La sociologie et le développement, pluridisciplinarité ou spécificité ? - article ; n°90 ; vol.23, pg 245-256
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Description

Tiers-Monde - Année 1982 - Volume 23 - Numéro 90 - Pages 245-256
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Jacques Lombard
La sociologie et le développement, pluridisciplinarité ou
spécificité ?
In: Tiers-Monde. 1982, tome 23 n°90. pp. 245-256.
Citer ce document / Cite this document :
Lombard Jacques. La sociologie et le développement, pluridisciplinarité ou spécificité ?. In: Tiers-Monde. 1982, tome 23 n°90.
pp. 245-256.
doi : 10.3406/tiers.1982.4110
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1982_num_23_90_4110í. - THÉORIES, HISTOIRE, COURANTS
LA SOCIOLOGIE ET LE DÉVELOPPEMENT
PLURIDISCIPLINARITÉ OU SPÉCIFICITÉ?
par Jacques Lombard*
Quand André-Gunder Frank parlait il y a quinze ans de « sous-
développement de la sociologie, à propos de ce qu'H était convenu
d'appeler la « Sociologie du développement », il ne s'agissait pas pour lui
de faire le procès d'une discipline mais celui d'une théorie et d'une
méthode propre à la « nouvelle sociologie américaine » du développe
ment. Il aurait pu tout aussi bien s'interroger sur le rôle joué par notre
science tout entière, qui se révélait alors en face de ses voisines insuff
isamment développée et incertaine de sa vocation devant le vaste problème
qui se posait au monde : celui du développement de ses régions les plus
pauvres. Les choses n'ont guère changé depuis, elles se seraient plutôt
aggravées. Et l'on cherche toujours au milieu de ce déploiement considé
rable d'intelligence, de moyens financiers mis au service d'interventions
techniques et scientifiques quelle place revient à ces sciences qu'on a
qualifiées d'un nom qui ne semblait correspondre ni à leur nature parti
culière ni même à leur objet spécifique, mais à une finalité humanitaire
et à connotation morale, celle du développement.
La spécialité se détermine généralement par la nature de son champ
thématique d'investigation : on parle de sociologie rurale, de sociologie
urbaine, de sociologie du travail ou de l'éducation, à la rigueur par la
nature d'un champ géographique d'intervention, sociologique du Tiers
Monde, rarement par son projet.
Certains termes, lorsqu'ils sont passés dans le langage courant
n'étonnent plus, et pourtant Sociologie du développement pourrait avoir
toute la désuétude de la terminologie comtienne : sociologie de l'ordre
ou sociologie du progrès. Celle des finalités morales 1
* Université de Lille I.
Revue Tiers Monde, t. XXIII, n° 90, Avril-Juin 1982 246 JACQUES LOMBARD
Qu'est-il advenu de la sociologie triomphaliste durkheimienne, celle
des vocations impérialistes et des explications globales de la société ?
Quel rôle a joué le phénomène du développement dans cette perte à la
fois de statut et de spécificité qu'a connue la sociologie orientée vers le
Tiers Monde ?
I. LA SOCIOLOGIE PARMI D AUTRES
Le phénomène du développement a consacré en droit sinon toujours
en fait la réflexion et la pratique interdisciplinaires. Rarement, dans la
recherche sur terrain occidental, avait prévalu l'équipe à spécialités
multiples. Or, on se trouve pour la première fois devant un problème
d'une telle ampleur que s'impose la coopération de l'ensemble des
sciences sociales. Tous les auteurs vont souligner la nécessité d'une telle
collaboration : les anciens économistes, comme J. Freyssinet, qui insis
tent déjà sur cette multidisciplinarité. « Le phénomène du sous-dévelop
pement ne peut être analysé valablement que grâce à la coopération de
toutes les sciences sociales, économie, sociologie, démographie, anthro
pologie géographique et humaine, psychologie, etc. Aucune de ces sciences
ne peut apporter une explication totale »x; les géographes, comme
Y. Lacoste, qui écrivent aussi en 1965 que le sous-développement est
« un phénomène global qui ne peut être analysé valablement que grâce
à la coopération de toutes les sciences sociales »2; les politologues,
comme D. Apter, pour qui encore « le développement doit être abordé un domaine touchant à toutes les disciplines qui composent les
sciences sociales »3.
