Le cas d une sociologie aliénée, témoin et acteur d un changement social global - article ; n°1 ; vol.22, pg 123-140
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Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1991 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 123-140
The case of an alienated sociology as a witness and a agent of macro-social change
The main task of this article is to evaluate to what extent and under what conditions a critically oriented sociology (with respectable traditions) is able to fulfil a function of diagnosing, designing, suggesting and monitoring social changes on the macro-social- level. The answer — based on the case of Polish sociology — is sceptical, if not negative.
Firstly, Polish sociology has recently lost its leading place in Central/Eastern Europe, and in consequence is no longer able to provide the master-frame of reference for sociologists from other Eastern-European countries. Secondly, Polish sociology has been unable to develop a comprehensive theory of social changes which have taken part in Eastern Europe.
Thirdly, Polish sociology has developed a specific type of approach to social sciences. On the one hand, this approach generated of an instrumental type of scholar, who does not care about truth and who treats scientific inquiry as a means for accomplishing non-scholarly goals. On the other hand, there has emerged the type of a spectacular scholar who uses his/her real, or fabricated, scholarly recognition to support certain political ideas (sometimes « dissident »), and who is also used by a political lobby as a political figurehead. Both forms are applied as self-promoting strategies.
Fourthly, Polish sociology has been unable to utilize the unique « historical and social laboratory » of Polish society to give an adequate diagnosis of that society. The resultant lack of a synthesis precludes Polish sociologists to formulate recommendations of social change on the macro-level.
Fifthly, those Polish sociologists who had been active in imposing Marxist dogmas on the Polish ' academia ' now play a leading role in the Polish democratic transformations.
L'auteur se demande dans quelle mesure et dans quelles conditions, une sociologie de type critique (et dans l'ensemble hautement respectable) est à même de remplir ses fonctions traditionnelles : diagnostiquer, concevoir, suggérer et superviser les changements sociaux au niveau macro-social. Pour répondre à ces questions, il se penche sur le cas de la sociologie polonaise et en tire des conclusions plutôt dubitatives.
Premièrement, la sociologie polonaise a récemment perdu sa place dominante en Europe centrale et orientale et ne peut donc plus servir de cadre indiscuté de référence aux sociologues des autres pays est-européens.
Deuxièmement, la sociologie polonaise a été incapable d'élaborer une théorie globale des transformations sociales qui se sont produites dans cette partie du monde.
Troisièmement, la sociologie polonaise a développé une approche très particulière des sciences sociales. D'une part, elle a engendré un type de chercheur dit instrumental, qui se moque de la vérité et se sert de sa profession comme d'un tremplin pour atteindre des buts qui n'ont rien à voir avec la recherche scientifique. D'autre part, on a vu émerger un type de chercheur dit spectaculaire, qui joue de sa renommée réelle ou supposée pour cautionner certaines idées politiques (parfois « dissidentes ») et sert de figure de proue à certains groupes de pression politique. Ces deux comportements ne sont, en définitive, que des stratégies d'auto-promotion.
Quatrièmement, la sociologie polonaise a eu la chance de disposer d'un « laboratoire historique et social » unique et a été incapable d'en tirer parti pour établir un diagnostic correct de la société. Cette absence de réflexion synthétique interdit aux sociologues polonais d'accompagner et d'orienter le changement macro-social.
Cinquièmement, les sociologues polonais, qui ont activement contribué à imposer les dogmes marxistes au monde académique de leur pays, jouent aujourd'hui un rôle de premier plan dans les transformations démocratiques de la Pologne.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Adam Podgorecki
Le cas d'une sociologie aliénée, témoin et acteur d'un
changement social global
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 22, 1991, N°1. pp. 123-140.
Citer ce document / Cite this document :
Podgorecki Adam. Le cas d'une sociologie aliénée, témoin et acteur d'un changement social global. In: Revue d’études
comparatives Est-Ouest. Volume 22, 1991, N°1. pp. 123-140.
doi : 10.3406/receo.1991.1492
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1991_num_22_1_1492Abstract
The case of an alienated sociology as a witness and a agent of macro-social change
The main task of this article is to evaluate to what extent and under what conditions a critically oriented
sociology (with respectable traditions) is able to fulfil a function of diagnosing, designing, suggesting and
monitoring social changes on the macro-social- level. The answer — based on the case of Polish
sociology — is sceptical, if not negative.
Firstly, Polish sociology has recently lost its leading place in Central/Eastern Europe, and in
consequence is no longer able to provide the master-frame of reference for sociologists from other
Eastern-European countries. Secondly, Polish sociology has been unable to develop a comprehensive
theory of social changes which have taken part in Eastern Europe.
Thirdly, Polish sociology has developed a specific type of approach to social sciences. On the one
hand, this approach generated of an instrumental type of scholar, who does not care about truth and
who treats scientific inquiry as a means for accomplishing non-scholarly goals. On the other hand, there
has emerged the type of a spectacular scholar who uses his/her real, or fabricated, scholarly recognition
to support certain political ideas (sometimes « dissident »), and who is also used by a political lobby as
a political figurehead. Both forms are applied as self-promoting strategies.
Fourthly, Polish sociology has been unable to utilize the unique « historical and social laboratory » of
Polish society to give an adequate diagnosis of that society. The resultant lack of a synthesis precludes
Polish sociologists to formulate recommendations of social change on the macro-level.
Fifthly, those Polish sociologists who had been active in imposing Marxist dogmas on the Polish '
academia ' now play a leading role in the Polish democratic transformations.
Résumé
L'auteur se demande dans quelle mesure et dans quelles conditions, une sociologie de type critique (et
dans l'ensemble hautement respectable) est à même de remplir ses fonctions traditionnelles :
diagnostiquer, concevoir, suggérer et superviser les changements sociaux au niveau macro-social.
Pour répondre à ces questions, il se penche sur le cas de la sociologie polonaise et en tire des
conclusions plutôt dubitatives.
Premièrement, la sociologie polonaise a récemment perdu sa place dominante en Europe centrale et
orientale et ne peut donc plus servir de cadre indiscuté de référence aux sociologues des autres pays
est-européens.
Deuxièmement, la sociologie polonaise a été incapable d'élaborer une théorie globale des
transformations sociales qui se sont produites dans cette partie du monde.
Troisièmement, la sociologie polonaise a développé une approche très particulière des sciences
sociales. D'une part, elle a engendré un type de chercheur dit instrumental, qui se moque de la vérité et
se sert de sa profession comme d'un tremplin pour atteindre des buts qui n'ont rien à voir avec la
recherche scientifique. D'autre part, on a vu émerger un type de chercheur dit spectaculaire, qui joue de
sa renommée réelle ou supposée pour cautionner certaines idées politiques (parfois « dissidentes ») et
sert de figure de proue à certains groupes de pression politique. Ces deux comportements ne sont, en
définitive, que des stratégies d'auto-promotion.
Quatrièmement, la sociologie polonaise a eu la chance de disposer d'un « laboratoire historique et
social » unique et a été incapable d'en tirer parti pour établir un diagnostic correct de la société. Cette
absence de réflexion synthétique interdit aux sociologues polonais d'accompagner et d'orienter le
changement macro-social.
Cinquièmement, les sociologues polonais, qui ont activement contribué à imposer les dogmes
marxistes au monde académique de leur pays, jouent aujourd'hui un rôle de premier plan dans les
transformations démocratiques de la Pologne.Le cas d'une sociologie aliénée,
témoin et acteur
d'un changement social global
Adam PODGORECKI*
Dans quelle mesure et à quelles conditions une sociologie critique
peut-elle jouer un rôle actif consistant à inspirer, préparer et contrôler les
changements sociaux à l'échelle de la société tout entière ? Telle est la
principale question à laquelle cet article entend répondre.
I. AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE
La sociologie polonaise, telle qu'elle s'est développée à la fin du
XIXe siècle et au début du XXe, était essentiellement fondée sur la pensée
spéculative allemande. Cette réalité ne lui était pas franchement préjudi
ciable étant donné le développement prodigieux de la sociologie germani
que classique (G. Simmel, F. Tonnies, M. Weber, L. von Wiese et d'autres).
En plus de cet héritage, la pensée sociologique polonaise se caractérisait
également par une nette tendance à s'opposer aux pouvoirs en place. Cette
orientation idéologique, partiellement forgée par plus d'un siècle et demi
de domination étrangère, a été renforcée par le legs de l'intelligentsia qui
a dominé la vie socio-politique polonaise. Dans la seconde moitié du
XIXe siècle et au début du XXe, l'intelligentsia était considérée comme une
couche sociale n'existant quasi exclusivement que dans les sociétés polo
naise et russe ' et vouée à l'amélioration des conditions socio-économiques
en vigueur dans chaque pays. Du fait de cette mission, la pensée sociologi-
* Professeur, Department of Sociology, Carleton University, Ottawa, Canada.
1. Gella, 1976 ainsi que Podgorecki and Los, 1979.
123 Adam Podgorecki
que polonaise contenait également des éléments empruntés aux concept
ions socio-démocrates (et, dans certains cas, marxistes)2.
Paradoxalement, une figure de proue des sciences sociales polonaises,
l'initiateur d'une pensée indépendante dans les domaines de la jurispru
dence, de la psychologie et de la sociologie et le titulaire de la première
chaire de sociologie en Pologne (1921), était pratiquement inconnue dans
son pays. Les idées originales de Léon Petrazycki étaient, pour l'époque
(après la première guerre mondiale et le retour à l'indépendance de la
Pologne), trop subtiles pour être appréciées à leur juste valeur par les
milieux académiques polonais qui venaient de renaître. Petrazycki
(1867-1931) écrivait et enseignait à Berlin, Saint-Pétersbourg et Varsovie et
ses principaux travaux ont été publiés en allemand, russe et polonais. Il
obtint la première chaire de sociologie dans des circonstances tragi-comi
ques. Considéré comme une autorité mondiale en matière de jurispru
dence, il aurait dû être nommé à une chaire de théorie du droit. Mais,
comme celle-ci était occupée à Varsovie par un doyen assez médiocre mais
disposant d'appuis influents, Petrazycki a été « exilé » et chargé de cette
branche nouvelle des sciences sociales qu'était la sociologie3.
Avant la première guerre mondiale, et notamment durant l'entre-deux-
guerres, deux autres personnalités éminentes de la sociologie polonaise,
Znaniecki (1882-1958) et Malinowski (1884-1942) se sont consacrées au
développement de la sociologie et de l'anthropologie. Travaillant essentie
llement à l'étranger, elles n'étaient guère en mesure de contribuer de
manière significative au versant empirique de la sociologie polonaise.
Bref, on peut dire que la sociologie polonaise se caractérisait, avant la
seconde guerre mondiale, par une approche spéculative et abstraite de
problèmes épistémologiques ; par de rares enquêtes sur les réalités concrèt
es de la vie sociale polonaise ; par une politisation la poussant à attaquer
ou à défier les pouvoirs en place et, enfin, par une inaptitude manifeste à
analyser la société dans son ensemble. À l'exception de quelques grands
noms tels Petrazycki, Znaniecki et Malinowski, les sociologues po

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