Le mythe chez les Arabes - article ; n°1 ; vol.2, pg 66-90
26 pages
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Description

L'Homme - Année 1962 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 66-90
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Joseph Chelhod
Le mythe chez les Arabes
In: L'Homme, 1962, tome 2 n°1. pp. 66-90.
Citer ce document / Cite this document :
Chelhod Joseph. Le mythe chez les Arabes. In: L'Homme, 1962, tome 2 n°1. pp. 66-90.
doi : 10.3406/hom.1962.366450
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1962_num_2_1_366450LE MYTHE CHEZ LES ARASES
par
JOSEPH CHELHOD
Dans un travail1 déjà ancien nous avons tenté de détruire un double préjugé
en prouvant : d'une part, que des mythes existaient chez les Arabes avant l'Islam ;
d'autre part, qu'en dépit de la réaction musulmane contre les vieilles croyances,
il était encore possible de glaner des bribes de récits, lesquelles, raisonnées à la
lumière du système dogon mis à jour par le regretté Marcel Griaule, pouvaient
donner une vague idée du monde mythique arabe. Depuis, au hasard des recher
ches et des lectures, un imposant fichier s'est constitué, de quoi écrire presque
un volume. Il n'entre pas dans les prétentions d'un article, aux dimensions néces
sairement limitées, d'exploiter tous les éléments recueillis. Nous nous proposons
simplement de fournir de nouvelles indications concernant la mythologie chez les
anciens Arabes et ses répercussions sur l'Islam.
Cependant, avant d'entrer dans le vif du sujet, une question se pose naturel
lement à l'esprit : les éléments rassemblés ici répondent-ils aux critères formulés
par les mythologues ?
M. Claude Lévi-Strauss, dont il serait superflu de rappeler les positions métho
dologiques aux lecteurs de cette revue, a pu dire : « un mythe est perçu comme
mythe par tout lecteur dans le monde entier »2. A première vue cette affirmation
peut sembler d'autant plus déconcertante que les spécialistes sont loin d'être
d'accord sur la nature et la fonction du mythe. En fait, elle est fort pertinente,
car celui-ci possède un caractère sut generis qui le différencie de la poésie, du conte
et de la fable. Comme le note avec justesse le même auteur, « la substance du
mythe ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syn
taxe, mais dans l'histoire qui y est racontée »3.
1. « Le inonde mythique arabe », Journal de la Société des africanistes, t. XXIV, n° i,
1954, PP- 49-61.
2. Cl. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, p. 232, Pion, Paris, 1958.
3.ibid., p. 232. LE MYTHE CHEZ LES ARABES 67
Cette manière d'aborder le problème a l'incontestable avantage d'éviter
l'écueil majeur de la définition. Or, celle-ci suppose souvent une prise de position
sur la nature et la fonction du mythe. On pourrait être amené à négliger un certain
nombre de récits, bien qu'ils possèdent les apparences du mythe, du seul fait
qu'ils ne répondent pas aux exigences formulées par un auteur. Aussi M. Lévi-
Strauss estimerait-il plus avantageux d'éluder la difficulté, du moins provisoire
ment, et de travailler plutôt à déterminer, par l'analyse structurale, la signification
profonde du mythe, que les théories traditionnelles ne seraient pas à même
d'atteindre.
Malheureusement, et bien qu'il semble relativement aisé de reconnaître un
mythe, nous ne nous croyons pas en mesure d'adopter ici cette position. En effet,
une chose est d'analyser des exemples connus et admis, autre chose d'essayer de
constituer un matériel. Cette dernière tentative présuppose un choix que le struc
turalisme pourrait éviter. C'est pourquoi, malgré ses attaques, au reste justifiées,
contre les positions classiques et en attendant qu'il nous livre sa propre définition4,
c'est à celles-ci que nous nous adressons encore pour poser, sans doute d'une
manière fort générale, les données du problème.
