Langage et fait social - article ; n°1 ; vol.1, pg 3-31
30 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Langage et fait social - article ; n°1 ; vol.1, pg 3-31

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
30 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langage et société - Année 1977 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 3-31
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 80
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Sylvia Ostrowetsky
Langage et fait social
In: Langage et société, n°1, 1977. Juillet 1977. pp. 3-31.
Citer ce document / Cite this document :
Ostrowetsky Sylvia. Langage et fait social. In: Langage et société, n°1, 1977. Juillet 1977. pp. 3-31.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1977_num_1_1_1033ET FAIT SOCIAL LANGAGE
Sylvia OSTROWETSKY
Université de Provence
Aix-en-Provence
I. L'ESPACE DU DISCOURS EST UN ESPACE SOCIAL
"L'acte de langage", comme la "modalité" introduisent à la descrip
tion d'un type de comportement qui n'est ni la communication, ni l'acte con
cret politique ou technique. Le langage n'est plus alors l'instrument d'un
échange, mais l'échange comme tel, il n'a plus pour finalité d'informer mais
il constitue l'information. Au seul moment de l'émission un espace se dessine,
un événement se produit qui n'est pas forcément conjonctuel ou individuel. Au
moment où l'on tente de développer ces quelques propositions Jimmy Carter et
Ford, à la télévision, devant dix millions de spectateurs font de leur joute
oratoire, de leurs manières, de leur "télégénie" au-delà de leur propos, au-
delà des élections, un acte non seulement théâtral (ce drôle de match a
lieu par surcroît dans un théâtre) mais politique. On est ainsi amené dans
ce type d'analyse à effectivement dépasser le contenu du message comme la f
inalité du médium.
On a en effet pris l'habitude, et peut-être est-ce dû aussi à une
facilité de langage, de penser le rapport Sa/Se, en termes de contenant et
de contenu, ou plus pragmatiquement encore de moyens et de fins. Les langa
ges semblent faits pour communiquer comme les tuyaux pour faire couler l'eau _ - 4
er il n'y a aucun rapport sémiotiquement parlant entre le tuyau et l'eau si
non un rapport fonctionnel et technique. Le langage n'est pas seulement un
tuyau quoiqu'il soit sans doute, comme le melon fait pour communiquer.
Ceci, qui peut paraître un truisme irritant a, selon nous, des con
séquences théoriques importantes. En effet, tant que le langage est défini
en termes fonctionnai istes de moyens ou en termes de contenant de l'informa
tion, le sociologue, plus centré sur l'approche des relations sociales peut
le considérer comme secondaire relativement à l'événement politique lui-même,
au fait social dont le langage nous informe. Ainsi secondarise-t-on toute
discursivité langagière comme substitution du fait réel, par le biais d'un
système appelé rapidement par le sociologue symbolique, c'est-à-dire entaché
de toute une opacité culturelle peu propice à l'analyse des relations socia
les ou des conflits de classe. Selon cette attitude il ne se passe pratique
ment plus rien dans la parole qui ne soit le reflet de la réalité d'une
part. La langue n'est qu'un système de mise en représentation du monde, le
médium de l'idéologie d'autre part.
Critiquer l'analyse persistante du langage dans une forme aussi clas
sique devient une tâche essentielle si on veut introduire le langage comme
acte social à part entière.
Il faut, du moins est-ce notre projet, alors prendre non plus certai
nes tournures, verbes ou temps particulièrement clairs pour l'analyse (ver
sant purement linguistique) mais envisager toute Expression comme un acte
d'affirmation, une exhibition d'existence, de l'être. Ce genre de comportement
social tout à fait particulier par rapport à l'analyse classique n'a guère de
statut sociologique. En sociologie, non seulement la langue, mais le tout du
langage est réduit au rôle et à la fonction de véhicule abstrait. Et à l'in
verse tout ce qui est pris comme "véritable" fait social n'acquiert une s
ignification sociologique qu'au sein de situations et d'actions concrètes et
effectives.
Ainsi le suicide est devenu un exemple classique en sociologie. On le
comprend comme un comportement relatif à l'environnement social, à l'isolement,
au sexe, à la religion ... Il est reconnu comme fait relevant du champ socio
logique parce qu'on a pu montrer l'imbrication de cet acte éminement individuel — — 5
à son contexte social ... A un autre niveau, une révolution est une action
sociale parce qu'elle instaure un nouveau rapport de forces au sein d'une
société. Sa signification est indépendante du contenu affirmé des acteurs
sociaux. Or, il existe tout un ensemble d'actes ; actes de langage au sens
strictement linguistique du terme, qui ne relèvent d'aucune remise en ques
tion apparente du pouvoir daucun effet concret sur l'économie ou la politique,
pas plus qu'ils ne sont une information sur la science, l'idéologie ou la
philosophie. Pour rependre l'exemple du suicide, il peut être analysé comme
nous venons d'y faire allusion, dans ses raisons. Mais aussi comme une per
formance sociale particulière, celle paradoxalement sans doute de manifester,
en y mettant fin, sa détresse individuelle ou sociale, comme volonté de (ne
plus) vivre, une insistance, une affirmation de soi, une pulsion de mort ...
Du ressort de la psychanalyse ou de l'économie dans son occasion, de l'ethno
logie peut être dans sa forme (suicide par le feu ...) mais de la sociologie
dans son acte même. Le suicide a une cause sociale, il ne s'agit pas de re
mettre en question le fondement théorique de l'analyse durkheimienne, mais il
est plus qu'un indicateur, plus qu'une information, plus qu'une conséquence
de l'isolement ou des méfaits de la crise économique et du chômage, il est
une manifestation au même titre, quoique plus restreint, qu'un déplacement
massif sur une grande avenue parisienne.
On a tendance, à l'instar des objets techniques, à penser les actes
sociaux en termes d'efficacité. Un groupe, se reconnaissant comme tel, agit
réactionnel lement à une situation au nom d'un objectif, plus ou moins univer-
saliste, une société oriente ses actions au sein d'un modèle culturel défi
ni ... La sociologie n'est plus qu'une sociologie politique au sens le plus
strict et le plus réducteur du terme. On le répète, il existe des comportements
en apparence ambiguës, sans finalité précise au plan du réel, et qui pourtant
paraissent indispensables à l'émergence d'une identité sociale ... apparition
d'un domaine nouveau de la sensibilité sociologique ...
Ces faits sont localisés au sein de différents discours sociaux, ar
tistiques, vestimentaires, spatiaux, mais aussi relationnels. Ce lieu inter
médiaire entre la pure idéalité informative et la stricte matérialité de la
chose sociale est régi par des règles reconnaissables au sein du discours,
ainsi que d'autres systèmes sémiotiques. Son repérage pourrait peut-être,
être appréhendé dans un premier temps en tant que changement ou transormation
au sein du système même et mobilisant par là plus l'Expression que le Contenu ; - - 6
les cheveux longs (car la longueur n'a pas de sens en soi) ou le "manifeste
surréaliste" sont d'abord des affirmations formelles contre la loi du père
ou la bêtise guerrière de la guerre 14-18. Tout paratt dans cette singulari
té récuser une analyse sociologique soit au profit de la psychologie, soit
du culturalisme. Là surgit, pensons-nous, dans cette même singularité, une
véritable historicité, si l'on veut bien dépasser une sociologie des groupes
sociaux.
On répondra, sans doute, qu'à vouloir donner une telle extension à
l'acte de langage, il risque de perdre tout intérêt au plan de l'analyse
linguistique, où il s'agit plus peut-être de mesurer la capacité perfomatrice
d'une langue. Mais il nous semble au contraire qu'à l'étendre à tout le dis
cours ainsi qu'à d'autres systèmes sémiotiques, on peut, à condition de pro
céder à des découpages appropriés, établir de la même façon des correspondanc
es non équivoques entre l'Expression et son Contenu "i 1 locutionnaire" . un peut
parler dès lors peut-être de "modalités discursives".
Le problème ici n'est pas de suivre pas à pas les analyses des philo
sophes anglais quant aux règles de 1 ' "il locution" mais de mesurer le champ
ouvert par le langage de l'action. Nous voudrions

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents