Le mythe du développement et le futur du Tiers Monde - article ; n°57 ; vol.15, pg 57-68
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Description

Tiers-Monde - Année 1974 - Volume 15 - Numéro 57 - Pages 57-68
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Celso Furtado
Le mythe du développement et le futur du Tiers Monde
In: Tiers-Monde. 1974, tome 15 n°57. pp. 57-68.
Citer ce document / Cite this document :
Furtado Celso. Le mythe du développement et le futur du Tiers Monde. In: Tiers-Monde. 1974, tome 15 n°57. pp. 57-68.
doi : 10.3406/tiers.1974.1986
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1974_num_15_57_1986LE MYTHE DU DÉVELOPPEMENT
ET LE FUTUR DU TIERS MONDE
par Celso Furtado*
L'étude préparée pour le Club de Rome sur les conséquences à
long terme de l'expansion de l'économie mondiale a été l'objet d'un
ample débat dans les pays industrialisés (i). Mais dans les pays du Tiers
Monde, qui seraient les plus directement affectés par l'application des
mesures de politique économique et sociale implicitement recommandées
dans cette même étude, l'intérêt suscité a été moindre. Plusieurs per
sonnes ont considéré ce travail comme un élément additionnel à la
campagne orchestrée aux Etats-Unis pour le contrôle de la natalité
dans les pays pauvres, une campagne qui ne fait aucune discrimination
entre les pays ayant 300 habitants au kilomètre carré et les pays ayant une
densité démographique trente fois plus petite. D'autres l'identifient
à une partie de la campagne qui vise à rétablir une tutelle rigide sur
les pays du Tiers Monde, exactement au moment où ceux-ci commencent
à se libérer des prétendus « automatismes des marchés », grâce auxquels
de bas prix pour leurs produits d'exportation ont été maintenus au
profit des pays industrialisés.
Or, il serait difficile d'exagérer l'importance de cette étude, moins
en raison de ce qu'elle prétend démontrer qu'en raison des inferences
qui découlent des schémas analytiques présentés.
* Professeur à la chaire Simon-Bolivar à Cambridge University, Angleterre.
(1) Cf. The limits to the growth, New York, Universe Books, 1972. Cette étude a été préparée
au Massachusetts Institute of Technology par Donella H. Meadows, Dennis L. Meadows,
Jorgen Randers et William W. Behrens III. Sur la méthodologie adoptée dans ce travail,
voir J. W. Forrester, Industrial Dynamics, Cambridge, Massachusetts, 1 961, et World Dynamics,
Cambridge, Massachusetts, 1971.
57 CELSO FURTADO
Pour la première fois, nous disposons d'un essai d'analyse du
comportement de l'économie mondiale dans son ensemble. Jusqu'à
présent, les économistes s'étaient limités à l'étude de la structure et du
fonctionnement de sous-systèmes, c'est-à-dire des économies nationales
ou régionales. Ainsi, pendant les vingt dernières années, les Américains
ont réalisé toute une série d'études sur les tendances à long terme de
l'économie des Etats-Unis, particulièrement en ce qui concerne le
futur comportement de la demande des ressources naturelles non
renouvelables. Ces projections sont faites à partir de l'hypothèse implicite
d'un monde sans limites en dehors des Etats-Unis; ce qu'on a en vue
c'est la détermination du degré de dépendance future du pays en ce qui
concerne l'offre externe de ressources et les possibles répercussions de
la croissance de la demande des autres pays industrialisés sur les prix du
marché. Des données récentes publiées par le ministère de l'Intérieur
du gouvernement des Etats-Unis indiquent, par exemple, que des
13 principaux produits minéraux nécessaires au fonctionnement de
l'économie du pays, tous, à l'exception d'un seul (les phosphates)
dépendront principalement de l'offre extérieure à la fin de ce siècle.
Déjà en 1985, neuf de ces produits seront dans une telle situation,
alors qu'en 1970 seulement cinq dépendaient plutôt de l'importation
que de la production interne. Le cuivre pour lequel en 1970 les Etats-
Unis se suffisaient à eux-mêmes sera importé à 56 % en l'an 2000.
La situation du soufre est identique. Si l'on parle des combustibles,
nous trouverons une tendance analogue puisque, grand exportateur
dans le passé, ce pays est en train de devenir un grand importateur de
pétrole. Selon les prévisions du ministère de l'Intérieur, la valeur des
importations américaines de pétrole aux prix de 1970 montera de
8 milliards de dollars à 31 milliards en 1985 et 64 milliards quinze ans
plus tard.
L'étude préparée pour le Club de Rome ne s'occupe directement
ni du problème de la croissante utilisation des ressources naturelles
des pays du Tiers Monde par l'économie américaine et d'autres pays
industrialisés, ni des conséquences de ce processus pour ces pays.
L'attention des auteurs a été concentrée sur la question suivante :
que se passera-t-il si tous les pays persistent dans l'intention de pour
suivre leur croissance ? La réponse donnée par les ordinateurs est
sans équivoque : la pression sur les ressources non renouvelables et
le degré de pollution seront si élevés (ou alternativement le coût du
58 LE MYTHE DU DÉVELOPPEMENT
contrôle de la pollution sera si élevé) que le système tendra inexora
blement vers un collapsus. Il faut ajouter qu'en raison de la structure
du système une grande partie de ce qui va se passer dans le futur
découle des décisions adoptées dans le passé, ou qui sont en train d'être
adoptées en ce moment, sans conscience de ses répercussions. De cette
façon, la pollution qui devra être combattue dans le futur découle en
grande mesure des décisions adoptées dans les années passées; l'offre
de main-d'œuvre qui doit être absorbée dans les vingt prochaines
années résulte des naissances qui ont déjà eu lieu.
La nouveauté de cette étude n'est pas dans les matériaux utilisés ou
dans les relations de causalité qu'elle postule, mais dans la fermeture
du système à l'échelle planétaire, ce qui a été possible grâce aux res
sources de l'informatique. L'hypothèse d'un monde extérieur illimité,
implicite dans les modèles antérieurs, a pu être abandonnée. Ce pas
décieif a permis qu'on explicite une donnée fondamentale que l'homme
n'a jamais voulu affronter : il s'agit du fait élémentaire que le processus
de civilisation, tel que nous le pratiquons, possède un caractère essen
tiellement prédateur quand on l'observe d'un point de vue plus général :
la création de la valeur engendre des processus non réversibles de désor
ganisation du monde physique. Ainsi une grande partie de nos processus
productifs impliquent une transformation de l'énergie disponible en
énergie non disponible, ce qui est un processus non réversible, nous
explique la thermodynamique (i). La tendance du lecteur congéni-
talement optimiste, né dans ce monde de progrès hallucinant, c'est de
répondre : de pareilles prévisions ont été faites dans le passé, mais
elles ont échoué parce qu'elles n'ont pas tenu compte du progrès tech
nique. Or, cet argument est inconsistant puisque avant le système
n'avait jamais été fermé, c'est-à-dire qu'on n'était pas passé de l'ana
lyse partielle à l'analyse globale. Le progrès technique peut même
accélérer son rythme, sans que pour cela la civilisation soit moins
prédatrice.
Le modèle utilisé pour les projections est indiscutable du point
de vue de sa cohésion interne. Cependant, il arrive que sa structure
a été établie à partir des données qui reflètent le processus d'industrial
isation des économies nommées centriques ou dominantes. Les auteurs
(i) Pour une présentation systématique de ce problème, voir le travail magistral du
Pr Nicholas Georgescu-Roegen, The Entropy L.aw and tbe Economie Process, Cambridge,
Mass., 1971.
59 FURTADO : CELSO
de l'étude ont été précis dès le début à propos de la méthodologie
adoptée :
« La base de la méthode est la reconnaissance que la structure d'un système quelconque
— les nombreuses relations circulaires en chaîne, parfois comportant des retards entre
ses composants — est souvent aussi importante pour déterminer son comportement que
chaque composant lui-m&#

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