Le concept de science dans l Amérique du XIXe siècle - article ; n°3 ; vol.57, pg 753-772
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le concept de science dans l'Amérique du XIXe siècle - article ; n°3 ; vol.57, pg 753-772

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 753-772
The meaning of science in 19th-century America Historians of the United States assume that science in the 19th century meant, by default, the natural sciences, as it did in the 20th. As a result, they attribute deep changes in intellectual life to the growing importance of natural science. More careful reading shows that science before 1900 had a much broader reference, comprehending the human as well as the natural sciences. This redrawing of the epistemological map of 19th-century America puts in a different light such defining traits of post- 1900 intellectual life as the rise of the social sciences, the formation of research universities, and the origin of secular modernity itself.
James Turner Le concept de science dans l'Amérique du xixe siècle Les historiens des États-Unis présument que le mot « science », au XIXe siècle, signifiait, implicitement, les sciences naturelles, tout comme au XXe siècle. Il en résulte qu'ils attribuent les changements profonds dans la vie intellectuelle à l'importance grandissante des sciences naturelles. Une lecture plus attentive montre que « science », avant 1900, avait un sens plus large, comprenant les sciences humaines tout autant que les sciences naturelles. Cette reconsidération de la carte épistémologique de l'Amérique du XIXe siècle apporte un éclairage nouveau sur les traits déterminants de la vie intellectuelle des années post- 1900, tels que l'essor des sciences sociales, la formation des universités consacrées à la recherche et l'origine de la modernité séculaire elle-même.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

