se vérifie dans les sociétés tradi
tionnelles d'Afrique de l'ouest, où la ressemblance est appréhendée comme un
élément susceptible de provoquer la mort ou, à l'inverse, de restaurer une relation
entre le monde des vivants et celui des ancêtres. Et loin de se limiter à la parenté,
la ressemblance investit encore d'autres champs, tels que l'imitation rituelle, l'ini
tiation, ou l'amitié, champs où elle doit être envisagée en relation avec la notion
de modèle et avec les principes d'égalité et de liberté.
Ses formes, ses représentations, ses fonctions et ses contextes propres en
Afrique de l'ouest témoignent de l'importance de la ressemblance comme catégor
ie anthropologique — et comme catégorie anthropologique non fantomatique,
sinon majeure.
PARENTE ET RESSEMBLANCE
Selon Michel Foucault (1966 : 82), la ressemblance ne se situe plus, après la
Renaissance, que du côté de l'imagination et d'une empiricité « fruste ». Mais,
rejetée en dehors de la connaissance, elle reste l'une de ses conditions, dans la
mesure où la connaissance établit ses propres relations à partir de celle, rudimen-
taire, de ressemblance. A une reconnaissance empirique de la ressemblance au
sein de la parenté correspond en effet, dans nos sociétés, une connaissance théo
rique qui fournit une explication scientifique de la ressemblance. Aussi le couple
Journal des africanistes 65 (l) 1995 : 55-82 56 MARIANNE LEMAIRE
d'opposition empirisme / théorie constitue-t-il un premier axe de recherche dans
l'étude des relations entre parenté et ressemblance.
Transmission de la ressemblance
Les sociétés traditionnelles ne sont pas dépourvues d'un système théorique
(sinon scientifique) leur permettant d'expliquer la reproduction, la naissance et la
conception - en un mot, de justifier l'existence. La nature et les relations des sub
stances (le sperme, le sang, ou encore la moelle des os) qui animent le corps, leur
provenance et leur destination, leur mode de production et de transmission, peu
vent toujours être formulées de façon précise et souvent complexe. En outre,
comme le fait remarquer Françoise Héritier (1985), les modèles explicatifs de la
conception sont limités en nombre ; les données empiriques à partir desquelles ils
sont construits leur impose une contrainte, de sorte que « la forme de la réponse,
si elle est dans l'esprit qui la formule, est déjà aussi dans les choses ». La ressem
blance physique entre les êtres pourrait être l'une de ces « données empiriques »
directement « observables », et l'on pourrait conclure à une réciprocité entre théo
rie biologique et ressemblance, à un constant renvoi de l'un à l'autre.
C'est précisément sur le problème du rapport entre « génétique » et ressem
blance, que s'ouvre le premier chapitre de l'ouvrage d'Edmund Leach intitulé
Critique de l'anthropologie. Sa première « critique » s'adresse à Malinowski et
dénonce les parti-pris méthodologiques qui orientent la plupart de ses interpréta
tions, et notamment son analyse du discours des Trobriandais sur la ressemblance.
Malinowski commence par relever une parfaite cohérence entre la théorie
génétique et la règle sociologique et, plus précisément, entre l'interprétation bio
logique de la reproduction et le système de filiation : parce qu'ils « ignorent » le
rapport entre l'acte de reproduction et la conception et ne conçoivent pas l'exi
stence d'un quelconque lien de consanguinité entre un homme et les enfants de sa
femme, les Trobriandais sont à même de justifier le système de filiation matrili
néaire. Pour décrire les liens qui unissent l'homme aux enfants de sa femme,
Malinowski propose l'expression de « paternité sociologique ». Selon Leach, ne se résout pas à abandonner la notion psychologique de paternité,
qu'il suppose universelle, et introduit le concept de filiation là où le concept d'a
lliance est seul pertinent.
La notion de ressemblance quant à elle se situe au centre d'une seconde « dis
cussion » entre Leach et Malinowski. Dans les propos tenus par les Trobriandais
sur la ressemblance, Malinowski croit pouvoir relever une contradiction : bien que
la mère et son enfant soient « de même corps », leur identité profonde et substant
ielle ne doit pas se lire sur les visages. Formuler l'idée d'une ressemblance entre
une personne et sa mère est perçue par l'un et l'autre comme une attitude provo
catrice et insultante. La seule ressemblance non seulement possible, mais encore
bénéfique, valorisée et valorisante, est celle qui permet de faire le lien entre un
Journal des africanistes 65 (!) 1995 : 55-82 LA NOTION DE RESSEMBLANCE EN AFRIQUE DE L'OUEST 57
enfant et son « père par alliance ». Cette ressemblance particulière ne reste certes
pas sans explication dans le système de pensée Trobriandais : l'homme, par une
cohabitation presque permanente avec sa femme tout au long de la grossesse,
imprime son apparence sur l'

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