Le concept de dangerosité et un de ses éléments constitutifs : la personnalité (criminelle) - article ; n°4 ; vol.1, pg 363-387

Chr. Debuyst

Description

Déviance et société - Année 1977 - Volume 1 - Numéro 4 - Pages 363-387
Le concept de personnalité, et a posteriori, celui de personnalité criminelle, est un construit, ou une élaboration faite afin d'avoir prise sur le réel. Le caractère unidimensionnel des traits sur lesquels il repose (les traits de personnalité) aboutit à voiler le jeu d'un certain nombre de variables pourtant essentielles à la compréhension du sens d'un comportement, et à donner de celui-ci, dès lors, une vue déformante.
The concept of personality, and furthermore the concept of criminal personality, is a construct, an elaboration that aims at a grasp on reality. The unidimensional aspect of the features on which he is grounded (the characteristics of personality) conceal the interplay of certain variables. Those variables are yet essential to understand the meaning of a behavior and to avoid a distorted image of it.
Het concept persoonlijkheid en, a posteriori, dat van de crimi-nele persoonlijkheid, is een gedachte Konstruktie, of een bewerking, om grip te krijgen op de werkelijkheid. Het ééndimensionale kenwerk van de trekken, waarop deze berust (de trekken van de persoonlijkheid) leidt tot het versluieren van de werking van een aantal variabelen, die toch essentieel zijn voor het begrijpen van de zin van een gedrag, en geeft bijgevolg een misvormd beeld van dit gedrag.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: DEVIANCE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1977
• Nombre de lectures: 38
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Christian Debuyst
Le concept de dangerosité et un de ses éléments constitutifs : la
personnalité (criminelle)
In: Déviance et société. 1977 - Vol. 1 - N°4. pp. 363-387.
Résumé
Le concept de personnalité, et a posteriori, celui de personnalité criminelle, est un construit, ou une élaboration faite afin d'avoir
prise sur le réel. Le caractère unidimensionnel des traits sur lesquels il repose (les traits de personnalité) aboutit à voiler le jeu
d'un certain nombre de variables pourtant essentielles à la compréhension du sens d'un comportement, et à donner de celui-ci,
dès lors, une vue déformante.
Abstract
The concept of personality, and furthermore the concept of criminal personality, is a construct, an elaboration that aims at a grasp
on reality. The unidimensional aspect of the features on which he is grounded (the characteristics of personality) conceal the
interplay of certain variables. Those variables are yet essential to understand the meaning of a behavior and to avoid a distorted
image of it.
Het concept "persoonlijkheid" en, a posteriori, dat van de crimi-nele persoonlijkheid, is een gedachte Konstruktie, of een
bewerking, om grip te krijgen op de werkelijkheid. Het ééndimensionale kenwerk van de trekken, waarop deze berust (de trekken
van de persoonlijkheid) leidt tot het versluieren van de werking van een aantal variabelen, die toch essentieel zijn voor het
begrijpen van de zin van een gedrag, en geeft bijgevolg een misvormd beeld van dit gedrag.
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Debuyst Christian. Le concept de dangerosité et un de ses éléments constitutifs : la personnalité (criminelle). In: Déviance et
société. 1977 - Vol. 1 - N°4. pp. 363-387.
doi : 10.3406/ds.1977.958
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1977_num_1_4_958Déviance et Société. Genève, 1 977, vol. 1 , No 4, p. 363-387
LE CONCEPT DE DANGEROSITE
ET UN DE SES ELEMENTS CONSTITUTIFS:
LA PERSONNALITE (CRIMINELLE)
Chr. DEBUYST *
Comme la plupart des auteurs l'ont souligné, le concept de dange-
rosité s'est imposé en même temps que le positivisme italien dont la
prétention était de mener une étude scientifique de l'homme et de
l'acte délinquant. Un tel concept constituait en même temps ce à partir
de quoi il devenait possible de poser un diagnostic sur les traits d'une
personnalité, et d'autre part, au niveau des mesures à prendre, ce qui
pouvait représenter une alternative scientifiquement fondée aux dispo
sitions du droit pénal classique.
C'est effectivement autour d'un tel concept que la criminologie
s'est développée. Le terme lui-même était sans doute embarrassant du
fait qu'il traduisait d'une manière brutale le type de regard posé sur le
délinquant. Mais très tôt — on pourrait même dire dès l'origine — une
insistance était mise sur le fait que cette notion devait être prise dans
deux sens différents : d'une part le sens étymologique : le mal (ou,
traduit dans un langage juridique, les infractions) auquel on peut
s'attendre de la part de quelqu'un. Et d'autre part, dans une perspective
axée sur une "réformation" sociale de l'individu, son amendabilité ainsi
