Les ciselures de l amertume : Catulle fin de siècle - article ; n°113 ; vol.31, pg 105-116
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les ciselures de l'amertume : Catulle fin de siècle - article ; n°113 ; vol.31, pg 105-116

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 2001 - Volume 31 - Numéro 113 - Pages 105-116
Cet article renouvelle la réception de Catulle dans une perspective décadente, afin de retracer l'influence de l'œuvre catullienne sur la littérature de la fin du XIXe siècle. Considéré comme victime d'une attirance pathologique pour Lesbie, l'amoureux rebuté est partagé entre corps et âme, écriture et sexualité. En utilisant aussi bien des traductions de Catulle que des références fin de siècle, cette étude démontre que l'intérêt de la Décadence pour Catulle était plus important qu'on a bien voulu le dire. Le martyre du «poète pieux», à cause de la décadence de la muse (et des parodies des poèmes sur le moineau), ou grâce à elle, conduit à la renaissance décadente de cette figure plutôt classique. Catulle devient plus que jamais le poète des contrastes, le poète obscène d'une poésie raffinée, à la manière alexandrine. Le souci érudit de la perfection métrique et les prouesses techniques de ses poèmes intéressent au plus haut point la poétique décadente, tout autant que sa poésie obscène.
This paper revisas Catullus' reception from the point of view of «Decadence». It aims at tracing the influence of Catullus' works on late XlXth century literature. Considered as a victim of a pathological attraction towards Lesbia, the rejected lover is split between body and soul, writing and sex. Using fin de siècle translations of Catullus as well as fin de siècle references to hirn, this article establishes that the decadent interest in Catullus was more acute than has been generally thought. The martyrdom of the «pious poet», despite, or thanks to, the downfall of the Muse (and the parody of the passer poerns), leads to a decadent revival of that almost classical figure. Catullus becomes more than ever the poet of contrasts, the obscene writer of polished poetry in the Alexandrine manner. The scholarly concern for metrical perfection and the technical achievement of his witty poems is of considerabte interest for decadent poetics, as much as his crude poetry.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Marie-France David-de-
Palacio
Les ciselures de l'amertume : Catulle fin de siècle
In: Romantisme, 2001, n°113. pp. 105-116.
Abstract
This paper revisas Catullus' reception from the point of view of «Decadence». It aims at tracing the influence of Catullus' works
on late XlXth century literature. Considered as a victim of a pathological attraction towards Lesbia, the rejected lover is split
between body and soul, writing and sex. Using fin de siècle translations of Catullus as well as fin de siècle references to hirn, this
article establishes that the decadent interest in Catullus was more acute than has been generally thought. The martyrdom of the
«pious poet», despite, or thanks to, the downfall of the Muse (and the parody of the passer poerns), leads to a decadent revival of
that almost classical figure. Catullus becomes more than ever the poet of contrasts, the obscene writer of polished poetry in the
Alexandrine manner. The scholarly concern for metrical perfection and the technical achievement of his witty poems is of
considerabte interest for decadent poetics, as much as his crude poetry.
Résumé
Cet article renouvelle la réception de Catulle dans une perspective décadente, afin de retracer l'influence de l'œuvre catullienne
sur la littérature de la fin du XIXe siècle. Considéré comme victime d'une attirance pathologique pour Lesbie, l'amoureux rebuté
est partagé entre corps et âme, écriture et sexualité. En utilisant aussi bien des traductions de Catulle que des références fin de
siècle, cette étude démontre que l'intérêt de la Décadence pour Catulle était plus important qu'on a bien voulu le dire. Le martyre
du «poète pieux», à cause de la décadence de la muse (et des parodies des poèmes sur le moineau), ou grâce à elle, conduit à
la renaissance décadente de cette figure plutôt classique. Catulle devient plus que jamais le poète des contrastes, le poète
obscène d'une poésie raffinée, à la manière alexandrine. Le souci érudit de la perfection métrique et les prouesses techniques de
ses poèmes intéressent au plus haut point la poétique décadente, tout autant que sa poésie obscène.
Citer ce document / Cite this document :
David-de-Palacio Marie-France. Les ciselures de l'amertume : Catulle fin de siècle. In: Romantisme, 2001, n°113. pp. 105-116.
doi : 10.3406/roman.2001.1031
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_2001_num_31_113_1031Marie-France DAVID-de PALACIO
Les ciselures de l'amertume : Catulle fin de siècle
Rien de plus apparemment hostile à l'esprit fin de siècle que la poésie d'Horace et
de Catulle. Cet héritage semble à mille lieues des revendications décadentes. Pourtant,
nous avons essayé de définir ailleurs le rôle dévolu à Horace vers 1900, et nous tente
rons ici de cerner l'influence de Catulle à la même époque.
Notons tout d'abord que si Pétrone et Apulée sont plus volontiers convoqués par
les plumes décadentes ', l'éducation sentimentale des lettrés fin de siècle s'est faite
dans Horace et Catulle - non expurgés. « Horace et Catulle me plurent, j'admirai Vir
gile et je méditai Lucrèce. C'est à l'amant de Lydie peut-être, et au chantre de Lesbie
que je dois de priser les grâces de la femme », écrit par exemple Ferdinand- Hérold 2.
Ni méditation ni admiration, donc, mais grâce et attrait. Cet aspect quelque peu mièv
re, pour présent qu'il soit, n'est pourtant pas représentatif de la réception de Catulle
dans la littérature de la fin du XIXe siècle. Nous verrons que le « chantre de Lesbie »
attire moins par ses élégies que par les rebuffades qu'il essuie ou les débordements de
haine qui entachent son singulier amour. Toutefois, un motif catullien a été remarqua
blement épargné par l'esprit fin de siècle, celui du « Frater ave atque vale » dont la
reprise - essentiellement anglo-saxonne - est très fréquente à l'époque. Étonnante for
tune de l'adieu au frère, depuis Tennyson 3 jusqu'à Swinburne et Beardsley 4.
Catulle, revu et corrigé par la Décadence, est le poète de la passion névrotique,
devant laquelle Lesbie fait pâle figure. Passion qui met à jour les conflits entre le
corps et l'âme, sacralise Catulle comme artiste faisant de son martyre un objet d'écri
ture, et désacralise l'inspiratrice. Dans cette relecture du drame catullien, la part de
l'invective et de la trivialité est indissociable d'une réflexion sur le « microscopique
chef-d'œuvre » et la ciselure d'un travail formel.
Martyre ou névrose : la passion catullienne
Le glissement s'est sensiblement opéré du chantre melliflue de Lesbie, au malade
en proie aux conflits de l'érotisme et de la création littéraire. La névrose de l'écrivain,
ses invectives, le travail de son style importent plus que Clodia, vouée à toutes les
vicissitudes. Le thème du baiser innombrable (poèmes 5 et 7), omniprésent et objet de
toutes les surenchères, rend bien compte de cette focalisation sur un acte dont la desti-
1. Pour une étude des relations entre l'antiquité latine et la littérature de la fin du XIXe siècle, voir
Marie-France David, Antiquité latine et Décadence [thèse de doctorat], Champion, 2001.
2. A. Ferdinand-Hérold, L'Abbaye de Sainte Aphrodise, Mercure de France, 1904, p. 177.
3. « There to me [...] Came that « Ave atque Vale » of the Poet's hopeless woe, / Tenderest of Roman
poets nineteen-hundred years ago, / « Frater Ave atque Vale » - as we wandered to and fro / Gazing at the
Lydian laughter of the Garda lake below /Sweet Catullus' all-but-island, olive- silvery Sirmio ! ». Tennyson,
Tiresias and other Poems (London, Macmillan & Co, 1885), « Frater Ave atque Vale » (1883). Tennyson
reprend ici les thèmes des poèmes 31 et 101.
4. Rappelons que chez Swinburne, le « frère » d'élection est Baudelaire. Voir par ailleurs Aubrey
Beardsley, dessin d'après le carmen CI de Catulle, publié dans The Savoy, n° 7, novembre 1896, p. 53.
Dessin d'un éphèbe élevant le bras droit dans un geste d'adieu, sur le fond duquel se détache AVE ATQVE
VALE. Le dessin est accompagné d'une traduction du poème 101 empruntée à Sir Richard Burton.
ROMANTISME n° 113 (2001-3) 106 Marie-France David-de Palacio
nataire importe peu. L'amourette catullienne, parée jusqu'alors de toutes les grâces,
évolue en pathologie. On verra ainsi figurer Catulle, avec Ovide, Tibulle et Properce,
au rang des victimes d' « amours morbides » répertoriés par le docteur Emile Laurent
en 1891. « Sous cet amour maladif perce la névrose qui les tourmentait », affirme-t-il
en préambule, avant d'accorder une attention particulière à Catulle, dont «l'amour
pour Lesbie fut celui d'un débauché sans courage ». Le chapitre consacré à Catulle
s'achève d'ailleurs sur une constatation sans équivoque : « N'est-ce pas là une vérita
ble folie amoureuse ? » 5
C'est faire bien peu de cas de l'inspiratrice, que de réduire le poète de l'amour
unique à la condition de débauché sans courage... Avec la Décadence, la muse de
Catulle a perdu tout intérêt. Et si les baisers sont, pour reprendre le titre d'un roman
antique de Henry Mirande, Les Baisers de Lesbie, la récupération de ce topos à la fin
du siècle 6 traduit plutôt une focalisation sur un acte dissocié de son contexte et
démultiplié, que la réminiscence d'une fraîche source antique. Pour le protagoniste de
Richard Le Gallienne, la lecture de Catulle avec une jeune fille se résume en une
traduction particulière et singulièrement réductrice : « and we would translate Catullus
together, - into English kisses ». Le roman antique décadent use et abuse aussi de ce
baiser catullien, que Prosper Castanier n'hésite d'ailleurs pas à placer dans les bouches
peu recommandables de Messaline et Silius :
Vivons pour nous aimer, ma Valérie ! Buvons à longs traits aux eaux vives de la jeuness
e, avant que l'hiver en tarisse les sources. [...] Donne-moi donc mille baisers, ensuite
cent, puis mille autres, encore cent, encore mille, encore cent; que des millions de bai
sers pris et rendus laissent sur nos lèvres le doux miel de l'amour.7
et qui sévit encore sous Julien l'Apostat: la Basiline des Vrais Dieux de Porto-R

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents