La parenté aujourd hui : agencement de la filiation et de l alliance - article ; n°1 ; vol.38, pg 5-19
15 pages
Français

La parenté aujourd'hui : agencement de la filiation et de l'alliance - article ; n°1 ; vol.38, pg 5-19

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
15 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Sociétés contemporaines - Année 2000 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 5-19
RÉSUMÉ: Un père, une mère; mais aussi un seul père et une seule mère unis dans une relation d’affinité: notre structure familiale repose sur cette règle de parenté; communauté de corps et mélange des humeurs en sont la raison. L’établissement de la filiation et de l’alliance matrimoniale s’y réfèrent encore, comme en témoignent les arguments de validation •ou de rejet •des nouvelles formes familiales, allant de la famille concubine à la famille homosexuelle. Cette règle ordonne aussi la «valence différentielle» des sexes exprimée dans l’ordre familial. Là encore, la famille homosexuelle conteste par sa composition même cet ordre, alors que les autres formes familiales ne faisaient que s’en accommoder, voire l’accommoder.
Kinship today: the play of descent and alliance
A father, a mother; but a single father and a single mother only, united by a relationship of affinity: our family structure rests upon this rule of kinship derived from the coupling of bodies and the intermixture of vital fluids. The recognition of descent and alliance still refers back to these criteria, as arguments show advanced in support of (or against) new family models ranging from the union of concubines to the homosexual family. This rule sets out the •differential sway’ of the sexes as expressed in the familial order. Once again, the homosexual family challenges the prevalent order through its very nature, whereas other family models either submitted to or internalized it.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

u  u  u  u  u  u A N N E C A D O R E T u  u  u  u  u  u
LA PARENTÉ AUJOURD’HUI : AGENCEMENT DE LA FILIATION ET DE L’ALLIANCE
RÉSUMÉ :  Un père, une mère ; mais aussi un seul père et une seule mère unis dans une rela-tion d’affinité : notre structure familiale repose sur cette règle de parenté ; communauté de corps et mélange des humeurs en sont la raison. L’établissement de la filiation et de l’al-liance matrimoniale s’y réfèrent encore, comme en témoignent les arguments de validation – ou de rejet – des nouvelles formes familiales, allant de la famille concubine à la famille ho- mosexuelle. Cette règle ordonne aussi la « valence différentielle » des sexes exprimée dans l’ordre familial. Là encore, la famille homosexuelle conteste par sa composition même cet ordre, alors que les autres formes familiales ne faisaient que s’en accommoder, voire l’ac-commoder. Notre construction de la parenté, ce que l’ethnologue peut nommer la structure de parenté française, se fonde sur l’attribution à un enfant d’une femme comme mère et d’un homme comme père, ce qui peut nous paraître une tautologie mais en fait n’est qu’une des règles possibles de filiation. Cette attribution, inscrite dans nos règles d’état civil, est essentielle car elle réglemente la filiation – soit la transforma-tion d’un donné purement biologique, la conception et la parturition, en un donné social – et fonde aussi la relation entre la mère et le père de l’enfant, c’est à dire l’al-liance. Jusqu’en 1972, seul le mariage des père et mère permettait à l’enfant issu de ce couple de s’inscrire dans leurs lignées. Nous avions jusqu’à cette date un seul mode « légitime » de constitution familiale où sexualité, procréation et engendre-ment coïncidaient dans le mariage de deux individus pour donner la filiation ; mais ses règles établies régulaient aussi la relation du masculin et du féminin dans la per-pétuation de l’espèce et contrôlaient la sexualité à travers la question de l’engendre-ment. Depuis une trentaine d’années de nouvelles formes familiales s’imposent ou émergent : familles concubines, recomposées, adoptives, familles faisant appel à l’aide médicale à la procréation, enfin familles d’accueil et familles homosexuelles. Toutes touchent à l’institution de la filiation et chacune se construit par rapport à cette même règle de filiation et d’alliance. C’est bien cette règle que je propose d’éclairer en faisant appel à trois contributions d’anthropologues, spécialistes de la parenté. Mais avant d’évoquer ces articles, je voudrais rappeler d’une part les prin-Sociétés Contemporaines (2000) n° 38 (p. 5-19) 5
A N N E C A D O R E T U U U U U U U U U U U U U U U U cipes de validation des formes familiales quant à l’établissement de la filiation ; et d’autre part la question de l’alliance et de la gestion de la sexualité dans notre struc-ture de parenté. 1. LES PRINCIPES DE VALIDATION La première forme de constitution de l’unité familiale que je propose d’examiner est la famille concubine ; elle n’est pas la plus ancienne des nouvelles formes fami-liales, mais elle est la plus commune puisque en 1996 presque 40 % des enfants naissent hors mariage. Et peut-être est-elle la plus répandue de ces nouvelles formes parce qu’elle reste la plus proche du modèle de base : les enfants sont bien issus (of-ficiellement) des parents avec lesquels ils vivent, bien que ces parents soient en rela-tion de concubinage et non de mariage. Dans ce premier modèle  1 , sexualité, pro-création, engendrement et filiation coïncident, et depuis 1972 diverses lois ont com-blé le « déficit parental » dû à l’absence de mariage, comme celle de 1993 autorisant le partage de l’autorité parentale. L’intérêt de l’enfant à voir reconnus ses deux pa-rents, à avoir un père et une mère, préside à cette évolution du droit civil. Il faut mal-gré tout souligner une différence de taille entre famille fondée sur le mariage et fa-mille fondée sur une déclaration de concubinage : la filiation d’un couple concubin reste le fait de chacun des parents, elle est divisible. L’enfant n’est pas le successeur, l’héritier du couple, mais de chacun de ses parents. Quant à l’enfant naturel adultérin dont le père ou la mère était, au temps de sa conception, engagé dans les liens d’un mariage dont sont issus des enfants légitimes, il ne recevra que la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit s’il avait été légitime. Même si apparaissent des proposi-tions de lois pour effacer toute différence entre les enfants, la filiation dans le cadre d’un mariage prime toujours sur la filiation naturelle. La famille adoptive , telle que nous la connaissons maintenant, c’est à dire pour une personne seule ou pour un couple avec ou sans enfants, est apparue en 1976 ; formule reconnue en 1966, elle s’appuyait d’abord sur le principe de donner un en-fant à un couple stérile  2  et non des parents à un enfant en manque d’ascendants comme c’est le cas maintenant. L’adoption plénière « confère à l’enfant une filiation qui se substitue à la filiation d’origine » (C.C., art. 356). Elle permet une filiation sans lien biologique (ni concep-tion, ni engendrement) ; mais elle encadre la sexualité, n’autorisant l’adoption que pour un couple marié (ou l’un des époux avec le consentement de l’autre) ou pour un(e) célibataire âgé(e) de plus de vingt-huit ans, mais l’interdisant pour sa com-pagne ou son compagnon : « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce 1 . N’oublions pas que la cohabitation hors mariage a existé à certains moments de notre histoire : ainsi à la fin du XIXe  siècle , lors du grand mouvement migratoire des populations rurales vers les villes et les nouvelles zones industrielles, Jacques Bertillon, lors du recensement de la population de 1881, estime qu’un quart des naissances parisiennes ont lieu hors mariage (Leridon et Ville-neuve-Gokalp, 1994 : 3). Mais aujourd’hui, la cohabitation se retrouve dans toutes les classes so-ciales et non plus tout particulièrement dans les « classes dangereuses et laborieuses » comme au XIXe siècle. 2 . Un couple ayant donné la preuve de sa fertilité par une descendance devait demander le droit d’adopter au Président de la République.
6
U U U U U U U U U U U U U U U L A P A R E N T É A U J O U R D ' H U I n’est par deux époux » (C.C. art. 346). Les concubins sont alors exclus de la formule adoptive, car cette filiation, qui reprend sur des bases uniquement juridiques le mo-dèle premier où les éléments biologique, social et juridique constitutifs de la filiation se superposent, est indivisible. Une fois retenue une représentation du couple cohérente avec le modèle biolo-gique de base, l’agrément  3 des parents adoptifs va se fonder sur leur capacité à rem-plir une fonction de parentalité – soigner, éduquer, aimer l’enfant – et non plus à oc-cuper une position parentale de paternité et maternité. Le projet parental, et non la procréation, devient actuellement le principe essentiel pour accéder à la filiation (Ouellette, 1996). Dans une autre situation familiale, celle dans laquelle l’enfant est conçu grâce à l’aide médicale à la procréation  4 , sexualité, engendrement et filiation se recoupent ; mais il n’y a pas eu conception « naturelle » de l’enfant, même si parfois il y a eu mélange des gamètes des deux parents. Remarquons que les bénéficiaires de l’insé-mination artificielle avec donneur doivent être mariés ou en concubinage déclaré de-puis plus de deux ans. Mais notre filiation étant encore fondée sur l’idée première de la reproduction biologique, la loi de bioéthique de 1994 a dû préciser que, dans ce cas, le père d’un enfant né après une insémination artificielle avec donneur ne peut être que le mari de la mère, ou le concubin déclaré depuis plus de deux ans, « aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréa-tion » (C.C. art. 311-19). De plus « l’insémination et le transfert d’embryons post-mortem  sont interdits parce que dans ces cas de figure un acte reproductif ne peut avoir lieu » (Iacub, 1997 : 163). Est mis en avant l’intérêt de l’enfant à avoir un père et une mère, mais un seul père et une seule mère, à avoir une filiation conforme à la fiction biologique et au principe de la cellule familiale fondée sur le modèle de l’al-liance. Dans la configuration de la famille recomposée , l’enfant vit avec l’un ou l’autre de ses père et mère et le nouveau conjoint de ceux-ci ; dans ce schéma, le premier binôme alliance-filiation est rompu, la filiation, instaurée à partir de l’alliance, per-dure à la faillite de cette dernière. De plus le(la) nouvel(le) allié(e) ainsi que sa li-gnée peuvent avoir un rôle parental important d’éducation et de transmission des va-leurs sans que, pour le moment, cela n’entraîne un statut de parent (Meulders-Klein, 1993). Toutefois, c’est la situation d’alliance (ou de concubinage) avec le parent, et non tant la situation de co-résidence de ce compagnon ou de cette compagne, qui lui donne une position de beau-parent. Les experts de l’Observatoire des politiques fa-miliales nationales relèvent (Ditch et al , 1995 : 15) que « tous les états membres de l’Union Européenne se trouvent devant une sorte de dilemme : préserver la méta-ré-3 . Toute personne qui veut adopter doit préalablement déposer auprès des services sociaux du dé-partement responsables de l’enfance une demande de droit à adopter. Cette demande fait l’objet d’une longue enquête sur les capacités parentales de la personne et se conclut par un agrément (ou un refus d’agrément) qui donne à cette personne le droit de se proposer à l’adoption nationale ou in-ternationale. 4 . En 1992, six enfants sur mille naissaient à la suite d’une procréation assistée, dont 5% seule-ment impliquaient la participation de donneurs de sperme ou d’ovocytes (chiffres cités par G. De-laisi, 1994 : 62).
