Le Kremlin, roman inédit de Vsevolod Ivanov - article ; n°3 ; vol.52, pg 323-347
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Description

Revue des études slaves - Année 1979 - Volume 52 - Numéro 3 - Pages 323-347
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Charles Bourg
Le Kremlin, roman inédit de Vsevolod Ivanov
In: Revue des études slaves, Tome 52, fascicule 3, 1979. pp. 323-347.
Citer ce document / Cite this document :
Bourg Charles. Le Kremlin, roman inédit de Vsevolod Ivanov. In: Revue des études slaves, Tome 52, fascicule 3, 1979. pp. 323-
347.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1979_num_52_3_5090LE KREMLIN, ROMAN INEDIT DE VSEVOLOD IVANOV
PAR
CHARLES BOURG
« J'aurais voulu envoyer mon roman, le Kremlin, pour publication en Allemagne,
mais après l'histoire qui est arrivée comme vous le savez à Pil'njak, j'ai peur d'expéd
ier ce manuscrit car Dieu sait ce qui peut se produire : qu'avant de l'éditer en all
emand on en fasse une édition russe dans une maison de Russes blancs, va donc
prouver quoi que ce soit... », écrivait à la fin de l'année 1929 Vsevolod Ivanov à
Lev Nikulin alors en séjour à Paris. Le scandale soulevé par la publication en All
emagne de l'Acajou de Pil'njak et de Nous autres de Zamjatin condamnait le premier
grand roman de l'auteur des Histoires de partisans au destin d'oeuvre inédite. Il peut
sembler paradoxal que Vsevolod Ivanov, dont le nom figure en bonne place dans
toutes les anthologies et dans tous les manuels de littérature contemporaine à l'usage
de l'école secondaire, ait été tenté par la gloire d'une demi-clandestinité, celle d'un
Pil'njak ou d'un Zamjatin. Il faut toutefois noter qu'avant la campagne de presse
entreprise par la Literatumaja gazeta, la pratique était fort répandue chez les écri
vains soviétiques de publier à Berlin ou à Hambourg certains de leurs écrits et
n'avait pas un caractère politiquement subversif. Ivanov cependant avait tout de
suite envisagé une édition allemande de son roman comme ѕ'Д pressentait le refus
systématique que les « rédacteurs » soviétiques opposeront à sa publication. Intui
tion d'une justesse d'autant plus étonnant que, jusqu'à présent, les maisons russes
ont accepté sans réserve presque toutes ses œuvres et que certains récits parus entre
1925 et 1929, comme les Merveilleuses aventures de Fokin le tailleur et les Joueurs
de tambour et le Prestidigitateur Matcukami dénotent, vis-à-vis du système sovié
tique, une attitude apparemment plus frondeuse que les diverses variantes du
Kremlin.
Pourquoi Vsevolod Ivanov, écrivain alors célèbre se trouve-t-il menacé en 1929
par le destin des « immigrés de l'intérieur » Zamjatin et Pil'njak ? La réponse à
cette question est dictée par une double évolution qui va en s'accélérant à partir de
la seconde moitié des années vingt : celle de la société soviétique d'une part, celle de
l'écrivain Ivanov d'autre part. L'histoire littéraire fournit en effet peu d'exemples de
métamorphoses aussi rapides : cinq ans à peine séparent le fakir - lutteur - salti
mbanque qui se produit dans les foires sibériennes du journaliste et essayiste auquel
s'intéresse Gor'kij en 1920, et huit ans le triomphe du Train blindé 14-69 de la
Rev. Etud. slaves, Paris, LII/3, 1979, p. 323-356. 324 CH. BOURG
« littérature pour le tiroir », car Ivanov se trouve déjà confronté à la peu enviable
destinée d'auteur enterré vivant dans sa gloire littéraire. Quelques années encore les
portes des maisons d'édition lui resteront ouvertes mais les œuvres inédites s'acc
umulent dans ses armoires et encombrent le bureau en bois de Carélie, produit de ses
premiers honoraires. Les rééditions se succèdent : six fois au cours de sa carrière
Ivanov doit réécrire, pour satisfaire aux exigences des rédacteurs, son trop célèbre
Train blindé dont il rédige encore un script pour la société Mosfil'm à la veille de sa
mort. De 1936 à 1954 les années se suivent sans que ne paraisse quoi que ce soit de
nouveau .
Et pourtant quelle fécondité avait montrée Ivanov dans les années vingt : en une
année sont rédigés à Petrograd près de cinquante récits et nouvelles. Et ceci ne com
promet pas l'étonnante « plasticité » de son talent. Des nouvelles héroïques de ses
débuts en Russie (les Vents colorés, les Partisans), il passe avec une égale facilité à
une réflexion sur la liberté (les Sables bleus) et sur le classique conflit de la nature
et de la culture (le Retour de Bouddha), On avait salué en lui le chantre d'une épo
pée de partisans et le poète d'un univers syncretique et son œuvre se fonde soudain
sur le principe de distanciation. A partir de son installation à Moscou (en 1924), il
explore tour à tour les voies qui seront quelques mois ou quelques années plus tard
celles de la littérature soviétique : exotisme de l'orient, des bas-fond ou des villes de
province, paraboles et contes ironiques et monde clos des consciences obscures. Il
est donc tentant de considérer le Kremlin comme le bilan d'une époque et comme
la première œuvre d'une série à laquelle les « années noires » de la littérature sovié
tique allaient mettre une fin prématurée.
Le Kremlin n'est pas le premier roman de Vsevolod Ivanov et aucune des deux
tentatives précédentes ne manque d'originalité : les Sables bleus, rédigés en 1922,
rapportaient l'expérience de la liberté par laquelle passait le commissaire Vas'ka
Zapus pendant la guerre civile et qui faisait de lui, au terme des combats, cet ancien
héros déséquilibré, cet initiateur insatisfait du calme après la tempête dont le type
se répandra dans la littérature, de Leonov à Platonov, quelques années plus tard.
L'œuvre était assez contemporaine de son époque pour que son auteur fût contraint
par la suite de la réécrire sur le modèle du Čapaev de Furmanov. Trois ans plus tard
paraît l'Hypérite, roman écrit en collaboration avec Viktor Šklovskij. Récit bur
lesque de science-fiction, dont les deux compères eurent à se repentir, l'Hypérite
est autre chose qu'un simple produit de la « littérature alimentaire ». C'était pour
Ivanov, encouragé sans doute par Šklovskij, l'occasion de prendre conscience et de
remettre en cause les moyens et les fins de son art. L'auto-parodie inspire en effet
tous les passages où le Chinois Sin-Bin-U, symbole dans le Train blindé de tout son
peuple opprimé, devient U-Sin-Bin, le détective oriental mal inspiré dont on dé
couvre à la fin que c'est une femme travestie, tandis que la taïga sibérienne se tran
sforme en bosquet de noisetiers géants dont les branches accueillent les derniers
Russes. Au thème de la liberté du destin et des héros (les Sables bleus) a succédé
celui de la liberté ludique et créatrice. Aussi Ivanov n'a-t-il pas l'impression d'être
un véritable romancier lorsque Gor'kij l'incite à affronter le « grand genre » : « Je
viens de lire dans Novy j mir votre récit Au repos . Permettez moi de vous féliciter :
vous vous êtes mis à écrire de façon remarquable, mon bon Monsieur ! Cela ne veut
pas dire qu'avant vous écriviez mal, mais il est indubitable que vous écriviez moins
bien... C'est très fort, ça a du relief et c'est plein d'humanité, au bon sens du mot,
sans une expression de pitié. C'est avec ce ton, avec ce talent qu'il vous faut écrire
une chose importante par son volume, un roman ou une nouvelle » (Lettre de
Gor'kij à Ivanov, du 13 décembre 1926). Les conseils de celui qui a encouragé le KREMLIN 325 LE
jeune Sibérien de Kurgan et l'a pratiquement recueilli à Petrograd, poussent
Ivanov dans cette voie où l'attire encore la consécration que le roman apporte à
l'œuvre de ses confrères. Dès 1925, en effet, Ivanov s'attache à la rédaction d'un
roman dont le titre devait être Severostaľ qui le satisfait peu et qu'il détruit pour
entreprendre celle des Cosaques. Le résultat de cette dernière tentative ne nous est
pas parvenu mais contient en germe un des arguments du Kremlin. Dans les archives
de Gor'kij subsiste en effet une lettre où Ivanov expose le plan de son roman : le
doyen d'une petite paroisse cosaque doit recevoir la visite de l'évêque. Il a grand
soin de faire brosser les planchers et nettoyer toute la maison, mais il découv

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