Près de vingt ans après, la nouvelle génération de chercheurs, et en
particulier ceux de l'école néo-marxiste anglo-saxonne, présentent un
projet d'études où le marxisme « réévalué » reste cependant toujours
théorie, histoire et « praxis », avec comme revendication essentielle celle
d'être la science pluridisciplinaire de la vie sociale. Dans ce projet en par
ticulier, sociologie et économie sont étroitement associées : il n'y a pas
de surplus économique sans classe sociale, ni classe sociale sans surplus.
Les analyses sont complémentaires, elles sont indissociables4. Il en
1. J. Freyssinet, Le concept du sous-développement, Paris, Mouton, 1966, p. 30.
2. Y. Lacoste, Géographie du Paris, puf, 1965.
3. D. Apter et S. S. Mushi, La science politique. Etude du développement, Revue inter
nationale des Sciences sociales, XXIV, 1972, p. 51.
4. A. Foster-Carter, Neo-marxist approaches to development and underdevelopment,
in de Kadt and G. Williams, Sociology and Development, Tavistock Publ., 3e éd., 1978. PLURIDISCIPLINARITÉ ET SPÉCIFICITÉ 247
résulte bien souvent un large chevauchement des limites traditionnelles
du champ d'investigation de chaque discipline. Chacune tend à camper
sur le domaine de l'autre : le sociologue s'approprie le phénomène écono
mique ou démographique et réciproquement, et cela au nom bien sou
vent d'une aconception globale de sa science. Ainsi R. Bastide écrit-il
dans Anthropologie appliquée : « La sociologie du développement mettra
l'accent... sur les changements économiques qui doivent entraîner les
changements de la structure sociale et, à travers eux, les changements
des mentalités » et il ne craint pas plus loin d'assigner comme tâche à
cette sociologie la définition « des critères du sous-développement, qui
sont d'ordre économique, démographique comme social », la mise en
évidence « des obstacles internes et structurels au développement éco
nomique, eux-mêmes également de tous ordres, enfin, parmi d'autres
objectifs, le rôle joué par les relations internationales dans la persistance
du sous-développement. Programme, comme on le voit, qui déborde
largement l'horizon habituel du sociologue, même le plus impérialiste5.
On trouverait de la même façon, sous la plume de l'économiste, une
approche aussi globale de l'objet, mais incorporée cette fois au domaine
de l'investigation économique.
2. LA SOCIOLOGIE APRES LES AUTRES
Plusieurs séries de conditions ont contribué à accroître cette inter-
pendance entre sciences sociales. Et dans bien des cas, elles ont même
placé la sociologie dans la dépendance des autres, en particulier de l'éc
onomie. Ces conditions sont à la fois historiques, politiques, méthodol
ogiques et pratiques.
a) Conditions historiques d'abord, et d'un double point de vue : celui
de l'histoire générale et celui de l'histoire des sciences.
Après les années 50 et les décolonisations, le problème du dévelop
pement va mobiliser les chercheurs autour du phénomène économique,
de l'explication du sous-développement et de la recherche des facteurs
de croissance. L'historien, le géographe, le sociologue du Tiers Monde
et naturellement l'anthropologue vont tous orienter leur réflexion à
partir du champ économique, et souvent en fonction d'une idéologie
commune. C'est vrai en particulier pour l'historien du Tiers Monde, qui
va privilégier beaucoup plus qu'auparavant les relations de dépendance
5. R. Bastide, Anthropologie appliquée, Paris, Payot, 1971, chap. 7. 248 JACQUES LOMBARD
économique dans le système colonial ou post-colonial. Quant au socio
logue, il se convertit en socio-économiste et c'est après i960 qu'on voit
apparaître en France la première école d'anthropologie économique.
Enfin, le géographe tropicaliste se mue en géographe du développement
et son langage se fait interdisciplinaire avec une forte coloration écono
mique6. Les thèmes de la production, de l'accumulation, de la circulation,
et dans une

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