La réception de Blok en France - article ; n°4 ; vol.54, pg 567-582
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La réception de Blok en France - article ; n°4 ; vol.54, pg 567-582

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue des études slaves - Année 1982 - Volume 54 - Numéro 4 - Pages 567-582
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Georges Nivat
La réception de Blok en France
In: Revue des études slaves, Tome 54, fascicule 4, 1982. pp. 567-582.
Citer ce document / Cite this document :
Nivat Georges. La réception de Blok en France. In: Revue des études slaves, Tome 54, fascicule 4, 1982. pp. 567-582.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1982_num_54_4_5267RECEPTION DE BLOK EN FRANCE LA
PAR
GEORGES NIVAT
A la mémoire de Sophie Laffitte
Blok n'aimait pas la France. Pour lui, la France n'avait pas « l'esprit musical ».
Elle lui était profondément étrangère et si, par exemple, il tomba amoureux de la
Bretagne légendaire, nous voyons par les lettres envoyées de France à sa mère que
la réelle lui inspirait à peu près le même dégoût que Paris. Tout au plus
reconnut-il à la France, dans son poème les Scythes, « le piquant esprit des
Gaulois {ostry j galľskij dwc). On peut se demander si la France n'est pas, elle
aussi, restée étrangère à Blok. Car, malgré la bonne dizaine de traductions des
Douze existant en langue française, plusieurs articles d'érudition, malgré
deux thèses de doctorat et quelques articles d'encyclopédie, Blok reste à peu près
inconnu en France. La raison première en est l'absence de grandes traductions
poétiques capables d'imposer un texte poétique au public français. Car poser le
problème de « Blok en France » revient à poser le problème de la traduction
poétique en français. Dès 1923, Sidersky publiait une traduction dite « définitive »
des Douze1 : elle a aujourd'hui sombré dans l'oubli, comme beaucoup de celles
qui l'ont suivie.
A ce sujet, on ne saurait mieux faire que citer le préfacier d'une des nombreuses
anthologies de la poésie russe parues en France depuis 1945 (et dont aucune n'a
réussi à s'imposer). Préfaçant en 1947 l'anthologie de Raïs et Robert2 , l'écrivain
catholique Stanislas Fumet écrivait :
Jusqu'à ce que nous sachions le russe, nous devrons, hélas ! renoncer à entendre la cadence
des vers dont ceux qui lui prêtent une oreille intelligente affirment qu'elle est sans égale au
monde. Les traductions ne rendent que la couleur de la poésie russe ; très peu sa ligne, à peu
près pas sa mélodie.
Stanislas Fumet rappelle ensuite que la même incapacité frappe la poésie fran
çaise, qu'il s'agisse de traductions de l'allemand, de l'anglais ou du russe. L'absence
d'accent tonique, l'épuisement des rimes et surtout le développement de la poésie
française selon des voies toutes différentes — de Claudel à Char — expliquent
cette inhibition. Les grands poètes français d'aujourd'hui ne « versifient » plus et
1 . Alexandre Blok, les Douze, traduction définitive de E. Sidersky. Dessins de Yu. Annen-
kov, Paris, « Au Sans Pareil », 1923.
2. Emmanuel Raïs et Jacques Robert, Anthologie de la poésie russe, Paris, 1947.
Rev. Êtud. slaves, Paris, LIV/4, 1982, p. 567-582. 568 G. NIV AT
s'emploient encore moins à versifier des traductions. Ajoutons à ces difficultés
générales celle que présente Blok en particulier : nul n'a trouvé l'équivalent français
du dol'nïk que Blok a « canonisé » en poésie russe. Comme conclut Fumet,
« la poésie française chante autrement. Elle doit, comme Paul Claudel ľa exposé
— et il le sait si bien qu'il a créé un vers prodigieux pour illustrer cette science —,
amener tout le train du verbe, plus ou moins légèrement, jusqu'à la dernière syllabe
de l'idée, sur laquelle enfin la voix appuie ». Autrement dit, la poésie française,
sourde à la romance depuis Verlaine et Apollinaire, se veut volontiers méta
physique...
Néanmoins, juste à la veille de la guerre mondiale, était parue une remarquable
Anthologie des poètes russes1 due au poète et traducteur Jean Chuzeville. Préfacée
par Valère Brioussov, elle était le fruit d'une certaine intimité intellectuelle établie
entre la Russie « symboliste » et la France de Remy de Gourmont, de René Ghil,
du Mercure de France. Le panorama que donne Chuzeville est riche et bien
représentatif de l'âge symboliste en Russie. Dans sa courte présentation de Blok,
Chuzeville insiste sur la simplicité du poète qui, selon lui, a eu le mérite de ne pas
se laisser entraîner « vers les idées purement spéculatives » . Il note que Blok n'a
presque pas subi d'influence française, hormis celle de Verlaine. Son genre favori,
nous dit-il, est la ballade et le lied. « Moins sensualiste que chez Kouzmine, avec
une nuance de douleur, dans la passion, moins crispée que Brioussov,
quelque chose du libre enthousiasme de Balmont, il me semble que c'est dans cette
poésie que la sensibilité moderne a trouvé sa plus parfaite interprétation. » Les
traductions de Chuzeville sont en vers réguliers, la plupart en décasyllabes. Elles
ont du charme, malgré leurs inexactitudes, mais certaines ressemblent un peu
trop à des pastiches de Musset ou de Gautier... Je citerai parmi les plus réussies
ľ« Inconnue » (Незнакомка) et « Venise » (Венеция).
Le livre de Chuzeville témoigne d'un degré d'intimité avec la poésie russe qu'on
ne retrouvera pas avant trois décennies au moins... Il est vrai que les échanges
culturels entre la France et la Russie ne seront restaurés que beaucoup plus
tard. La guerre de 1914 ne permit pas à l'ouvrage de Chuzeville de jouer son rôle
pleinement.
C'est par les Douze que Blok revint à l'attention du public français. La toute
première traduction française des Douze fut celle de Serge Romoff, parue à Paris
en 1920 aux éditions de « la Cible ». Romoff vivait à Paris depuis 1905. Il était
typographe, puis avait fondé une petite maison d'édition. En 1918, il crée une revue
d'inspiration socialiste (La Forgé) que patronnent Romain Rolland et Barbusse ;
en 1920, il fonde à Paris une « Union des artistes russes » qui est favorable au
nouveau régime soviétique et, en 1922, une petite revue en langue russe : Udar
(« Le Coup »). Jusqu'en 1928, date de son retour en U.R.S.S., Romoff a joué
à Paris un rôle d'animateur et d'organisateur des rapports culturels franco-sovié
tiques, organisant à l'automne 1922 le banquet en l'honneur de Maïakovski ou
encore créant avec Zdanievitch une troupe théâtrale. La traduction des Douze
qu'il fit paraître en 1920 inaugure en quelque sorte cette activité. Elle comporte
quelques ornements graphiques de Mikhaïl Larionov. Malheureusement, elle est
très faible, quasiment illisible aujourd'hui, et elle ne joua aucun rôle notable dans
la « réception » de Blok en France.
La traduction de Sidersky, qui date de 1923 et qui se veut «définitive»,
comporte, elle, quelques mauvaises reproductions des dessins d'Annenkoff pour
1 . Jean Chuzeville, Anthologie des poètes russes, Paris, 1914. BLOK EN FRANCE 569
l'édition russe de 1920. La traduction se distingue de celle de Romoff par un effort
pour agrémenter le texte de rimes à l'emporte-pièce. Il y a des réussites, mais
noyées dans des maladresses de style, des fautes de traduction, un usage abusif et
raté de l'argot.
Notons qu'à cette époque paraît, sans date, une édition en russe des Douze et
des Scythes publiée à Paris par une éphémère maison d'édition « Michel » . Elle
comporte quelques dessins de M. Larionov et N. Gontcharova. Le texte n'en est
pas sûr : c'est ainsi que l'éditeur a abusivement « corrigé » les incorrections de
style voulues par Blok {Елекстрический фонарик)...
La mort de Blok fut signalée dans Clarté par un article très lyrique de Pierre
Pascal, qui résidait alors à Moscou. Ici et là le nom de Blok apparaît soit en liaison
avec l'annonce de la mort du poète, soit en rapport avec une traduction des Douze.
La N.R.F. cite le nom de Blok en novembre 1921, en mai 1923, en février 1924.
En mai 1928, dans le volume XXX de cette même revue, paraît un extrait des
Derniers fours du régime impérial, extrait intitulé « l'abdication du tsar »* . La
traductrice est Hélène Izvolsky, fille du dernier ambassadeur tsariste à Paris. La
traduction int

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents