Le chaînon manquant. Le « professionnalisme » et le public - article ; n°1 ; vol.1, pg 689-713
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Description

Sociologie de la communication - Année 1997 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 689-713
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Philip Schlesinger
Edith Zeitlin
Le chaînon manquant. Le « professionnalisme » et le public
In: Sociologie de la communication, 1997, volume 1 n°1. pp. 689-713.
Citer ce document / Cite this document :
Schlesinger Philip, Zeitlin Edith. Le chaînon manquant. Le « professionnalisme » et le public. In: Sociologie de la
communication, 1997, volume 1 n°1. pp. 689-713.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_004357302_1997_mon_1_1_3864LE CHAÎNON MANQUANT
Le « professionnalisme » et le public
Philip SCHLESINGER
« Pas la peine de se faire des illusions : à chaque fois, il faut montrer la carte.
La plupart des gens ne savent même pas où se trouve Beyrouth.
- Tu parles ! Ils doivent croire que c'est un légume. »
(Morceau de conversation intercepté dans la salle de réception de
la Télévision.)
© Auteur pour la v.o.
© Réseaux Reader CNET - 1997 pour la v.f.
689 — relation clé : celle du journaliste de la Bri
tish Broadcasting Corporation (BBC) avec
son public.
La sociologie des médias compte déjà
un nombre considérable de travaux s 'inté
ressant aux rapports émetteurs-récepteurs.
Dans le domaine de la communication de
masse, l'interrogation porte généralement
sur la séparation structurelle et sur la dis
tance sociale qui en découle entre l'émet
teur de messages et ceux qui, en appa
rence, recueillent ces messages (2). Les
recherches sont souvent orientées à partir
de cette question : « Par quel biais les
émetteurs de communications publiques
peuvent-ils prendre en compte les besoins,
les goûts et les désirs de leur public, alors
que celui-ci est relativement inconnu ? »
Les sociologues ont souvent cru sentir
Dans l'existence d'un « problème » à l'intérieur ce texte, je n'apporte, hélas,
aucun élément nouveau concernant des unités de production culturelle destinées
le passage du primate à l'homme. aux masses. McQuail, par exemple, pose
L'expression « chaînon manquant » se comme une évidence le « besoin » des
réfère ici au fossé structurel qui existe émetteurs de communications publiques
entre les producteurs et les consommateurs d'établir des relations avec leurs destinat
d'informations. Elle est un raccourci des aires. Il laisse entendre que, de cette att
thèses qui vont être développées : la pro itude, émanent divers types d'adaptations
duction des émissions d'information se organisationnelles auxquelles il donne les
conforme à des modèles routiniers ; la étiquettes de paternalisme, spécialisation,
structure organisationnelle de cette pro professionnalisme réel et ritualisme (3).
duction, parce qu'elle est dépourvue de Alors que sa thèse concernant ce besoin
points de contact efficaces avec le public qu'éprouverait l'émetteur de communicat
auquel sont destinées les informations, ion de masse d'entrer en contact avec son
favorise ce train-train ; et, par conséquent, public est incontestablement sujette à cau
parler de communications qui tiendraient tion, sa mise en évidence de l'élaboration
compte des besoins réels de ce public n'a interne, sous couvert de compétence « pro
pas de sens. fessionnelle », de routines de production,
La production des informations audiovi est certainement judicieuse. Les témoi
suelles subit des contraintes de temps qui gnages qu'apportent l'étude d'Elliott sur la
poussent à l'utilisation de formules toutes production des documentaires et celle de
prêtes. Mais aussi, Burns Га pertinemment Tracey sur la télévision politique confir
souligné, les journalistes partagent avec ment totalement cette réalité, de même que
d'autres employés des médias le privilège les observations qui suivent (4). Ces études
d'habiter une tour d'ivoire (1). Nous allons montrent, par contre, de façon parfaitement
explorer la nature de cette tour en portant concluante que le « problème » des destinat
spécifiquement notre attention sur une aires n'est pas perçu comme urgent par les
1) BURNS, 1969.
(2) WRIGHT, 1959 ; MAC QUAIL, 1969. Pour une analyse des relations producteur/consommateur, et en parti
culier de la notion de « professionnalisme », voir JOHNSON, 1972.
