Les contradictions des mariages linguistiquement mixtes : stratégies des femmes franco-ontariennes - article ; n°1 ; vol.67, pg 53-88
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Description

Langage et société - Année 1994 - Volume 67 - Numéro 1 - Pages 53-88
Heller Monica et Laurette Levy - The contradictions of linguistically mixed manages: strategies of Franco-Ontarian women.
Ontario has the largest French-speaking population after Quebec. French-speaking women married to English language speakers have a special place in mixed marriage: members of a minority group, they live in a city where French is a minority language. 28 non-directive interviews carried out in Ottawa, Sudbury and Toronto give us insights into their representations and strategies according to the region they live in. Such marriages do not necessarily bring about their assimilation nor their children's to the English speaking group. Language behavior and opinions about language vary considerably. The data (both form and content) allow us to isolate trends and place the informants into three groups according to behavior and attitudes: rather English-speaking - intermediate - rather French- speaking. These differences are linked to the social and economic value of French and to the relative status of the women, their husbands and children. They are also connected to the possibilities of access to positions where French is highly valued.
L'Ontario a la plus grande population francophone après le Québec. Les femmes francophones mariées à des anglophones occupent une place pivot dans le mariage mixte. Issue d'un groupe minoritaire, elles vivent dans une ville où le français est minoritaire. 28 entrevues non directives à Ottawa, Sudbury et Toronto, ont permis d'analyser leur représentations et leur stratégies, selon les régions. Ces mariages n'entraînent pas obligatoirement leur assimilation, ni celle de leurs enfants, au groupe anglais. Il existe une variation importante des pratiques et des points de vue. Les informations (contenu et ferme) permettent de dégager des tendances et de regrouper les informatrices, selon les usages et les attitudes, en trois groupes formant un continuum : plutôt anglophones, groupe moyen, plutôt francophones. Cette variation est liée à la valeur sociale et économique du français et à la position des femmes, de leur mari et de leurs enfants ainsi qu'aux possibilités d'accéder aux situations où le français a une valeur élevée.
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monica Heller
Laurette Lévy
Les contradictions des mariages linguistiquement mixtes :
stratégies des femmes franco-ontariennes
In: Langage et société, n°67, 1994. pp. 53-88.
Citer ce document / Cite this document :
Heller Monica, Lévy Laurette. Les contradictions des mariages linguistiquement mixtes : stratégies des femmes franco-
ontariennes. In: Langage et société, n°67, 1994. pp. 53-88.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1994_num_67_1_2645Abstract
Heller Monica et Laurette Levy - The contradictions of linguistically mixed manages: strategies of
Franco-Ontarian women.
Ontario has the largest French-speaking population after Quebec. French-speaking women married to
English language speakers have a special place in mixed marriage: members of a minority group, they
live in a city where French is a minority language. 28 non-directive interviews carried out in Ottawa,
Sudbury and Toronto give us insights into their representations and strategies according to the region
they live in. Such marriages do not necessarily bring about their assimilation nor their children's to the
English speaking group. Language behavior and opinions about language vary considerably. The data
(both form and content) allow us to isolate trends and place the informants into three groups according
to behavior and attitudes: "rather English-speaking" - "intermediate" - "rather French- speaking". These
differences are linked to the social and economic value of French and to the relative status of the
women, their husbands and children. They are also connected to the possibilities of access to positions
where French is highly valued.
Résumé
L'Ontario a la plus grande population francophone après le Québec. Les femmes francophones mariées
à des anglophones occupent une place pivot dans le mariage mixte. Issue d'un groupe minoritaire, elles
vivent dans une ville où le français est minoritaire. 28 entrevues non directives à Ottawa, Sudbury et
Toronto, ont permis d'analyser leur représentations et leur stratégies, selon les régions. Ces mariages
n'entraînent pas obligatoirement leur assimilation, ni celle de leurs enfants, au groupe anglais. Il existe
une variation importante des pratiques et des points de vue. Les informations (contenu et ferme)
permettent de dégager des tendances et de regrouper les informatrices, selon les usages et les
attitudes, en trois groupes formant un continuum : plutôt anglophones, groupe moyen, plutôt
francophones. Cette variation est liée à la valeur sociale et économique du français et à la position des
femmes, de leur mari et de leurs enfants ainsi qu'aux possibilités d'accéder aux situations où le français
a une valeur élevée.LES CONTRADICTIONS DES MARIAGES
LINGUISTIQUEMENT MIXTES :
STRATÉGIES DES FEMMES FRANCO-ONTARIENNES*
Monica HELLER et Laurette LÉVY
Centre de recherches en éducation franco-ontarienne
Institut d'études pédagogiques de l'Ontario
Suzanne1, 47 ans, née en Ontario de parents francophones, mariée
depuis vingt-cinq ans à Jack, anglophone de Kenora, petite ville
ontarienne, enseigne dans un programme d'immersion française.