7
A N N E C A D O R E T U U U U U U U U U U U U U U U U férence à la famille et, en même temps, tenir compte de la diversité des comporte-ments. Etre face à ce dilemme conduit à des hésitations. Le manque de sanction lé-gale vis-à-vis des familles recomposées semble en être une, illustrée en particulier par l’absence d’un statut légal pour le « beau-parent ». « La non-reconnaissance par le droit civil d’une responsabilité alors qu’elle est exercée en fait, et par ailleurs re-connue par le droit social et fiscal (enfant à charge), est dommageable. Comment re-connaître cette situation sans faire du beau-parent un troisième parent (...) ? » se de-mande I. Théry (1998). Mais c’est bien justement sur cette nouvelle parenté qu’Irène Théry refuse d’emblée en excluant la possibilité d’un troisième parent – qu’il nous faudra réfléchir. La forme familiale « famille recomposée » ne contredit pas le modèle de base dans l’établissement de la filiation : l’enfant reste bien le fils/la fille inscrit(e) légalement dans les lignées de ses parents-géniteurs (ou assimi-lés comme dans l’adoption ou l’aide médicale à la procréation). Pourtant apparaît la figure d’un(e) autre allié(e) qui ouvre le schéma de parenté occidental d’un seul père et d’une seule mère. Une autre figure, celle de la famille d’accueil , remet encore plus en cause ce schéma de parenté puisque l’enfant n’est issu d’aucun des adultes qui l’élèvent ni n’a de liens juridiques avec eux. Pourtant ces parents d’accueil et ces enfants ac-cueillis auront souvent construit des liens affectifs semblables aux liens parents-en-fants ; ils partageront une quotidienneté et une mémoire familiales (Cadoret, 1995-1997), qui pourront aboutir à une officialisation du lien, comme l’atteste un faire-part de mariage unissant dans une même formulation la mère d’origine de l’enfant et ses parents d’accueil : « Madame D. (la mère d’origine) et Monsieur et Madame M. (les parents d’accueil) sont heureux de vous annoncer le mariage de Virginie ». Mais, la famille d’accueil ne présente qu’une parenté en pointillé, sans lien de filia-tion entre l’enfant et ses gardiens, la parenté « officielle » de l’enfant étant et restant sa famille d’origine. La famille d’accueil ne peut revendiquer qu’une parenté sociale non reconnue, nos lois et nos coutumes refusant la multiparenté et cette famille qui ne s’appuie ni sur le biologique comme pour la filiation naturelle, ni sur le juridique comme pour la parenté adoptive, ni sur une nouvelle alliance comme pour la parenté recomposée, n’a alors aucune validité dans notre construction de la filiation pour re-vendiquer une place quelconque dans la parenté. Se pose aujourd’hui la question de l’émergence d’une nouvelle figure, celle de la famille homosexuelle qui revendique une sexualité non procréative ; les couples ho-mosexuels déclarent d’office sans avoir à le dire, mais seulement par leurs manières de vivre, que leurs relations sexuelles ne sont pas et ne pourront pas être, à la diffé-rence aussi de toutes les autres configurations familiales, des relations d’engendre-ment. Est récusée la différence des sexes en tant que racine (réelle ou fictive) de la construction familiale. Mais notre parenté et notre parentalité sont-elles définitive-ment et irrémédiablement construites sur ces seuls mots-clefs : mère et père, fémi-nin, masculin ? Ne faut-il pas revoir ces mots et la construction de la parenté qui les sous-tend ? F. Héritier (1981) précise que « la différence de sexe, la succession natu-relle des générations ainsi que l’ordre de succession des naissances au sein d’une même génération sont des données de base que ‘manipule’ en tout temps et en tout
8
