La vieillesse de Diderot - article ; n°1 ; vol.13, pg 9-30
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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1992 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 9-30
Franco Venturi : Diderot' s Old Age.
In the 1770s Diderot was convinced that France was corrupt and declining and he turned to Russia in the hope, encouraged by the legislative commission, of seeing his dream of liberty realised. But this hope was soon dashed and his last years were still haunted by the nightmare of despotism. His Essai sur Sénèque, behind the classical model, is a reaction against the revived danger of despotism in modern Europe, while Raynal's Histoire des deux Indes, inspired by Diderot, is mainly a reflection of the world in the 1770s. In particular, with Diderot's help, Raynal placed the American Revolution at the heart of his work; it became an example for all colonies and the sign of a profound change in the relations between the continents. Diderot was greatly affected by Raynal's condemnation, and in his defence of him, he called Raynal a new type of historian, of the type that inspires Brutuses.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Franco Venturi
Patricia Coppola
Sylviane Albertan-Coppola
La vieillesse de Diderot
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 13, 1992. pp. 9-30.
Abstract
Franco Venturi : Diderot' s Old Age.
In the 1770s Diderot was convinced that France was corrupt and declining and he turned to Russia in the hope, encouraged by
the legislative commission, of seeing his dream of liberty realised. But this hope was soon dashed and his last years were still
haunted by the nightmare of despotism. His Essai sur Sénèque, behind the classical model, is a reaction against the revived
danger of despotism in modern Europe, while Raynal's Histoire des deux Indes, inspired by Diderot, is mainly a reflection of the
world in the 1770s. In particular, with Diderot's help, Raynal placed the American Revolution at the heart of his work; it became
an example for all colonies and the sign of a profound change in the relations between the continents. Diderot was greatly
affected by Raynal's condemnation, and in his defence of him, he called Raynal a new type of historian, of the type that inspires
Brutuses.
Citer ce document / Cite this document :
Venturi Franco, Coppola Patricia, Albertan-Coppola Sylviane. La vieillesse de Diderot. In: Recherches sur Diderot et sur
l'Encyclopédie, numéro 13, 1992. pp. 9-30.
doi : 10.3406/rde.1992.1183
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1992_num_13_1_1183Franco VENTURI
La vieillesse de Diderot
désormais simultanément survivants atteint Voltaire son du se apogée monde et dire à Rousseau la véritablement au de crise tournant Y Encyclopédie de disparus, l'Ancien des actifs. années , il mais restait Régime. L'action peu soixante encore d'entre de Sa d'Holbach dernière et eux de soixante-dix, nombreux pouvaient œuvre avait
importante, La morale universelle, tellement admirée par Diderot, avait
vu le jour en 1776. D'Alembert, de plus en plus enfermé dans le monde
académique et scientifique, était loin désormais de ces lucides visions
politiques qui l'avaient conduit à écrire, vingt-cinq ans auparavant,
son Essai sur la société des gens de lettres et des grands. Helvétius était
mort depuis 1771 et son œuvre posthume De l'homme avait été publiée
en 1773.
Le chef de file des encyclopédistes, Diderot, était certes vivant et
actif, mais, pour lui aussi, la période finale de son existence révèle, à
l'observer de près, les difficiles élans et les freins pesants qui caractérisent
les Lumières à leur stade final1. Les années soixante-dix et le début
des années quatre-vingts (il mourut le 31 juillet 1784) virent naître sous
sa plume nombre de ses œuvres les plus vivantes et les plus importantes,
Jacques le fataliste, le Supplément au Voyage de Bougainville, Est-il
bon, est-il méchant? , de même que ses considérations philosophiques,
politiques et économiques passionnées, V Apologie de l'abbé Raynal, la
Réfutation d' Helvétius, les Observations sur le Nakaz, les Principes de
politique des souverains, pour ne citer que ses écrits les plus célèbres.
* Cet article est la traduction d'une partie du chapitre IV « Da Diderot a Mirabeau »
du livre de l'auteur, Settecento riformatore, Torino, Einaudi, 1984 (pp. 363-385). Nous
remercions F. Venturi et son éditeur de nous avoir autorisés à publier ces pages.
Diderot' s politics. A study of the évolution of Diderot' s 1. V. Anthony Strugnell,
political thought after the Encyclopédie, The Hague, Martinus Nijhoff, 1973. Textes,
commentaires et bibliographie dans Denis Diderot, Scritti politici, par Furio Diaz
Torino, Utet, 1967.
Recherches sur Diderot et sur Y Encyclopédie, 13. octobre 1992 FRANCO VENTURI 10
Et pourtant aucune des pages de ce trésor ne put être lue par ses
contemporains et il fallut attendre des dizaines, voire des centaines
d'années avant que celles-ci ne fussent publiées. Diderot écrivit pour
lui-même et pour une élite très restreinte de souverains et de privilégiés
européens, parfois capables, comme Catherine II, d'en apprécier la
valeur, mais certainement pas de s'en inspirer pour leur propre politique.
La pensée de Diderot était d'autant plus libre et hardie que son geste
d'offrir son œuvre à ceux qui n'étaient pas en mesure d'en faire leur
modèle était gratuit. Il poussa à l'extrême le paradoxe du philosophe et
du lettré dégagé de tout lien et de tout préjugé, détaché et éloigné du
monde et qui pourtant, en même temps, ne renonçait en rien à parler
des deux seules choses qui l'intéressaient vraiment, la religion et le
gouvernement, c'est-à-dire les idées et la société humaine. Ce n'était
pas renoncement de sa part, mais bien plutôt la volonté d'affirmer ses
propres idées dans une situation qui lui apparaissait de plus en plus
privée d'issue. C'était un élan vers un monde libre et heureux qui
jaillissait avec de plus en plus de vigueur dans une société qu'il sentait
en déclin, en décadence.
Même si ses paroles ne parvinrent à ses contemporains que mutilées,
affadies, ses gestes, ses attitudes ne pouvaient qu'attirer l'attention sur
le noyau de son paradoxe, en stimulant la discussion sur la valeur et sur
la fonction de la philosophie à l'âge du despotisme de Catherine II, de
la Révolution américaine et de la politique incertaine de la monarchie
française. Lui aussi était persuadé, comme tant d'autres écrivains et
penseurs de ces années-là, que la liberté était de plus en plus menacée
en Europe, que les régimes étaient en déclin, tandis que le pouvoir des
tyrannies continuait à s'accroître. Il cachait de moins en moins son
hostilité à l'égard de Frédéric II. Il affichait de plus en plus sa sympathie
pour la libre Angleterre, surtout pour des hommes tels que Wilkes, qui
tentaient de donner une nouvelle vigueur à la constitution britannique.
11 s'enthousiasmait pour les premiers pas de l'insurrection américaine.
Ces doutes et aspirations étaient devenus plus douloureux, à partir de
1770, en raison de la confrontation avec ce qui se passait en France, où les
anciennes institutions étaient incapables de tenir, sans que rien semblât
capable de les remplacer. Il espéra lui aussi un moment en Turgot et il
plaça ensuite sa confiance dans l'habileté et l'humanité de Necker, mais
ces espoirs et cette confiance ne valaient que sur un plan pratique,
quotidien, immédiat. Au fond de son âme, il était de plus en plus
persuadé que la France était corrompue, qu'elle désormais sur la
voie d'une irrésistible décadence. « II est une haute montagne, escarpée
d'un côté et terminée de l'autre par un précipice profond ; entre le côté
escarpé et le précipice il y a une plaine plus ou moins étendue. La nation
qui naît grimpe le côté escarpé. La nation formée se promène sur la
plaine. La nation qui déchoit suit la pente du précipice et la suit avec LA VIEILLESSE DE DIDEROT 11
une grande célérité ; nous y sommes»2. Nombreuses étaient les causes
d'un tel déclin : renversement de la politique de Choiseul, affaiblissement
des parlements, limitation de la liberté. Mais au-delà de ces contingences,
il y avait autre chose, que Diderot tenta de définir et de décrire, mais
qui finissait toujours par se présenter à ses yeux comme une réalité
massive, opaque que la raison et la volonté de réforme ne parvenaient
pas à saper, ni même à égratigner. Il régnait en France «une incroyable
inégalité de fortune entre des concitoyens». «Il s'y forme un centre
d'opulence réelle ; autour de ce centre d'opulence réelle il existe une
immense et vaste misère» (Mém., 145). Le mérite, l'éducation, les
vertus comptaient pour rien. «L'or mène à tout. L'or qui mène à tout
est devenu le dieu de la nation. Il n'y a qu'un vice, c'est la pauvreté. Il
n'y a qu'une vertu, c'est la richesse. Il faut être riche ou méprisé»
(Ibid.). La pénétration de l'or était profonde dans les réceptacles de la
nation, de la noblesse, des intellectuels. La corruption était profonde
et sans limites. Et pourtant la structure de la France était solide. Ni
l'invasion étrangère dont avait parlé Helvétius, ni la d&

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