Les femmes paysannes et la crise agraire en Amérique latine - article ; n°102 ; vol.26, pg 325-334
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Description

Tiers-Monde - Année 1985 - Volume 26 - Numéro 102 - Pages 325-334
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 35
Langue Français

Extrait

Lourdes Arizpe
Les femmes paysannes et la crise agraire en Amérique latine
In: Tiers-Monde. 1985, tome 26 n°102. pp. 325-334.
Citer ce document / Cite this document :
Arizpe Lourdes. Les femmes paysannes et la crise agraire en Amérique latine. In: Tiers-Monde. 1985, tome 26 n°102. pp. 325-
334.
doi : 10.3406/tiers.1985.3488
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1985_num_26_102_3488LES FEMMES PAYSANNES
ET LA CRISE AGRAIRE
EN AMÉRIQUE LATINE
par Lourdes Arizpe*
La grande transformation agraire qui s'est opérée dans les pays
dépendants du continent latino-américain ces dernières décennies, allant
dans le sens d'un développement de l'agriculture capitaliste, a modifié
la place des cultures traditionnelles de produits agro-alimentaires des
économies agricoles. Mais elle a également transformé le mode de
participation au travail et à la reproduction sociale des femmes paysannes
des catégories sociales ayant les revenus les plus bas. Et cependant l'on
commence à peine à étudier et à poser les bases théoriques d'une réflexion
sur les différences entre la participation des femmes et celle des hommes
dans ces processus agraires. Cette méconnaissance concernant les femmes
paysannes se traduit par une absence de clarté dans les stratégies d'orga
nisation pour ce secteur.
L'histoire récente de l'Amérique latine montre que les politiques
d'industrialisation centralisée qui ont exclu la main-d'œuvre des écono
mies agricoles, ont affecté en premier lieu les femmes de ces zones.
C'est pourquoi en Amérique latine l'exode rural a été essentiellement
féminin (ioo femmes pour 85 hommes). Les travailleuses rurales se
sont incorporées dans les villes, dans le secteur des services — secteur
qui dans la majorité de ces pays absorbe environ 70 % des femmes qui
travaillent — et dans le secteur informel. La femme paysanne migrante
tient par conséquent une place prépondérante dans trois processus
caractérisant le développement « dépendant » en Amérique latine :
l'exode rural, le du secteur tertiaire et la marginalité.
Les conséquences du développement inégal du capitalisme agraire
* Enseignant chercheur, Collège de Mexico (Mexique).
Revue Tiers Monde, t. XXVI, n» 102, Avril-Juin 1985 326 LOURDES ARIZ РЕ
dans la formation d'un prolétariat rural féminin n'ont pas davantage été
étudiées, ni analysées de façon systématique. C'est la raison pour laquelle
on a tendance à négliger l'hétérogénéité des situations dans lesquelles
se trouve la femme paysanne et à confondre les trois aspects de sa condi
tion : celle de membre d'une famille rurale, celle de travailleuse et celle
de femme.
En tant que membre d'une famille rurale, la femme se trouve
confrontée à la baisse du revenu familial dans le secteur agraire, consé
quence de la tendance à la baisse des prix des produits agricoles sur le
marché international, ainsi que de politiques nationales consistant à
utiliser les excédents du secteur agricole pour continuer à financer la
prospérité des villes. Par conséquent, sa part de travail non rémunéré
augmente, tandis que les conditions de nutrition et d'hygiène de sa
famille se dégradent. La crise actuelle aggrave cette situation dans la
mesure où l'on exige des paysans qu'ils aident à payer la dette extérieure
de leur pays; et ceci en augmentant la production des cultures d'expor
tation et en les obligeant à acheter sur le marché les produits nécessaires
à leur consommation. Le plus souvent, c'est la femme paysanne qui
doit compenser cette inégalité dans l'échange avec le marché, par une
intensification de son travail non rémunéré dans le secteur agricole,
par l'obligation de trouver un emploi salarié, ou par une baisse de sa
consommation alimentaire personnelle.
En tant que travailleuse salariée dans les champs et dans les usines
de sous-traitance, les jeunes paysannes se trouvent face à des patrons
qui les emploient parce qu'elles sont plus facilement exploitables que
les hommes : et ceci en raison de l'absence de protection légale et syn
dicale les concernant, de la discrimination sexuelle sur le marché du
travail et de la docilité que les normes sociales de comportement leur
imposent. Elles sont, de plus, confrontées à un marché du travail fluc
tuant, précaire, contrôlé par des recruteurs et des intermédiaires qui
exigent souvent d'elles des faveurs sexuelles en échange de promesses
de travail.
En tant que femmes, les paysannes se retrouvent avec une respons
abilité accrue pour nourrir, soigner et protéger leurs enfants et leurs
parents, souvent sans soutien de l'époux qui a émigré et ceci dans des
conditions économiques extrêmement précaires. Elles sont en outre
exposées à la violence sexuelle chez elles comme à l'extérieur. Leur
subordination générique en tant que femmes dans le domaine social
et politique leur rend la tâche encore plus ardue pour s'en sortir.
Il ne s'agit ni de problèmes isolés, ni de conséquences dispersées.
Ces expériences ne sont pas des expériences affectant les femmes en tant CRISE AGRAIRE EN AMÉRIQUE LATINE 327 LA
qu'individus isolés, ni des nécessités arrêtées à partir de schémas subj
ectifs. Il s'agit au contraire d'un processus général de subordination et
d'exploitation de la classe paysanne qui se révèle avec d'autant plus
d'évidence si on analyse le sort de la femme paysanne. Dans ce processus,
il est impossible de Г envisager uniquement en tant que femme puisqu'elle partage
avec V homme la pauvreté et la répression mais il n'est pas possible non plus de
l'identifier seulement comme paysanne car ce serait nier la dénutrition, les maux
physiques et la vulnérabilité sexuelle auxquels elle est exposée en tant que femme
et qui affectent précisément son rôle en tant que paysanne. Dans le cas de la
femme salariée, on ne peut pas davantage nier sa condition de femme
puisqu'il en découle les conditions de son exploitation et de la discr
imination dont elle fait l'objet dans le monde du travail; mais on ne
peut pas pour autant perdre de vue sa solidarité avec l'ouvrier. Il s'agit
donc d'une triple sujétion nécessitant le recours à une solidarité militante
ayant pour but de lutter pour l'égalité. Et on ne peut élaborer cette
stratégie que si l'on comprend comment se constitue la participation de
la femme dans l'économie agricole et de quelle manière le capitalisme
agraire modifie cette participation.
Economie agricole et division du travail par sexe
Si les rôles de la femme et de l'homme dans la société découlaient
de déterminismes d'ordre instinctif, toutes les sociétés humaines connaît
raient la même division du travail par sexe. Or, l'anthropologie nous
montre que, loin d'être conditionnée par des facteurs biologiques,
l'assignation de types de tâches distincts aux hommes et aux femmes
est liée aux modes de production et aux normes culturelles spécifiques
des différentes sociétés humaines.
Il y a actuellement des peuples de petits cultivateurs, par exemple,
chez lesquels il existe peu de différence entre les travaux confiés aux
femmes et ceux confiés aux hommes, les uns et les autres se partageant
indistinctement les tâches de récolte et d'élaboration des aliments ainsi
que les soins aux enfants et la construction d'habitations. Lorsque ces
groupes nomades commencent à se consacrer à l'agriculture, les tâches
féminines et masculines se différencient peu à peu. Il peut arriver,
et ceci est caractéristique des économies agricoles où on laboure à la
houe, que ce soit les femmes qui prennent en charge les activités agri
coles ou, au contraire, comme dans les systèmes agricoles utilisant la
charrue, que ce soit les hommes qui effectuent ces travaux, aidés par les
femmes dans les tâches auxiliaires.
Plus les structures d'une société sont complexes, plus l'assujettisse- 328 LOURDES ARIZPE
ment de la femme tend à s'accroître, revêtant des modalités distinctes
selon les structures de production et le système patriarcal religieux ou
culturel du groupe. D'où l'importance d'éviter les générali

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