U U U U U U U U U U U U U U U L A P A R E N T É A U J O U R D ' H U I lieu le travail symbolique de la parenté, en opérant entre ces trois ordres de fait des séries de dérivations (...) dont ont découlé des systèmes terminologiques, règles de filiation, d’alliance et de résidence ». Ne faut-il pas, tout en continuant à invoquer l’universalité de ces données de base, noter la diversité et la complexité de leurs ap-plications dans le modèle familial d’une société ? On assiste, dans notre propre société, à une contradiction entre le noyau dur de notre structure de parenté – une seule mère, un seul père – et l’acquisition de cette position de parent. Dans certains cas, l’accent est porté sur le parent biologique, sur cette vérité première de fabrication de l’enfant comme dans le cas de l’enfant né hors mariage ; dans d’autres cas, c’est la volonté juridique d’être parent qui prime, comme pour l’adoption ; dans d’autres cas encore, est demandée la reconnaissance sociale d’une pratique de parenté, comme pour les beaux-parents des familles re-composées. Nous voyons alors que la construction et l’application de la parenté ne concernent pas uniquement deux seuls individus et nous devons alors nous ré-inter-roger sur notre modèle de base où sexualité, procréation, engendrement et filiation sont censés coïncider et où l’accent est mis sur le mariage, cadre d’une sexualité procréative. Si la filiation dans le mariage est indivisible, si les filiations adoptives et par AMP  5  reprennent ce principe, à la différence de la filiation dans le cadre du concubinage, si les autres formes familiales comme la famille recomposée et la fa-mille d’accueil ne reconnaissent pas de filiation, n’est-ce pas à cause de notre culture chrétienne et du fameux « una caro » proclamé dans l’institution du mariage : le couple marié ne forme plus qu’une seule chair. Si les anciens Grecs concevaient le monde de leurs Dieux à l’image de leur monde humain, avec ses passions et ses co-lères, les chrétiens, à l’inverse, se voulurent à l’image de leur Dieu, irréprochables et sans corps. Pendant des siècles, pour les hommes comme pour les femmes, la virgi-nité resta le comportement le plus valorisé, suivi du veuvage puis du mariage. J. Gaudemet (1987 : 44) nous rappelle que « deux passages de la Genèse (2,18 et 22-24) présentent le mariage comme institué par Dieu, pour réaliser l’union monogame de deux êtres qui seront ‘ une seule chair ’. Cette première institution du mariage par Dieu a été confirmée et renouvelée par le Christ aux noces de Cana ». Le mariage consacre alors la fidélité entre époux et l’indissolubilité de l’union et assure le re-nouvellement des générations. Le « une seule chair », qui se réfère dans la Genèse à une communauté de vie, se rapporte ensuite à une communauté de corps. Communauté de corps, mélange des humeurs qui entraînent ce que F. Héritier (1994) appelle l’inceste de deuxième type. Le « una caro » transforme un interdit d’alliance en interdit de consanguinité : le mari devient la femme, donc les germains de l’une deviennent les germains de l’autre. Peu à peu l’Église construit, entre le XI e et le XV e siècle, sa théorie du mariage, contrat indissoluble parce que sanctifié par un sacrement  6 et garanti par sa publicité. Le mariage n’est plus une affaire privée, mais devient aussi une affaire publique, affaire de tous mais aussi obligation de tous, du peuple comme des princes : « Les membres de l’aristocratie entrent dans le cadre 5 . La PMA (procréation médicalement assistée) est maintenant appelée AMP (assistance médi-cale à la procréation). 6 . Les conciles de Latran II au XIIe siècle puis de Trente au XVIe siècle instituent puis réaffirment la dimension sacramentelle du mariage : l’union de deux personnes est semblable à celle du Christ et de son Eglise.
