La vérité selon Kant - article ; n°43 ; vol.11, pg 299-320
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Revue néo-scolastique - Année 1904 - Volume 11 - Numéro 43 - Pages 299-320
22 pages

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Publié le 01 janvier 1904
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Langue Français
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Extrait

Ch. Sentroul
La vérité selon Kant
In: Revue néo-scolastique. 11° année, N°43, 1904. pp. 299-320.
Citer ce document / Cite this document :
Sentroul Ch. La vérité selon Kant. In: Revue néo-scolastique. 11° année, N°43, 1904. pp. 299-320.
doi : 10.3406/phlou.1904.1844
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1904_num_11_43_1844XII.
LA*
VÉRITÉ SELON KANT.
analogue Pour Kant a celui le mot qu'il critique a en histoire. a, en philosophie, C'est l'art — un sciensens
tifiquement établi dans ses préceptes et dans ses résultats
— non de détruire mais de construire à coup sûr, non
d'abattre mais ■ d'élaguer, non de percer à jour mais de
dégager de leurs ajoutes parasites les grands systèmes
de pensées qui s'appellent les sciences. Kant fut savant
avant d'être philosophe, et dogmatique avant d'être « kan-
tiste » . La liste de ses ouvrages de la période antécritique
est longue. Ils ont pour objet des questions de physique,
de géologie, d'astronomie, de géographie, de physiologie,
d'ethnographie et de philosophie. Or Kant critique se
souvient toujours de Kant savant, et son dogmatisme ne
s'est déformé que pour avoir dépassé son but : se trans
former.
H déclare d'ailleurs expressément :
« La Critique de la Raison représente vraiment la voie moyenne
entre ce dogmatisme auquel Hume s'attaqua, et le scepticisme
qu'il voulait lui opposer ; voie moyenne bien différente de tant
d'autres, que Ton se décide à adopter en quelque sorte artificiell
ement, en suite de quelque partage des différences et faute de mieux,
mais telle qu'on peut la déterminer dans son tracé exact en vertu
de principes établis » ').
1) Kant, Prolegomena, §58. — Vaihinger dans son grand ouvrage encore
inachevé, Kommentar eu Kants Kritik der reinen Vernun/t, s'appuie longue
ment sur cette interprétation du kantisme. V. Specielle Einlntung, Dogmatismus,
Skepticismus wnd Kriticismus, pp. 23-70. 800 C. SENTROHL
Aux yeux de Kant donc il n'y a pas que sa philosophie
critique qui soit une science. En dehors d'elle et avant
elle, il existe d'autres systèmes de connaissance dignes de
ce nom. Ils sont sans doute, pour tout système explicatif
de la connaissance, présupposés à titre de données, comme
faits ; pour Kant, ils le sont encore comme faits légitimes.
Non seulement la science existe, mais il y a une science
vraie, et c'est elle qu'il s'agit d'expliquer.
C'est l'opinion encore, en dehors de Vaihinger, d'un
autre interprète du kantisme : « De son voyage à travers
les idées de son temps, dit M. Ruyssen, Kant rapporte
trois idées fondamentales qu'il n'abandonnera jamais. C'est
d'abord la croyance en la certitude de la science. Celle-ci
s'impose pratiquement comme un fait dont le philosophe
peut bien rechercher les conditions et déterminer la valeur,
mais qu'aucun scepticisme ne saurait ébranler... » l)
Et, de fait, les mots certain et certitude (gewiss, Zuver-
lâssigkeit), vérité et pure apparence (Wahrheit, lauter
Schein), valeur objective et évidence (objektive Giiltigkeit,
Evidenz) se rencontrent couramment dans la Kritik der
reinen Vernunft et dans les Prolegomena. Par exemple : les
propositions mathématiques sont à la fois synthétiques et
douées de valeur apodictique 2). Ailleurs il parle de la
certitude géométrique comme du type de la certitude 3).
Les sciences naturelles toutefois jouissent aussi de certitude.
Les jugements d'expérience notamment sont précisément
parmi les jugements empiriques ceux qui sont doués de
valeur objective.
Pour Kant donc la vérité n'est pas un vain mot ; ce n'est
pas non plus un de ces mots qui n'auraient de sens que
dans quelque doctrine adverse. Non, il fait partie de la
terminologie kantiste, et la chose même qu'il exprime n'est
pas en dehors de notre portée.
1) Ruyssen, Kant, p. 53.
2) Kant, Prolegomena, § 12.
3) Id., ibid., § 36. vérité selon kanT La
Mais remarquons que nous trouvons ici, en philosophie,
quelque chose de semblable à ce qui ne se rencontre
proprement qu'en musique, l'opération qui s'appelle trans
position. Les notions de vérité, de certitude, et autres, qui
se rencontrent chez Kant dans le ton subjedivisme sont la
transposition des notions courantes exprimées par les
mêmes mots dans le ton dogmatisme. De l'un à l'autre
système, les mêmes mots ne sont point synonymes mais
analogues.
Rappelons donc brièvement et pour fixer le débat, com
ment nous les entendons.
* * *
La vérité se définit couramment : adaequatio rei et iniel-
lectus, la conformité de l'intelligence avec la réalité. Cette
définition semble bien être juste, comme répondant évidem
ment à l'idée impliquée dans l'usage courant du mot, et ne
présentant d'ailleurs ni tautologie ni contradiction. La
vérité n'est pas une propriété de la chose seule, ou de la
pensée seule ; elle n'est pas formellement un attribut de la
relation de deux choses entre elles, ou de deux pensées
entre elles, mais elle qualifie la relation d'une chose avec
sa connaissance, exprimant que cette relation est une con
formité.
Cette définition usuelle de la vérité est donc juste.
Mais nous ajoutons : elle est malheureusement juste.
Car d'une part elle donne lieu directement à une inter
prétation obvie et simpliste qui ne tient pas devant un
examen quelque peu pénétrant ; et, d'autre part, une réac
tion, qui a pour origine le rejet même de cette interpré
tation, amène à dépouiller le mot vérité de toute acception
plausible, et à ne plus justifier d'aucune façcn la. définition
et l'acception usuelles.
En effet, la conception obvie de la vérité en fait une con
formité entre deux termes forcément isolés : d'une part une
chose qui existerait en elle-même, hors de nous ; d'autre part une connaissance qui ferait le pendant de cette chose
en nous, en se trouvant vis-à-vis d'elle dans le champ de
regard de l'intelligence. On n'aurait donc que les deux
termes d'une relation : la chose et la pensée, puis, ult
érieurement, conformité (ce serait la vérité)-, ou difformité
(ce serait l'erreur).
Cette conception de la vérité est oiseuse et absurde :
car il n'y a pas de conformité sans rapport, ni de rapport
sans mise en rapport, ni de mise en rapport entre la réalité
et la connaissance sans que l'une et l'autre se rencontrent
sur un même- terrain, sans donc que. la réalité apparaisse
dans le champ de regard intellectuel en confrontation avec
la connaissance. Ce qui ne peut se produire *que par le
bon office d'un substitut représentatif, la chose cessant
donc d'être chose-en-soi pour n'être plus que le revers
d'une autre connaissance, c'est-à-dire un nouvel objet de
connaissance. La vérité devient donc une conformité entre
deux connaissances, entre deux représentations dont l'une
est .le substitut de la réalité et dont l'autre contient ce que
je conçois de cette réalité. Or cette mise en rapport ne se
produit que dans le jugement, par la comparaison entre le
prédicat et le sujet. Au jugement seul donc peut appartenir
la vérité logique, thèse qui d'ailleurs se trouve en parfait
accord avec le sens commun.
On n'y aperçoit, à première vue, ni grand péril ni grand
inconvénient. N'est-ce pas, en effet, si évident ? Toutefois,
à y regarder de plus près, il semble bien que cette propos
ition, et l'interprétation qui fait corps avec elle, réduit à
néant toute vérité en la faisant d'ordre purement subjectif.
Il semble bien qu'elle ne sert qu'à accuser nettement une
antinomie qui vicierait radicalement toute la notion de la
vérité, et partant à donner lieu à des solutions divergentes,
à première vue aussi plausibles les unes que les autres dans
leur nécessaire insuffisance.
Cette antinomie a pour premier membre la définition '
LA VÉRITÉ SELON KANT âO3
même de la vérité : adaequaiio RET et intelleclus ; et pour
second membre la thèse qu'il n'y a de vérité logique que dans
le jugement. D'une part, une i

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