Qu'est-ce qu'un mythe ? D'après A. H. Krappe, « le terme désigne un récit où
les divinités (au sens le plus large du terme) jouent un ou plusieurs des rôles prin
cipaux »5. Et il en précise un peu plus loin la fonction. « Un mythe essaie toujours
d'expliquer quelque chose, soit la cause d'un phénomène naturel, soit l'origine
d'une institution ou d'une coutume. C'est donc essentiellement un conte expli
catif (étiologique) »6. Deux critiques principales peuvent être adressées à cette
définition. Dans sa partie descriptive elle pécherait par insuffisance ; dans sa
partie fonctionnelle, au contraire, elle pécherait par excès. En effet il semble d'une
part qu'elle accorde aux dieux une importance exagérée. Ces derniers peuvent
jouer dans un récit un rôle prépondérant sans qu'il soit considéré pour autant
comme un mythe. Pour nous en tenir au seul domaine religieux et sans prendre
en considération les contes de fées, il ne viendrait pas à l'esprit de qualifier de
mythe le dogme chrétien de la rédemption, bien qu'il en possède les apparences,
car il s'agit, comme nous le verrons plus loin, de deux modes différents de croyances.
En outre à côté de ces récits dogmatiques où l'activité des dieux est prédominante,
il en existe de mythiques où ils ne jouent qu'un rôle effacé. Dans un mythe aussi
célèbre que celui d'Œdipe, aucun des principaux personnages n'est une divinité.
4. Sans vouloir préjuger de ce que serait, en la matière, une définition structurale, il
nous semble qu'elle pourrait difficilement établir une ligne de démarcation bien nette entre
le mythe, le conte et la légende. Comme le dit fort bien M. Lévi-Strauss, la substance du mythe
est dans le récit. Celui-ci, ramené à ses grandes unités constitutives, ne garderait qu'un loin
tain souvenir de sa matière essentielle, et déboucherait sur des relations analogues à celles
des contes de fées, par exemple.
5. A. H. Krappe, La genèse des mythes, p. 15. Payot, Paris, 1952.
6. A. H. ibid., p. 27. JOSEPH CHELHOD 68
Certes, les dieux ne sont pas étrangers à ce drame poignant. Mais le héros, son père
Laios qu'il tue, sa mère Jocaste qu'il épouse, sont des êtres humains. Il semble
excessif, d'autre part, d'assigner au mythe une fonction essentiellement étiolo-
gique. Il lui arrive sans doute de fournir un semblant d'explication, mais son rôle,
d'après Malinowski, serait plutôt de motiver, de rendre clair. En fait, il dirait le
comment plutôt que le pourquoi des choses. Selon la juste remarque de Ch. Kerényi,
« derrière l'apparente question ' pourquoi ? ' on trouve l'autre ' à la suite de
quoi ' »7.
De son côté M. Mircéa Eliade estime que le mythe « est une histoire vraie qui
s'est passée au commencement du Temps et qui sert de modèle aux comporte
ments humains »8. Cette définition semble avoir l'avantage d'être plus large que
la première, car elle ne fait pas des dieux ou des semi-dieux les seuls personnages
du drame mythique. En revanche, elle établit entre celui-ci et le comportement
rituel de l'homme une étroite dépendance9. C'est un point de vue analogue que
défend M. Van der Leeuw pour qui les rites « sont des mythes en action. Le mythe
est l'institution de l'acte sacré, il est son antécédent, sa garantie, toute exécution
d'un acte est une reproduction de son expérience première »10. Plus caractéristique
est encore la position de M. E. O. James. En effet, il estime que le rite précède
chronologiquement le mythe et que celui-ci en est l'explication. « Partout, sem-
ble-t-il, le rite, en tant que produit d'une habitude non raisonnée, a précédé le
développement des idées spécifiques sur le comment et le pourquoi des actes
accomplis... Il fallut faire appel à quelque autorité sacrée pour consolider les
conventions antiques et les pratiques rigidement suivies, une histoire se constitua
alors, donnant la clé de la présentation dramatique qui exprimait les désirs, les
émotions et les nécessités sociales de la collectivité s11. Il existe sans doute des
exemples où la correspondance entre mythe et rite est manifeste, Tun étant la
justification de l'autre, ou le rite n'étant que la célébration du mythe. Mais cette
homologie, comme le dit M. Lévi-Strauss, « n'est démontrable que dans un petit
nombre de cas ; et elle ne fournit pas la raison de cette étrange duplication »12.
Ajoutons qu

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