Langage et perception. La dénomination des couleurs chez les Nyangatom du Sud-Ouest éthiopien - article ; n°4 ; vol.13, pg 66-94
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Langage et perception. La dénomination des couleurs chez les Nyangatom du Sud-Ouest éthiopien - article ; n°4 ; vol.13, pg 66-94

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Description

L'Homme - Année 1973 - Volume 13 - Numéro 4 - Pages 66-94
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Serge Tornay
Langage et perception. La dénomination des couleurs chez les
Nyangatom du Sud-Ouest éthiopien
In: L'Homme, 1973, tome 13 n°4. pp. 66-94.
Citer ce document / Cite this document :
Tornay Serge. Langage et perception. La dénomination des couleurs chez les Nyangatom du Sud-Ouest éthiopien. In:
L'Homme, 1973, tome 13 n°4. pp. 66-94.
doi : 10.3406/hom.1973.367381
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1973_num_13_4_367381LANGAGE ET PERCEPTION
La dénomination des couleurs chez les Nyangatom
du Sud-Ouest éthiopien
Par
SERGE TORNAY
Depuis une vingtaine d'années on voit se multiplier les recherches ethnolo
giques sur les termes de couleur. Ces contributions s'inscrivent dans un cadre
élargi par l'ethnoscience, la linguistique et la psychologie expérimentale. Face
aux nouvelles interrogations sur la nature du langage et de l'activité cognitive,
l'ethnologue se doit de perfectionner l'analyse de ses matériaux. Le présent
article traduit cet effort méthodologique tout en contribuant à l'ethnographie d'un
peuple nilotique, les Nyangatom, situés aux confins du Soudan et de l'Ethiopie
méridionale1.
Trois lignes de recherche se dégagent des travaux des deux dernières décennies :
a) y a-t-il un lien entre la couleur comme fait de perception et la couleur
comme fait de langage ? (Ray, Brown, Roberts, Lenneberg, Landar,
Erwin, Horowitz) ;
b) la couleur et sa dénomination : un problème d'ethnoscience. Les contraintes
culturelles l'emportent sur les contraintes spécifiques (Conklin, McNeill) ;
c) la dénomination des couleurs peut s'expliquer dans le cadre d'une hypo
thèse générale évolutionniste (Berlin, Kay, Hays et al.).
Les deux premières lignes de recherche, les seules qui seront suivies dans
cet article, me paraissent complémentaires. En effet, toute réponse à la première
interrogation est utile pour qui veut poursuivre l'étude sous l'angle de l'ethno
science. Je pense pouvoir démontrer, à propos de la nomenclature nyangatom
des couleurs, que les faits de perception exercent des contraintes précises sur la
i. Les matériaux de cet article ont été recueillis au cours de trois séjours d'étude (juillet-
août 1970, 1971 et 1972) réalisés dans le cadre de la Mission française de l'Omo dirigée par
Y. Coppens (mission CNRS avec, en 1970, une aide de la Wenner-Gren Foundation for
Anthropological Research). En 1972, l'auteur a obtenu un subside du Laboratoire 140,
Nanterre. Cette recherche n'aurait pu être menée à bien sans la collaboration de Marie-
Martine Tornay, et de M. Georges Dupont du Service de Recherche Couleur de l'ORTF qui
a dirigé l'analyse spectrophotométrique des échantillons de couleurs, relu et critiqué une
première version de ce texte, et m'a enseigné les connaissances élémentaires relatives à la
couleur. LANGAGE ET PERCEPTION 67
dénomination, non seulement dans un cadre expérimental, et en l'occurrence
extra-culturel, mais encore au sein de la culture vécue. Une meilleure connaissance
des contraintes — universelles — de la perception permet de mieux mesurer
le rôle de la culture dans la dénomination des couleurs.
(1) Perception et dénomination
L'étude empirique de la dénomination trouve, dans le cas des couleurs, un
terrain d'une grande importance stratégique. En effet, les couleurs, au moins
à un premier niveau d'analyse, font partie de ce que Lenneberg et ses collabo
rateurs ont appelé « le langage de l'expérience w1 : l'objet primairement dénoté
est identifiable expérimentalement au sein d'un champ de perception que les
mots découpent. Diverses questions peuvent alors se poser :
i° Le découpage est-il influencé, et dans quelle mesure, par les caractéristiques
psychophysiques de la couleur, ou bien est-il arbitraire ?
2° Comment la dénomination des couleurs varie-t-elle d'une langue à l'autre ?
30 La dénomination est-elle capable d'influencer le comportement cognitif, par
exemple dans des tâches de reconnaissance des couleurs ?
Je m'en tiendrai à la première interrogation, réservant les matériaux comparatifs
pour des publications ultérieures. Quant à la troisième question, elle a été traitée
par Lenneberg : ce sont les recherches sur la codabilité, dont on trouvera un résumé
chez cet auteur (1967 : 346-357).
Le problème traité ici peut donc s'énoncer en ces termes : peut-on découvrir
un lien quelconque entre des mots, en l'occurrence les noms de couleur des Nyan-
gatom, et les caractéristiques psychophysiques de leurs referents ? On ne peut
chercher de réponse à cette question que sur la base de données empiriques
correctement traitées. La présente recherche met en œuvre les éléments suivants :
— ■ un choix de stimuli colorés ;
— la définition des caractéristiques chromatiques de ces stimuli ;
— un ensemble de données de terrain sur les dénominations de ces couleurs ;
— la mise en relation des noms de couleur et du champ chromatique défini par
les stimuli.
(1.1) Du choix des stimuli
Dans le cadre qu'on vient de définir, on attend simplement des stimuli qu'ils
soient analysables et qu'ils représentent les principales nuances du spectre.
1. Lenneberg & Roberts 1956 : 7. Les auteurs citent comme faisant partie du « langage
de l'expérience » les mots qui désignent « la sensation de température, l'humidité, la lumière ».
Lenneberg ajoute en 1967 le goût et l'audition (p. 337). Assez prudemment, il ne cite pas
les odeurs, dont l'étude est peu avancée au plan physiologique et quasi inexistante en
ethnologie. SERGE TORNAY 68
On a choisi des échantillons artificiels de papier par pure raison de commodité :
il est plus facile d'en préparer une gamme relativement complète que si l'on
utilise dans ce but des matériaux indigènes. Par ailleurs, certains de ces derniers
sont difficilement identifiables scientifiquement (par exemple, les robes des
zébus). Enfin, la plupart des objections que Ton fait à l'usage de matériaux
artificiels ne sont pas valables dans le contexte de cette recherche. Car de deux
choses l'une : ou bien, comme le rapporte Conklin pour les Hanunôo (1955 : 340),
les réponses des sujets sont incohérentes et contradictoires, et dans ce cas l'étude
de la dénomination ne peut se poursuivre sur ces bases ; ou bien, comme c'est
le cas chez les Nyangatom et dans d'autres ethnies de l'Afrique orientale, on
obtient des réponses dont la stabilité est l'indice empirique du fait que l'épreuve
de dénomination est pertinente sur la base du matériel choisi. En outre, au début
d'une recherche ethnographique, les connaissances linguistiques sont le plus
souvent insuffisantes pour permettre la découverte des noms de couleur à partir
de situations vécues. Landar, Erwin et Horowitz ont insisté sur l'avantage
qu'offrent les stimuli artificiels pour la découverte rapide et sûre des noms de
couleur (i960 : 379). Sans doute ne peut-on conclure dans ces conditions à l'exhaus-
tivité de l'inventaire des expressions ayant trait à la couleur, mais les termes
simples1 obtenus de façon récurrente dans l'expérience présentent deux caracté
ristiques intéressantes : on est certain, d'une part, qu'ils se rapportent à la couleur
de façon fondamentale ; d'autre part, étant donné la distribution spectrale de
l'échantillon et le rapport du nombre de stimuli au nombre de termes distincts
obtenus, il est peu probable qu'on découvre d'autres termes du même type en
multipliant le nombre des stimuli artificiels. Le matériel choisi pour cette enquête
consiste en deux échantillons de papier gouache (décrits en Annexe, infra, p. 91).
Le premier, de 28 couleurs, fut utilisé en 1970 et 1971. En 1972, le recours au
second, de 51 couleurs, ne fit apparaître aucun nouveau terme simple de couleur.
(1.2) Caractéristiques chromatiques des stimuli
II est hors de propos de discuter ici les théories relatives à la perception et
à l'analyse des couleurs. Cependant un bref rappel me paraît utile : la défini
tion de la couleur et de ses trois paramètres ou dimensions. Devant le flottement
des définitions, il est sage de se référer aux normes de la Commission interna
tionale de l'Éclairage (CIE), dans son Vocabulaire de 1970 :
« Couleur (perçue) : aspect

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