Écoutons-la :
J'ai travaillé cette année avec des anglophones sur des cours d'études j'ai détest
é ça à mort... je les trouvais tellement peu sympathiques <rires> que je revenais
de la maison je disais « maudits Anglais je déteste » <rires>2
Ressentir de façon si négative la présence d'anglophones et pourtant
être mariée avec l'un d'eux, voilà, entre autres, ce que peut
vouloir dire « vivre les contradictions d'un mariage linguistiquement
mixte ». Nombreuses sont les femmes qui nous ont parlé de ces
* Le présent article est tiré du rapport d'un projet de recherche subventionné par le
Conseil de recherche en sciences humaines du Canada ; d'autres articles ont été pub
liés à partir de cette recherche notamment Heller et Lévy 1991 et Heller et Lévy 1992.
1. Tous les noms qui apparaissent dans le texte sont fictifs afin d'assurer la confidential
ité des personnes qui ont participé à l'étude.
2. Les conventions graphiques pour les extraits de transcription sont les suivantes :
aaa : extrait en français ; aaa: extrait en anglais ; aaa : énoncé prononcé avec insis
tance ; (aaa) : traduction d'un énoncé ; [a] : intervention de l'intervieweure ;
<> : traits discursifs ; . : pause ; (xx) : énoncé incompréhensible ; [...] : texte coupé
© Langage et société - mars 1994 MONICA HELLER ET LAURETTE LEVY 54
difficultés. Thérèse, dès le début de son entrevue, rapporte les paroles
de sa mère afin de mieux nous faire comprendre cette situation :
C'est ça c'est exactement ça qui revenait dans les la bouche de ma mère je veux
dire « bien je pensais tu sais que t'aurais réalisé là que d'abord un mariage ça
prend beaucoup d'efforts en soi mais en plus de ça mettre la langue la religion
en plus bien ça ressemble être ça semble être énorme »
Les contradictions de la plupart de nos informatrices semblent en
effet "énormes". Elles résultent du fait de vivre confrontée à deux
langues, deux cultures, deux mentalités, ce qu'on appelle : vivre sur
une frontière linguistique. Les propos que nous avons recueillis
illustrent cette frontière, comment elle peut évoluer, et quelles
contraintes sont imposées pour la franchir.
MÉTHODOLOGIE
Nous nous inspirons des travaux de sociologues tels Cicourel (1975,
1980, 1988), Collins (1981, 1989) et Giddens (1984) et d'anthropo
logues tels Marcus (1986) et Gai (1989). Ces chercheurs étudient, de
différentes façons, les contraintes structurelles qui limitent le
champ d'action des individus et les stratégies qu'ils adoptent pour
bâtir leur monde social.
Nous nous sommes limitées à explorer un seul type de mariage
mixte, à l'aide de 28 entrevues de femmes francophones mariées à
des anglophones, ayant au moins un enfant et ce, dans les trois plus
grands centres de la francophonie de l'Ontario3 : Ottawa, Sudbury
et Toronto.
La femme n'est pas une actrice isolée. Nous voulions comprendre
son vécu en relation avec son environnement familial, social et
régional. C'est pourquoi nous avons tenté d'analyser les représenta
tions de sa réalité et les stratégies qu'elle utilise pour répondre aux
contraintes et aux conditions de contact entre les deux communautés
qui diffèrent, selon les régions de l'Ontario. Cette province possède la
plus grande population francophone au Canada après le Québec,
3. Les exceptions comprennent une jeune femme sans enfant, une autre divorcée,
une veuve et une dernière qui s'est séparée durant l'étude. LES CONTRADICTIONS DES MARIAGES LINGUISTIQUEMENT MIXTES 55
dont elle est limitrophe. C'est aussi la province la plus riche et la plus
peuplée. Sa population francophone proche du demi-million (envi
ron 5% de la totale) se trouve surtout dans l'est et le nord.
Ottawa, capitale fédérale, avec une population de 350 000 habi
tants dont 19.2% sont francophones 4, est par excellence la ville du
bilinguisme fédéral. La plupart des sièges sociaux des institutions
franco-ontariennes y est installé et c'est un pôle d'attraction pour
les Québécois et Québécoises ou pour les francophones du reste de
la province qui veulent y immigrer. Elle a la réputation d'être une
ville où l'on peut réellement vivre dans les deux langues et c'est
aussi la plus proche du Québec.
Sudbury, centre du Moyen-Nord, compte 150 000 habitants dont
près de 30% sont francophones. La situation économique y est
beaucoup moins florissante que celle des deux autres villes, surtout
depuis la dernière décennie. Sa population francophone est de
vieille souche et les traditions y sont bien ancrées.
Toronto, trois millions et demi d'habitants, compte près de 2% de
francophones. Cette capitale provinciale est le centre des finances du
pays et attire un nombre important d'immigrants francophones tant
du Canada que de l'étranger. De nombreuses institutions culturelles
francophones y sont installées, cependant les structures communauta
ires y sont beaucoup moins solides qu'à Sudbury ou
Ottawa. À cela plusieurs raisons : l'immigration francophone y est
récente, hétérogène et éparpillée.
Nous avons choisi le point de vue de la femme car
c'est ell

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