(3) MAC QUAIL, 1969.
(4) ELLIOTT, 1972 ; TRACEY, 1975. émetteurs. Je vous défie de trouver quel bible de l'hypocrisie ». « Les rédacteurs
qu'un en train d'errer, en proie à une Angst n'ont qu'une idée en tête : que vont en
(5) existentielle, parce qu'il se demande si, penser les autres journalistes ? De toutes
oui ou non, il « communique ». Vous verrez façons, les sujets sont écrits pour le direc
plutôt des gens profondément obsédés par teur de l'information, pas pour le public. »
la présentation des émissions et sensibles II est clair que l'émetteur de communic
aux évaluations comparatives avec les pro ation de masse dépend tellement de son
duits des autres. environnement, qui l'oriente et donne un
L'étude des médias a permis de remar sens à son activité, qu'il est entraîné à
quer que les sources de références des pr prendre du recul par rapport aux opinions
oducteurs étaient fréquemment leurs défendues par de simples particuliers et,
milieux organisationnels et professionnels. même, à les mépriser. Les simples citoyens
Dans le domaine des informations particu qui prennent contact avec lui au sujet de
lièrement, il est évident que ces milieux ses émissions sont perçus comme des
sont d'une importance bien plus considé « excentriques » ou des « maniaques »
rable que la masse des auditeurs. Simplif (8) ; comme le veut la conviction appa
remment généralisée : « La majeure partie iant à l'extrême, on peut dire que les jour
nalistes écrivent pour les autres des réactions du public provient d'excent
journalistes, pour leurs patrons, pour leurs riques, d'instables, d'hystériques ou de
sources d'informations ou pour des publics malades. » (9)
hautement concernés (6). Le public « dans Dans leur ensemble, les études menées
sa masse » reste par contre une abstraction dans la sphère de la production audiovis
qui ne prend quelque réalité qu'à l'occa uelle dessinent l'image d'un émetteur de
sion de lettres ou d'appels téléphoniques et communication de masse peu disposé à
de rencontres dans des lieux publics, soit recevoir le feed-back des récepteurs. Cette
entièrement dues au hasard, soit plus habi attitude est dictée par les caractéristiques de
tuelles comme les conversations avec les son travail, lourdement dépendant de ses
garçons d'ascenseur, les barmen et les connaissances professionnelles et de l'appui
chauffeurs de taxi. compétent de l'organisation qui l'emploie.
Le News Guide de la BBC ne méconnaît
pas entièrement ce manque de relation Le « professionnalisme »
avec le public et exprime des vœux pieux et le monde du dehors
pour que l'on ne s'écarte pas des traditions
du service public : « Nous devons prendre En l'absence de rétroaction à court
garde de ne pas devenir esclaves de chan terme, les journalistes se fondent, pour
gements de mode arbitraires et de ne pas exercer leur métier, sur le « professionna
nous transformer en un cénacle confor lisme ». Nous allons examiner le rôle de
table, tellement absorbé par sa propre celui-ci et voir comment il est utilisé pour
garantir une certaine autonomie. Il comptechnique qu 'il oublie de se poser la ques
tion : que pensent nos auditeurs ? Jamais orte un impératif étonnant qui est l'im
mersion dans ce que Philip Elliott a appelé nos contributions aux émissions ne devront
la « culture médiatique ». Les journalistes se réduire a : un journaliste prend la
doivent « suivre ce qui se passe », c'est-à- parole pour s'adresser a d'autres journal
istes. » (7). Un journaliste, d'accord avec dire regarder la télévision, écouter la radio
la thèse que nous défendons ici, observait et lire les journaux. A un certain niveau,
que ce passage du News Guide était « la cette exigence structure les « méthodes de
(5) En allemand dans le texte, « angoisse » (NDT).
(6) BREED, 1955 ; GIEBER, 1960 et 1964 ; GIEBER et JOHNSON, 1961 ; JUDD, 1961 ; TUNSTALL, 1971 .
(7) News Guide, 1977, p. 77.
(8) GANS, 1970 ; CANTOR

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