que, corrélativement, la possibilité de lui apporter une aide efficace.
A cette pluralité de sens s'ajoutait, dès le départ aussi, mais en
mineur et sans qu'aucune conclusion n'en soit tirée, un élargissement de
l'objet à investiger : non seulement la personnalité, mais aussi la situa
tion ou le milieu qui pouvait être considéré comme "dangereux".
On peut dire que le cours international de Paris, qui donna lieu en
1953 à un volumineux ouvrage intitulé L'état dangereux, traduit cette
perspective de la manière la plus complète et représente, à ce point de
vue, ce qu'était à l'époque l'état de la question.
Depuis lors, la situation s'est considérablement modifiée à la suite
de l'impact qu'ont pris dans ce domaine certains courants scientifiques :
les analyses interactionistes et, dans leur sillage, l'accent mis sur l'impor
tance de la réaction sociale dans l'élaboration de l'objet même de la
criminologie; les interprétations néo-marxistes, celles de Foucault et de
ses collaborateurs pour lesquels des lois pénales et leur
application prennent place dans un rapport de force entre groupes
r
* Université catholique de Louvain.
363 Ces divers apports ne permettent plus d'utiliser sans hésitation sociaux.
un certain nombre de termes qui antérieurement paraissaient dénués de
toute connotation politique.
Notre projet n'est cependant pas de situer la critique à ce niveau. Il
consiste plus exactement, en tenant compte de l'évolution des sciences
humaines, à réexaminer les éléments constitutifs du concept de dange-
rosité, qui nous semblent être au nombre de trois, c'est-à-dire, la notion
de personnalité criminelle, celle de situation dangereuse, à laquelle,
finalement, il importe d'ajouter la représentation qu'ont le public et les
garants de l'ordre de l'homme dangereux.
Dans le cadre de cet article, il était évidemment impossible d'envi
sager ces trois domaines. Nous nous contenterons d'aborder le premier.
Et encore, nous ne pourrons qu'envisager quelques problèmes qui
touchent à la seule notion de personnalité, la perspective choisie visant
évidemment à éclairer dans la suite celle de personnalité criminelle. Mais
cette dernière question ne pourra être qu'effleurée.
I.
Tout en ayant occupé une place privilégiée en psychologie, le
statut de ce concept de personnalité est à l'heure actuelle fort ambigu.
H importerait de décrire cette ambiguïté.
1. On remarquera d'abord que le terme de personnalité recouvre une
réalité difficile à préciser et qu'elle comporte au moins deux sens entre
lesquels s'opèrent fréquemment des glissements. Nous avons d'une part
la notion de personnalité (ou de personne) prise comme entité humaine
ayant un caractère unique et irremplaçable qu'il importe de pouvoir
atteindre dans une relation d'une certaine qualité, et d'autre part la
notion de personnalité considérée comme ensemble de caractéristiques
à partir desquelles un individu peut être identifié et son comportement
ultérieur faire l'objet d'une prédiction en fonction même de ces caracté
ristiques. Cette opposition est sans doute ambiguë car elle ne repose pas
clairement sur une distinction entre ce qui serait d'une part scientifique
et d'autre part philosophique. La différence réside bien davantage dans
le type de démarche : l'une prend plus nettement place dans une
problématique qui serait celle du lien, envisagé à la fois comme lieu
affectif et éthique, alors que l'autre nous réfère à l'élaboration d'un
outil de connaissance en vue de prévoir et d'avoir ainsi prise sur
l'environnement.
Si nous insistons sur cette distinction, c'est qu'il existe fréquem
ment un glissement de sens : mettre en cause le concept de personnalité
ne veut nullement dire que l'on néglige l'individu comme entité unique
et complexe, et même qu'on ne s'y réfère dans le cadre d'une pratique
364 clinique. Ce sont là deux niveaux d'appréhension qu'il importe de
distinguer.
2. Nous envisagerons le terme de personnalité dans son deuxième
sens, celui qu'il a pris en psychologie scientifique : une organisation
plus ou moins ferme de traits qui permet de prédire ce que va faire une
personne dans une situation donnée 1 ; c'est d'ailleurs dans cette orien
tation que l'on se situe lorsqu'on parle, en criminologie, de personnalité
criminelle.
Le terme ainsi défini fait l'objet d'une critique de plus en plus
précise au cours de ces dernières années. Après l'élaboration des grandes
typologies comme celles de Kretschmer, de Jung etc., qui datent
d'avant la guerre de 1940, après l'impressionnant déploiement des
elaborations scientifiques lié aux noms d'Allport, de Cattell, d'Eysenck
qui se situent principalement entre 1950 et 1965, un doute apparaît en
effet sur la validité de ces constructions et sur le jeu d'un certain
nombre de biais dont il n'a pas été suffisamment tenu compte. Ces