James Turner
Le concept de science dans l'Amérique du XIXe siècle
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 3, 2002. pp. 753-772.
Résumé
Les historiens des États-Unis présument que le mot « science », au XIXe siècle, signifiait, implicitement, les sciences naturelles,
tout comme au XXe siècle. Il en résulte qu'ils attribuent les changements profonds dans la vie intellectuelle à l'importance
grandissante des sciences naturelles. Une lecture plus attentive montre que « science », avant 1900, avait un sens plus large,
comprenant les humaines tout autant que les sciences naturelles. Cette reconsidération de la carte épistémologique de
l'Amérique du XIXe siècle apporte un éclairage nouveau sur les traits déterminants de la vie intellectuelle des années post-1900,
tels que l'essor des sciences sociales, la formation des universités consacrées à la recherche et l'origine de la modernité
séculaire elle-même.
Abstract
The meaning of "science" in 19th-century America.
Historians of the United States assume that "science" in the 19th century meant, by default, the natural sciences, as it did in the
20th. As a result, they attribute deep changes in intellectual life to the growing importance of natural science. More careful
reading shows that "science" before 1900 had a much broader reference, comprehending the human as well as the natural
sciences. This redrawing of the epistemological map of 19th-century America puts in a different light such defining traits of post-
1900 intellectual life as the rise of the social sciences, the formation of research universities, and the origin of secular modernity
itself.
Citer ce document / Cite this document :
Turner James. Le concept de science dans l'Amérique du XIXe siècle. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N.
3, 2002. pp. 753-772.
doi : 10.3406/ahess.2002.280074
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_3_280074Le concept de science
dans l'Amérique du xixe siècle
James Turner
Le concept de « science » tient à lui seul une place prépondérante dans plusieurs
des principales contributions à l'histoire intellectuelle des États-Unis. Pourtant,
les historiens continuent à mal comprendre les significations du terme, et, de ce
fait, des pans entiers de cette histoire sont perçus de façon déformée. Pour remédier
à ce problème, il nous faut parvenir à élaborer une vue plus claire du développe
ment de la science entre 1800 et 1900. Et il s'avère que ce réexamen épistémo-
logique débouche sur des résultats inattendus. Car c'est en retraçant les fluctuations
des significations du terme que l'on sera en mesure de révéler le bouleversement
radical des conceptions du savoir.
Aujourd'hui, aux États-Unis, le mot « science » a un sens plus restreint qu'en
français, et, a fortiori, que le terme allemand Wissenschaft1 . En anglais américain,
on entend par science ce qu'un francophone appellerait les sciences exactes, en y
englobant les sciences naturelles, ce qui correspond plus exactement à la significa
tion anglaise de natural sciences. Il est vrai que le sens du mot « science » dans son
acception américaine peut servir à désigner autre chose que les sciences naturelles.
1 - \J Oxford-Hachette French-English Dictionary traduit l'anglais science par le mot français
« science », et inversement, alors que le Dictionnaire universel francophone des Éditions
Hachette-Édicef propose une définition de « science » qui correspond certainement à
son acception française, mais qui est loin du sens usuel qu'on lui donne en anglais
aujourd'hui et pendant la majeure partie du XXe siècle. Les dictionnaires allemands
comprennent mieux la distinction entre l'américain science et l'allemand Wissenschaft,
probablement parce que les deux locutions ne sont pas identiques. ' ^ *
Annales HSS, mai-juin 2002, n°3,pp. 753-772. JAMES TURNER
Les sciences sociales, un ensemble de disciplines incluant parfois l'histoire, en
sont l'exemple le plus évident. Mais l'Américain cultivé considère que celles-ci
ont emprunté leur nom aux sciences naturelles, et qu'elles ne méritent ce titre
que dans la mesure où, pour une raison inexpliquée, elles imitent ces dernières.
Au cours des dernières décennies est apparue l'expression « sciences humaines »
(human sciences), dérivée du français, dont le sens en anglais américain est proche
de sciences sociales, même si elles englobent les humanités. Mais lorsqu'on
parle de « science », on se réfère d'abord aux activités qui se déroulent dans les
laboratoires, autour des accélérateurs de particules, dans les observatoires astrono
miques, sur les bateaux de recherche océanographique et dans le langage mathémat
ique de la physique théorique. Pour les Américains, ce sens premier est à la source
de tous les autres.
Les Américains qui ont fait des études prolongées comprennent cependant
que le mot « science » peut avoir un sens plus large. Ils savent que, en principe,
on peut désigner par ce terme tout savoir de type universitaire ou toute discipline
constituée, même s'ils l'utilisent rarement sous cette acception. Ils se rendent
compte que, dans les autres langues européennes, on utilise un terme équivalent,
mais que sa signification est plus large2. Ceux d'entre eux qui sont historiens
peuvent savoir que, dans un passé lointain, les Américains attribuaient au terme
science une plus large. Mais ce savoir reste abstrait et distant. Le sens
contemporain donné à ce concept a fortement marqué l'historiographie de la vie
intellectuelle américaine du XIXe siècle. Les historiens des sciences américains
- une sous-discipline qui se limite essentiellement aux sciences naturelles - consi
dèrent en général qu'en 1850, tout comme aujourd'hui, le terme désignait en
premier lieu les sciences naturelles. Les historiens, il est vrai, accordent une cer
taine flexibilité à la signification du mot « science » au milieu du XIXe siècle, car ils
comprennent que les Américains d'alors avaient tendance à associer les sciences
naturelles aux mathématiques, mais aussi aux techniques (vues comme la part
appliquée de la science). Cependant, ces historiens pensent que, normalement,
les autres domaines du savoir ne peuvent pas prétendre au titre de « science ».
La plupart des travaux sur l'histoire des sciences aux États-Unis reprennent
à leur compte cette définition de la « science » (c'est-à-dire les sciences naturelles,
les mathématiques, les techniques). Dans The Formation of the American Scientific
Community, ouvrage de référence devenu un classique dans son domaine, Sally
Gregory Kohlstedt, une historienne renommée des sciences, considère que la
« communauté scientifique américaine du milieu du [XIXe] siècle » est composée
de géologues, d'astronomes, de botanistes, de physiciens et d'autres spécialistes
des sciences de la nature. Selon elle, « les définitions de la science pendant cette
période» («implicitement», précise-t-elle, sans en citer explicitement aucune)
allaient parfois jusqu'à inclure les techniques. Elle montre que la science ne se
limitait pas nécessairement aux «seules sciences naturelles et physiques». Mais
2 - Ainsi, les universitaires américains sont très conscients que le CNRS français finance
des recherches dans un nombre de disciplines bien plus élevé que ne le fait la National
Science Foundation aux États-Unis. SCIENCE ET RELIGION
l'idée que le concept pouvait être étendu jusqu'à inclure l'histoire, la théologie,
la philologie ou l'économie politique ne lui est visiblement jamais venue à l'esprit3.
Les historiens des sciences sont loin d'être les seuls à adopter la signification
restreinte du mot science : c'est aussi le postulat de base repris dans la plupart des
travaux historiques sur la formation du savoir aux États-Unis avant 1900. Et il s'agit
bien là d'un postulat. Tout se passe comme si les historiens n'avaient pas besoin
de définir le terme, parce que sa signification semble évidente, même pour les
plus fins et les plus prudents d'entre eux. Thomas L. Haskell considère ainsi que
les sciences sociales sont issues d'un idéal de la science représenté par Joseph
Henry, professeur de physique au College of New Je

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents