Le « mythe du Führer » et la dynamique de l État nazi - article ; n°3 ; vol.43, pg 593-614
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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1988 - Volume 43 - Numéro 3 - Pages 593-614
The 'Fürhrer Myth and the Dynamic of the Nazi State.
The problem of explaining the dynamism of the Nazi State, and in particular the role of Hitler, has always been an issue at the centre of historical debate on the Third Reich. This article approaches the problem by concentrating not on the person of Hitler, and his direct actions, but on his symbolic Führer authority, and, therefore, on perceptions of Hitler and what he appeared to represent. It is argued that, within a system of rule in which Hitler's charismatic authority was superimposed upon, and eroded, the formal structures of a modern, bureaucratic state, the heroic image of Hitler —the Führer myth— functioned on a number of different levels as an agent of integration, mobilisation, and legitimation, and thereby as a decisive factor in forcing the momentum of Nazi rule and the process which led to the implementation of Nazi ideological goals.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Ian Kershaw
Le « mythe du Führer » et la dynamique de l'État nazi
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 43e année, N. 3, 1988. pp. 593-614.
Abstract
The '"Fürhrer Myth" and the Dynamic of the Nazi State.
The problem of explaining the dynamism of the Nazi State, and in particular the role of Hitler, has always been an issue at the
centre of historical debate on the Third Reich. This article approaches the problem by concentrating not on the person of Hitler,
and his direct actions, but on his symbolic Führer authority, and, therefore, on perceptions of Hitler and what he appeared to
represent. It is argued that, within a system of rule in which Hitler's "charismatic" authority was superimposed upon, and eroded,
the formal structures of a modern, bureaucratic state, the "heroic" image of Hitler —the "Führer myth"— functioned on a number
of different levels as an agent of integration, mobilisation, and legitimation, and thereby as a decisive factor in forcing the
momentum of Nazi rule and the process which led to the implementation of Nazi ideological goals.
Citer ce document / Cite this document :
Kershaw Ian. Le « mythe du Führer » et la dynamique de l'État nazi. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 43e année,
N. 3, 1988. pp. 593-614.
doi : 10.3406/ahess.1988.283509
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1988_num_43_3_283509•
IAN KERSHAW
LE « MYTHE DU FÙHRER »
ET LA DYNAMIQUE DE L'ÉTAT NAZI
Le dynamisme extraordinaire de l'État nazi est un trait qui le distingue des
autres régimes autoritaires, semi-fascistes et fascistes. La vitesse et l'énergie, le
rythme et l'impulsivité avec lesquels le régime nazi consolida et étendit son pou
voir confondirent les nombreux contemporains, partout sur l'échiquier poli
tique, que ce soit en Allemagne ou à l'étranger, qui avaient prédit avec assurance
d'abord l'échec du nazisme à prendre le pouvoir et ensuite sa rapide disparition.
Au cours des douze années de sa dictature, l'ordre nazi connut un processus
dynamique de « radicalisation cumulative » — pour atteindre au paroxysme de
la destruction dans les derniers temps de la guerre — qui allait à rencontre des
espérances des nombreux observateurs qui avaient imaginé que l'impulsion révo
lutionnaire initiale du nouveau régime s'affaiblirait rapidement et que les rênes
du pouvoir reviendraient entre les mains des élites dirigeantes traditionnelles.
Les explications que les historiens donnent de la dynamique de l'État nazi
varient énormément de perspective2. Les interprétations marxistes se sont rar
ement révélées convaincantes en expliquant la dynamique du nazisme par son
rôle présumé de représentant des éléments les plus chauvins, réactionnaires et
impérialistes du capital financier allemand. Réduire la position de Hitler à celle
d'un simple élément dans le jeu des intérêts capitalistes n'est pas le moindre des
problèmes que soulèvent de telles approches. Les interprétations marxistes de
type « bonapartiste », en général mieux appréciées des historiens occidentaux,
sont prêtes à admettre d'ordinaire le développement d'une forte « autonomie
relative » de la direction du régime par rapport aux groupes de pression écono
mique, mais elles ont quelques difficultés à expliquer comment il a pu en être
ainsi et à définir le rôle joué par Hitler dans ce processus.
Annales ESC, mai-juin 1988, n° 3, pp. 593-614.
593 NAZISME FASCISME,
Au contraire des interprétations marxistes de quelque type qu'elles soient,
l'historiographie non marxiste accorde de façon classique une importance pr
imordiale à la personnalité et aux actions de Hitler, le « maître au sein du Troi
sième Reich » 3, expliquant pour une large part la dynamique de l'ordre nazi par
les pulsions et les obsessions idéologiques du chef absolu du régime. Selon ces
approches qui sont dans une bonne mesure communes aussi aux biographies et
aux études « psychohistoriques » consacrées à Hitler, le nazisme fut un système
de pouvoir monocratique édifié par la volonté de Hitler. Les actions du Fuhrer
étaient déterminées par le programme idéologique auquel, dès le début des
années 1920, il avait constamment adhéré, et l'évolution du Troisième Reich
— en particulier dans le domaine de la politique étrangère et raciale — fut
essentiellement le reflet d'une mise en pratique de cette idéologie comme poli
tique de gouvernement. Il semble légitime de voir le nazisme un
« hitlérisme » puisque « c'était en fait la Weltanschauung de Hitler qui final
ement importait et rien d'autre »4.
Cependant, une telle approche ne peut, au mieux, être convaincante qu'en
apparence. Elle simplifie à l'excès et personnalise des problèmes complexes les
ramenant à de simples questions sur l'idéologie et la personnalité de Hitler. Elle
ne prend pas en compte, par exemple, la relation qui existe entre la Weltan
schauung personnelle de Hitler et les motivations sociales des nombreux parti
sans du nazisme, ni le fait que les fixations idéologiques obsessionnelles de
Hitler sur l'antisémitisme et le Lebensraum n'eurent apparemment qu'une
importance secondaire dans l'accroissement massif du soutien apporté au mouv
ement5. Elle exagère le caractère monolithique de l'ordre nazi après 1933. En
particulier, elle n'explique pas comment l'autorité absolue du Fuhrer parvint à
s'affirmer avec une force extrême entre 1933 et 1939 quand, dans le même
temps, son rôle personnel se caractérisait par une absence d'intervention dans la
politique intérieure ainsi que, pour l'essentiel, dans la politique anti-juive. En
exagérant l'idée d'une mise en œuvre « programmée » de l'idéologie de Hitler,
elle ne prend pas pleinement en compte les mesures ad hoc, souvent non plani
fiées, et les décisions politiques contradictoires qui déterminaient la manière
selon laquelle des visions « utopiques » incohérentes devenaient réalité 6. Enfin,
en décrivant le Troisième Reich comme un système de gouvernement dans
lequel les décisions d'ordre politique qui s'inspiraient de ses préférences idéolo
giques étaient prises de manière autonome par Hitler, cette approche fait de la
société allemande rien de plus qu'un instrument passif de la volonté du Fuhrer.
La collaboration active de secteurs importants de cette société, entre autres des
élites dirigeantes traditionnelles, qui créa le cadre dans lequel l'autorité de
Hitler pouvait s'affirmer de manière absolue et qui donna au dynamisme des
tructeur du nazisme les impulsions sociales nécessaires, est dans une large
mesure exclue de cette représentation.
Il est tentant, en fait, de prendre l'interprétation « hitléro-centrique » tradi
tionnelle à contre-pied, et de suggérer que la radicalisation de la dynamique du
régime nazi se fit dans un contexte d'inaction extrême (sauf dans les domaines
de la propagande et de la politique étrangère) de la part de Hitler lui-même, et
que l'explication de l'évolution du régime doit nécessairement être recherchée,
hors de la sphère de la personnalité étrange du dictateur, en privilégiant les
forces sociales et politiques qui s'évertuaient à mettre en pratique la volonté du
594 I. KERSHAW LE MYTHE DU FUHRER
Fiihrer, même lorsqu'il n'avait exprimé ses intentions que de manière vague et
imprécise. Selon une telle interprétation on ne peut en aucune façon ignorer les
obsessions idéologiques de Hitler ni minimiser sa signification en tant que chef
du Troisième Reich. Que ait approuvé l'ensemble de la politique barbare
du régime nazi peut être considéré comme acquis. Sa responsabilité morale
n'est nullement en question. Mais pour expliquer le dynamisme du nazisme,
l'intérêt se porte sur les pressions fonctionnelles imposées par des structures dis
tinctes, et souvent rivales, au sein du système nazi, qui partageaient des object
ifs millénaristes, mais nécessairement destructeurs, qui furent atteints non pas
grâce à la mise en œuvre de projets à long terme mais en l'absence de toute pla
nification politique cohérente. On pourrait affir

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