9
A N N E C A D O R E T U U U U U U U U U U U U U U U U que l’Église assignait à tous les laïcs : la discipline du mariage chrétien » (Sot 1991 : 202). Une lutte de pouvoir faite de concessions de part et d’autre s’instaure dès le XII e siècle ; J. Gaudemet nous rappelle que les justices séculières, et particulièrement celles du roi, cherchent à reprendre compétence sur les questions matrimoniales. Les juridictions séculières se doivent de faire respecter le bon ordre public et punir des délits tels que la bigamie ou le rapt ; elles veillent aussi à la transmission des biens entre ascendants et descendants et donc à la légitimité des unions assurant la légiti-mité des enfants. C’est vraiment au début du XVII e siècle, sous le règne de Louis XIII, que se cris-tallise le mariage comme fondement de l’ordre social. Le roi décrète que « les ma-riages sont le séminaire des États, la source et l’origine de la société civile et le fon-dement des familles qui composent les républiques », familles d’ailleurs « dans les-quelles la naturelle révérence des enfants envers les parents est le lien de la légitime obéissance des sujets envers leur souverain »  7 . L’État constitue alors la Référence, pour reprendre les mots de Pierre Legendre (1992), puisqu’il « garantit un droit civil des filiations qui soit en conformité avec l’exigence de la justice généalogique pour le sujet » ; encore faut-il préciser que cette « justice généalogique » est culturelle et non universelle. L’État définit le cadre de l’engendrement, c’est à dire des relations affectives, procréatives, et sexuelles, et touche au privé, à l’intime. Mais les principes fondateurs de l’institution du mariage, le sacrement et le contrat  8 , sont terriblement entremêlés. L’intervention de l’État sur le mariage, sur l’ordre social, le fait-il basculer vers le contrat ? Voltaire écrit en 1764 : « Le ma-riage est un contrat du droit des gens, dont les catholiques romains ont fait un sacre-ment. Le sacrement et le contrat sont deux choses différentes. À l’un sont attachés les effets civils, à l’autre les grâces de l’Église. Lorsque le contrat est conforme au droit des gens, il doit produire des effets civils, le défaut du sacrement ne doit opérer la privation que des grâces spirituelles » (Voltaire, 1764). Mais, pour justifier cette compétence séculière, encore faut-il, comme le souligne J. Gaudemet, « d’une part, au point de vue juridique, dissocier dans le mariage contrat et sacrement, et d’autre part, au point de vue politique, marquer l’importance que présentait le mariage, base de la famille, pour l’État, garant de l’ordre social » (Gaudemet, 1987 : 381). Si le mariage civil instauré à la Révolution n’est plus un sacrement, reste son poids social et politique décrété par Louis XIII ; il est sans doute plus qu’un contrat dans le sens où il change définitivement le statut des personnes. Les époux ne redeviendront ja-mais ce qu’ils étaient avant leur mariage, c’est-à-dire célibataires. Les mots « état ci-vil » ne sont pas innocents. Le mariage est plus qu’un contrat, parce qu’il donne un statut ; statut qui introduit chacun dans la famille, la lignée de l’autre, et qui fait de l’enfant né de cette union un descendant, un successeur de ses père et mère, mais aussi de ses quatre grands-parents, etc. Alors que le lien qui aboutit à un contrat ne peut obliger que ses contractants, le mariage implique d’autres membres de la paren-té, comme par exemple petits-enfants et grands-parents ou brus, gendres et beaux-parents rendus solidaires par l’obligation alimentaire. De plus, il me semble que le contrat est un lien à durée précisée : or le lien de mariage est illimité dans le temps, 7 . In Édits sur les mariages , Paris, Imprimerie royale, 1708, cité par F. P-Lévy, (1981 : 32). 8 . N’oublions pas qu’avant d’être un sacrement, le mariage fut d’abord un contrat.
10
U U U U U U U U U U U U U U U L A P A R E N T É A U J O U R D ' H U I même lorsque l’un des époux meurt, l’autre reste marié et continue à bénéficier ou supporter les conséquences de ce lien. Enfin, le contrat doit préciser le nombre d’ac-tions auxquelles il engage ; ce qui n’est pas le cas du mariage puisqu’il y a co-soli-darité des conjoints pour un nombre incalculable d’évènements (Testard, 1996). Malgré sa laïcisation, le mariage civil conserve quelque chose proche du sacré dans l’indivisibilité de la filiation : s’y retrouve l’idée d’une « seule chair », retenue dès le Moyen Âge lors du mariage religieux. On retrouve jusque dans les années soixante-dix de notre siècle une cohérence entre les lois, les normes politiques et juridiques de l’institution de la parenté et de la formation de la famille, le vécu des populations, et les coutumes ; ainsi des ethno-logues spécialistes des sociétés européennes comme N. Belmont (1995 : 19) re-marquent que dans les sociétés traditionnelles le rituel des noces représente le rite de passage le plus important, il « concerne le renouvellement et la pérennité du groupe social, il implique les alliances sans lesquelles celui-ci ne pourrait se perpétuer, il met en jeu des transferts d’individus et d’intérêts économiques, il fait passer les jeunes gens et les jeunes filles de la classe d’âge des adolescents à celle des adultes ». Ces rites et ces lois constituaient des phénomènes de représentation et de tech-niques symboliques de l’accès à un principe d’ordre dans lequel  le social, le juri-dique, l’affectif, le biologique se recoupaient. Cet ordre reposait sur le couple fami-lial (union d’une femme et d’un homme) comme sujet d’engendrement et sexualité, conception, engendrement ne se combinaient que dans le cadre du mariage pour donner naissance à la filiation.  Dans ce modèle de base, à la suite du mariage (de l’engagement de chacun) le couple est bien « une seule chair » et la filiation indivi-sible. 2. LA FILIATION ET L’ALLIANCE COMME RÉGULATION DES RELATIONS DE SEXE Cette conception multi-séculaire du mariage occidental où sexualité, procréation, engendrement et filiation se superposaient, marque profondément les formes fami-liales actuelles d’institution de la filiation. Elle s’appuie aussi sur une hiérarchie dans les relations de sexe pour penser la place de la femme, qui elle, par sa nature d’accouchante, détient une clé de la reproduction humaine. Cette clé a préoccupé les hommes, comme en témoignent des documents aussi différents que les fantasmes notés par R. Zapperi, dans L’Homme enceint , les interdits de mariage étudiés par F. Héritier ou les lois encadrant la procréation que J. Mossuz-Lavau a analysées. À partir de gravures et sculptures anciennes ou de récits folkloriques européens -dont certains recueillis au début de ce siècle –, R. Zapperi remarque combien l’homme tente symboliquement de récupérer le pouvoir de l’engendrement ; il re-lève aussi le rôle complexe du personnage du prêtre : « C’est lui qui sanctionne mo-ralement le pouvoir du père, prohibe la sexualité, propose la castration, légitime l’exploitation » (1983 : 101). Effectivement, plusieurs récits d’homme enceint concernent le prêtre ; à une place d’intermédiaire entre Dieu et les hommes, il repré-sente un personnage terrestre ambigu et proche de l’androgynie puisqu’il renonce à la puissance masculine et accepte certains attributs féminins. Mais pour que le prêtre
11
A N N E C A D O R E T U U U U U U U U U U U U U U U U puisse se penser enceint, il faut qu’il se soit retrouvé lié à une femme dans la posi-tion en dessous, cette position étant celle de la passivité et de la fécondation ; ainsi dans le conte français enregistré dans la seconde moitié du XIX e siècle en Haute Bre-tagne du « recteur en mal d’enfant » qui lors de la promenade de l’« Aperges me » se prend les pieds dans les lacets de ses chaussures, tombe sur le sol et entraîne dans sa chute une de ses paroissiennes, qui le recouvre de toutes ses rondeurs. Les légendes de l’homme enceint sont construites en deux parties : l’une qui donne à l’homme des signes de sa grossesse, enlevant alors à la femme ce privilège encore unique ; l’autre qui montre la bêtise de l’homme à se croire femme en se pen-sant enceint. Car la femme reste un être inférieur, en dessous de l’homme et aucun homme sensé ne peut, en se donnant des attributs féminins comme celui de la gros-sesse, se prendre pour une femme. L’ordre social de la reproduction, l’ordre familial, repose sur cette hiérarchie des sexes. La femme au-dessus, la femme chevauchante se réfère à des rapports extraconjugaux ou à des lieux de plaisir ; elle représente une femme du désordre. Si le mariage faisait des époux une « seule chair », il n’en faisait pas des égaux. F. Héritier décortique (nous reproduisons ses schémas ci-dessous) les énoncés d’in-terdits de mariage des codes théodosien et justinien ainsi que ceux du Syro-Roman Lawbook,  met en valeur leurs principes et éclaire la hiérarchie des sexes à travers leurs présentations.
Figure 1
r é ciproque
r é ciproque
Figure 3 Femme concern é e par l 'i nterdit Homme concern é par l'i nterdit
Figure 2
Figure 4 Germani Alliance
Si un homme ne peut épouser la veuve de son frère (figure 1), de même une femme ne pourra épouser le frère de son mari décédé (figure 2), puisque deux frères
12
U U U U U U U U U U U U U U U L A P A R E N T É A U J O U R D ' H U I ne peuvent épouser la même femme, sauf à commettre l’inceste de deuxième type. De même un veuf ne peut épouser la sœur de sa femme (figure 3), ni selon la même logique une femme épouser le mari de sa sœur morte (figure 4). Cette logique de ré-ciprocité impliquerait qu’il suffît d’énoncer deux situations symétriques, soit le fait qu’un homme ne puisse épouser la veuve de son frère (figure 1), ou sa réciproque : une veuve ne peut épouser le frère de son mari (figure 2), puis qu’un homme ne peut épouser la sœur de sa veuve (figure 3) ou sa réciproque : une femme ne puisse épou-ser le veuf de sa sœur (figure 4). Or si dans ces trois différents codes, les figures 1 et 3 sont précisées, ou les figures 2 et 3, ou encore les figures 1, 2 et 3, la figure 4, celle qui part des deux sœurs, de deux femmes , pour énoncer l’interdit, n’est jamais donnée. « Il était impossible dans la loi (...) de parler des femmes au même titre qu’au nom des hommes » montrant par là « la force idéologique du primat du mas-culin » (Héritier, 1994 : 103 -105). Primat du masculin qui, au moins dans notre société, confinait les femmes hon-nêtes au mariage et à une sexualité procréative. Les relations familiales sont aussi des relations sexuelles, et « la sexualité est partout et toujours sommée de témoigner de et de témoigner pour (ou contre) l’ordre qui règne dans la société » écrit M. Go-delier (1989 : 1151). Les femmes ont alors eu à combattre pour obtenir le droit à une sexualité non obligatoirement procréative. Au lendemain de la première guerre mon-diale, la France pleure sa dénatalité et proclame en 1920 que « sera puni d’un empri-sonnement d’un mois à six mois de prison et d’une amende de 36 000 francs à 180 000 francs quiconque, dans un but de propagande anticonceptionnelle aura, par l’un des moyens spécifiés à l’article 647, décrit ou divulgué, ou offert de révéler des procédés propres à prévenir la grossesse ou encore à faciliter l’usage de ces procé-dés » (art. 648 du code de la santé publique). Cette loi est toujours en vigueur au dé-but des années cinquante et il faudra attendre la loi Neuwirth de 1967 pour permettre un usage – contrôlé – de contraceptifs mais encore cinq ans pour que sorte son dé-cret d’application. J. Mossuz-Lavau (1991) note chez les parlementaires hostiles à cette loi trois types d’arguments : démographiques – il faut empêcher tout contrôle des naissances pour repeupler le pays ; médicaux – la femme perdrait ses humeurs, sa féminité. « C’est une dénaturation de la femme (...). La nature se vengera. En ef-fet, pas de cycle, pas de libido. Finies ces fantaisies, ces chatteries qui font le charme féminin. Mais par contre des seins douloureux à ne pas toucher, agrémentés parfois de troubles psychiques » dira le sénateur Henriet (médecin, républicain indépen-dant) ; enfin des arguments moraux – les femmes, maîtresses de leur reproduction, auraient un pouvoir absolu sur la société et, délivrées de la peur d’une grossesse, n’auraient plus de retenue dans leurs mœurs. Quant aux discussions sur l’interrup-tion volontaire de grossesse (autorisée en 1975), elles donnent lieu aux mêmes genres d’arguments avec des représentants de la droite et du centre qui s’abritent derrière le respect de la vie : « Le corps d’une femme enceinte n’est pas à elle, n’est plus à elle ; porteuse d’une autre vie, elle ne peut en disposer » (1991 : 122), et crient contre la dissolution des mœurs ; E. Dailly, sénateur de la gauche démocratique, dé-clare que « sa génération a été élevée dans le respect de la femme parce que celle-ci donnait la vie, que cette génération savait se comporter avec honneur si une gros-sesse survenait, mais qu’il serait désormais difficile d’inculquer un tel sentiment aux plus jeunes qui seront amenés à dire : ‘Elles n’ont qu’à se faire avorter’ » (p.118), ou encore le député UDR M. Bizet s’exclame « Demain, vous nous demanderez de lé-
13
A N N E C A D O R E T U U U U U U U U U U U U U U U U galiser le mariage des homosexuels » (J.O., n° 108 AN, 15 déc. 73, p. 7035). La crainte de l’affaiblissement de la domination masculine empoigne certains de ces parlementaires, comme J. Foyer (RPR) qui déplore que « c’est le droit de vie et de mort du pater familias  antique qui a été transféré du père à la mère » (JO, n° 144 AN, 11 décembre 1982, p. 8230). D’autres parlementaires de même tendance, mais favorables à une libéralisation de l’avortement, comme J. Taittinger et S. Veil, cette dernière à l’origine de la loi, veulent lutter contre les avortements clandestins (esti-més à 1 000 par jour) et prônent une société libre et responsable. Quant à ceux de la gauche, ils appellent à faire disparaître tout ce qui peut ressembler à une sanction frappant les femmes susceptibles de trouver du plaisir ; ils disent réclamer tout sim-plement la libération de la femme. La sexualité reste encore un sujet tabou et il faudra beaucoup de discussions et de diplomatie de la part des progressistes pour que, dans les années soixante-dix, l’éducation sexuelle devienne un chapitre du programme scolaire. Quant à l’homo-sexualité, ce n’est qu’en 1981 qu’elle ne figure plus dans la liste des maladies men-tales de l’Organisation mondiale de la santé, approuvée par la France, qu’en 1982 que sont abrogés des textes pénaux discriminatoires envers les homosexuels et en 1985 que certaines lois antiracistes sont étendues aux discriminations fondées sur les mœurs. Les nouvelles formes familiales respectent encore les principes du modèle fami-lial de base puisqu’elles s’appuient sur ces principes même dans leurs montages. Une de ces formes fait exception : la famille homosexuelle. Les couples homo-sexuels ne peuvent former « une seule chair », puisqu’ils ne peuvent de leurs deux corps, du mélange de leurs humeurs, produire une seule chair ; ils font tomber la fic-tion des autres montages familiaux. « Le ressort de la fiction, c’est l’adaptation la plus intime du fait au droit, au prix de toutes les invraisemblances dont l’efficacité juridique fera alors des ‘figures de vérité’. Ce n’est que lorsqu’elle échoue à l’ou-vrage de transfiguration qu’est révélée sa présence, lorsque la vérité qu’elle propose faillit à emplir le vide, quand l’absence de légalité isole la crudité du montage » (L. Assier-Andrieu, 1996 : 57). Les « figures de vérité » pouvaient encore valider l’adoption ou l’assistance médicale à la procréation. Elles s’écroulent dans les situa-tions d’homoparentalité  9 . Lorsque les couples homosexuels revendiquent la recon-naissance d’une position parentale, pour chacun(e) des deux membres du couple, ce qu’ils demandent n’est pas seulement la reconnaissance d’une fonction de parentali-té (« nous sommes d’aussi bons parents que les autres »), mais aussi la proclamation de leur position de parenté, de leur accord de couple qui ne passe plus par la complé-mentarité sexuelle, miroir de la complémentarité de l’engendrement. Ils ne nient pas la différence de sexes, ne nient pas l’existence différenciée du féminin et du mascu-lin, mais refusent de la prendre comme seule base du désir, de la sexualité, de la fa-mille... de l’alliance et de la filiation.
