Les limites de l indépendance technologique - article ; n°119 ; vol.30, pg 545-558
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Description

Tiers-Monde - Année 1989 - Volume 30 - Numéro 119 - Pages 545-558
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Bernadette Madeuf
Les limites de l'indépendance technologique
In: Tiers-Monde. 1989, tome 30 n°119. pp. 545-558.
Citer ce document / Cite this document :
Madeuf Bernadette. Les limites de l'indépendance technologique. In: Tiers-Monde. 1989, tome 30 n°119. pp. 545-558.
doi : 10.3406/tiers.1989.3861
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1989_num_30_119_3861LES LIMITES
DE L'INDÉPENDANCE TECHNOLOGIQUE
par Bernadette Madeuf*
i. — l'indépendance technologique
Dans le domaine de la technologie, la poursuite de l'autonomie a
occupé une place centrale en Inde. Tel est d'ailleurs le titre d'un ouvrage
de B. R. Nayar (1983) qui fait le point sur la politique technologique :
India's Quest for Technological Independence. D'une certaine manière, on
pourrait même affirmer que l'indépendance technologique constitue le
cœur de l'indépendance économique et sa condition première. La technol
ogie, en effet, concerne les choix de produits et d'activités économiques,
les choix des procédés techniques et des modes d'organisation de la pro
duction, les choix de consommation. Ces choix déterminent la trame
pratique de l'existence quotidienne, et donc la base de l'organisation éco
nomique des collectivités humaines. Il s'agirait là d'une plate banalité si
les techniques modernes n'imposaient, par leur évidence aveuglante, une
conception souvent déterministe des liens entre le monde technique et
l'environnement social et économique.
Si au lieu de cette conception déterministe, on tente de sauvegarder
une approche qui intègre la complexité des liaisons entre le social et le
technique, quelle signification peut donc recouvrir l'objectif d'indépen
dance technologique pour une économie en développement ?
Une première réponse extrême, et en cela insoutenable, voit dans
l'indépendance technologique l'utilisation exclusive de techniques produites
localement : il s'agit d'autarcie technologique, dont on trouve peu d'exemple
historique véritable et qui se révèle absurde sur le plan économique.
Une seconde réponse consiste à privilégier la notion de choix que
comporte l'objectif d'indépendance technologique. Ce qui est en jeu c'est
l'extension de la gamme des possibilités techniques et la recherche de
♦ Professeur à l'Université de Paris X, larea, cerem.
Revue Tiers Monde, t. XXX, n» 119, Juillet-Septembre 1989 тм — 19 546 BERNADETTE MADEUF
l'adaptation de celles qui sont d'origine locale ou importées, aux ressources
— financières, productives, humaines — comme aux objectifs du déve
loppement. Dans cette perspective, les choix de techniques sont toujours
seconds par rapport aux choix de stratégie économique. La technologie
se trouve ainsi maintenue à un niveau strictement instrumental. Avec une
telle approche, la coexistence de technologies différentes par leur origine,
leur degré de nouveauté, leur complexité, leur utilisation des ressources,
est non seulement acceptée mais encore recherchée. En effet, de la coexis
tence de techniques traditionnelles et de techniques modernes, on peut
espérer des effets d'entraînement ou même d'innovation organisationnelle
ou économique. C'est en ce sens que l'on parle aujourd'hui de technology-
blending pour désigner l'adoption des techniques les plus avancées (par
exemple la micro-électronique ou la biotechnologie) par les petites entre
prises de pays en développement.
Une troisième réponse met l'accent plus sur les modalités d'acquisition
des techniques importées et les conditions de leur maîtrise par l'impor
tateur, que sur le contenu des acquisitions proprement dit. Le point de
départ consiste à reconnaître une double nécessité : l'accession aux tech
niques industrielles pour promouvoir le développement d'une part, et
l'importation de ces techniques auprès des firmes qui les détiennent
d'autre part. Le recours au transfert international de technologie paraît
donc inévitable. La recherche de l'indépendance passe alors simultanément
par le contrôle exercé sur les termes des contrats et sur les contractants,
et par le développement parallèle des capacités technologiques nationales
(en particulier en matière d'ingénierie et de développement de la formation).
Un quatrième type de réponse consiste à voir dans l'indépendance
technologique non pas la condition préalable de l'indépendance écono
mique, mais bien plutôt sa conséquence. La démarche revient alors à
accepter, et même à accélérer l'acquisition des technologies étrangères les
plus modernes et les plus performantes dans l'espoir de rattraper les éco
nomies industrielles avancées. A la limite, la technique la plus moderne
est toujours considérée comme la meilleure ; et peu importent les formes
du transfert de technique ou les acteurs de ces transferts (firmes multi
nationales ou non). On reconnaît là une thèse soutenue, il y a quelques
années, par A. Emmanuel (1981). L'émergence des « nouvelles » technol
ogies (micro-informatique, nouveaux matériaux, biotechnologie) relance
le débat sur le thème du rattrapage (technological leap-frogging). Ces
nouvelles technologies partagent en effet un ensemble de caractères qui
semblent mieux adaptés aux conditions locales des économies en déve
loppement. Il en est ainsi de leur flexibilité qui autorise les petites séries
et les économies de gamme au lieu des économies d'échelle, de leur moindre LES LIMITES DE L'INDÉPENDANCE TECHNOLOGIQUE 547
intensité capitalistique et leur utilisation plus intensive de travail qualifié,
de leur adaptabilitě aux petites unités de production. La rapide adoption
des nouvelles technologies par les économies en développement permettrait
à celles-ci non seulement de rattraper les économies avancées, mais surtout
de faire l'économie de l'étape de la grande industrie, fille de la seconde
révolution technologique et vecteur de l'organisation fordiste.
De ces quatre manières d'aborder l'indépendance technologique, quelle
est celle que la politique indienne illustre ? L'ouverture et la libéralisation
provoquent-elles une inflexion observable dans l'approche indienne de
l'importation de technologie ? Si changement il y a, celui-ci marque-t-il
une évolution de formes d'insertion de l'économie indienne dans l'économie
mondiale ?
II. — HÉRITAGE
Dans la réalité, la recherche de l'indépendance technologique ne se
conforme pas à un seul des types de réponses esquissés plus haut. Le
plus souvent il y a combinaison avec dominante. En ce qui concerne l'Inde,
la réponse dominante semble avoir été, jusqu'au début des années 1980,
la recherche de la multiplicité technologique (réponse du type 2) avec
un recours limité et très contrôlé à la technologie importée.
Parallèlement, la constitution d'un potentiel scientifique et techno
logique national était entreprise grâce à un effort important et continu.
L'Inde consacre un montant de ressources rapidement croissant à la science
et la technologie (st). En termes de pnb ce montant a doublé en dix ans,
passant de 0,5 % à 1 % entre 1977-1978 et 1986-19871. Cette année, 33 mil
liards de roupies (l'équivalent de 78 milliards de francs) sont dépensés
pour la science et la technologie, dont les quatre cinquièmes sont sous
la responsabilité de l'Etat central. La part des ressources privées pour
la st demeure faible (de l'ordre de 12 %) et sa progression, en dépit des
encouragements fiscaux, limitée.
L'un des résultats le moins contestable de la politique indienne réside
dans le développement des ressources humaines. Avec une main-d'œuvre
scientifique et technique de l'ordre de 2,5 millions, l'Inde se place au tro
isième rang dans le monde derrière les Etats-Unis et I'urss.
Sur le plan industriel les résultats ne sont pas à la mesure de l'ambition
1. L'effort de l'Inde se situe en part du pnb à peu près au niveau de celui de la Corée du Sud
ou de l'Australie et au-dessus de celui du Brésil. 548 BERNADETTE MADEUF
d'autonomie. D'une part, le développement technologique industriel ne
reçoit que 17 % des ressources consacrées à la ST. D'autre part, les struc

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