9 . Il est intéressant de relever que la plupart des débats soulevés par cette proposition d’alliance homosexuelle qu’est le Pacte civil de solidarité, le PaCS, portent sur la question de la filiation, les opposants à ce projet craignant que, forts de l’existence reconnue de leurs couples, les homosexuels ne revendiquent le droit à l’enfant, se coulant dans le moule multiséculaire de l’alliance comme voie légitime d’accès à la filiation.
14
U U U U U U U U U U U U U U U L A P A R E N T É A U J O U R D ' H U I L’enfant est toujours issu du mélange du féminin et du masculin ; mais quelle valeur a ce mélange corporel ? Doit-on rabattre la filiation sur son élément biolo-gique, comme si, comme le relève ironiquement M. Iacub (1999), engendrer suffi-sait comme par magie à transformer le géniteur en parent ? L’enfant vit dans un monde où coexistent des femmes et des hommes mais cette coexistence doit-elle être l’unique base du couple conjugal ? Et faut-il confondre couple conjugal et duo géni-teur de l’enfant ? La difficulté d’élaboration et de légitimation de la dernière figure familiale appa-rue, la famille homosexuelle, nous montre du doigt le point crucial de notre système de parenté : le corps. Dans cette interrogation sur la construction de la filiation et son rapport à l’alliance, on assiste à un double mouvement : si la filiation se détache de l’alliance matrimoniale, si la sexualité se détache de la reproduction, la filiation af-firme bruyamment son attachement au corps reproductif qui devient peu à peu la fi-gure incontournable de la filiation, sa raison d’être ; mais si l’on garde le modèle d’un seul père et d’une seule mère, on se trouve engagé dans une impasse : les pa-rents adoptifs se voient menacés par les parents d’origine, de même les donneurs de gamètes doivent s’identifier ; la parenté devient naturelle, animale. Affirmer une place à la filiation biologique tout en laissant une place à la filiation juridique, affec-tive et sociale conduit à élaborer un autre modèle de parenté où l’enfant aurait plus d’une mère, plus d’un père ; notre fiction de la « vérité biologique » tombe et la fi-liation homosexuelle devient possible. C’est ce questionnement de la parenté que nous avons voulu développer en de-mandant des articles à trois  10 anthropologues – deux « exotisants », spécialistes tout particulièrement de l’Afrique, et une troisième intéressée par la société occidentale, avec la question de la parenté adoptive. Mais qu’ils soient centrés sur des systèmes traditionnels  11 ou sur la modernité, ces articles abordent tous la place obsédante du biologique dans notre pensée de la parenté. La place obsédante du biologique nous incite à toujours rechercher le « vrai », la « vraie mère », le « vrai père », à rechercher le parent de son sang, de sa chair. Nous avons d’abord été étonnés – avant de nous habituer à elles – par diverses sociétés qui donnaient plusieurs pères ou mères à l’enfant ; c’étaient des sociétés ignorantes de la production de l’enfant et pour lesquelles le lien de filiation ne pouvait être que social alors que notre société, fière de sa science, ne faisait que socialiser le lien naturel de la filiation. Pourtant, lorsque l’on s’attache comme le font E. Copet-Rougier ou C. Meillassoux à écouter les mots de la parenté des sociétés africaines et à ne pas plaquer impunément sur leurs termes notre vocabulaire, nous accédons à une autre conception de la parenté ; l’enjeu n’est pas la place du biologique, son ignorance ou sa connaissance, mais bien le type fondamental de lien social révélé par le lien pa-rent-enfant. 10 . Élisabeth Copet-Rougier a disparu depuis l’écriture de son article ; nous lui rendons humble-ment hommage. 11 . Ce qualificatif de tradition est employé dans un sens de système traditionnellement étudié par les ethnologues, comme le fait S. Lallemand dès le titre de son livre La circulation des enfants en société traditionnelle. Prêt, don, échange ; L’Harmattan, Paris, 1993.
15
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents