Les manuscrits inédits de Maine de Biran - article ; n°52 ; vol.13, pg 353-370
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Revue néo-scolastique - Année 1906 - Volume 13 - Numéro 52 - Pages 353-370
18 pages

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Publié le 01 janvier 1906
Nombre de lectures 20
Langue Français
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Extrait

Comte Domet de Vorges
Les manuscrits inédits de Maine de Biran
In: Revue néo-scolastique. 13° année, N°52, 1906. pp. 353-370.
Citer ce document / Cite this document :
Domet de Vorges . Les manuscrits inédits de Maine de Biran. In: Revue néo-scolastique. 13° année, N°52, 1906. pp. 353-370.
doi : 10.3406/phlou.1906.1954
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1906_num_13_52_1954XIII.
LES MANUSCRITS INÉDITS
DE
MAINE DE BIRAN.
Cet de La mai esprit Revue dernier profondément de Métaphysique six manuscrits méditatif, et inédits de toujours Morale de Maine a inquiet publié de Biran d'éclair- au mois ]).
cir et de perfectionner sa pensée, n'avait presque rien publié
lui-même. Son génie, très influent dans une petite société
de philosophes, rayonnait peu au dehors. C'est à Cousin
qu'il dut une popularité posthume, et il a fallu attendre
jusqu'en 1859 pour que son principal ouvrage : Essai sur
les fondements de la psychologie, fût publié par M. E. Na-
ville.
Les manuscrits nouvellement édités nous ont paru très
intéressants. Ils datent de l'époque ou Maine de Biran pré
parait son essai et discutait avec ses amis les problèmes qui
le préoccupaient. On y saisit les hésitations de sa pensée au
moment même de son élaboration. On y entrevoit aussi l'état
de la spéculation philosophique à l'aurore du xixe siècle.
Cet état était à peu près le même dans toute l'Europe.
Descartes, sans le vouloir, avait tout ébranlé en donnant
') Conversation avec Degérando et Ampère. — Discours lu dans une
assemblée philosophique. — Objections à la théorie des idées de Locke.
— Valeur du mot « principe » dans le langage psychologique. — Com
paraison des trois points de vue de Reid, de Condillac et de Tracy. —
Notes sur Malebranche. Cte DOMET DE VORGES 354
à la philosophie une base trop étroite. Un scepticisme plus
ou moins explicite régnait partout. Les esprits en grande
majorité étaient encore spiritualistes plutôt par un sentiment
élevé que par une conviction raisonnée. On sentait que les
croyances spiritualistes manquaient de base.
Après une tentative mal conçue de Locke pour rétablir
une foi raisonnable, Hume, par sa critique pénétrante,
avait définitivement ruiné les fondements de la métaphys
ique. La philosophie à la mode ne fournissait aucun moyen
de les défendre. Personne ne s'avisait de chercher le remède
où il était, en renouant le fil rompu de la grande tradition
philosophique.
Il fallait cependant une réaction : Kant l'entreprit en
Allemagne, Reid en Angleterre, Maine de Biran en France.
Kant, sorti de l'école de Wolf, tourna vers l'idéalisme.
Par ses idées a priori, il crut échapper à la critique de
Hume. Mais il ne sut point conserver la métaphysique, et,
quant à la morale, il se rejeta vers le fidéisme.
Reid, faisant appel au sens commun, formula des doc
trines sages mais sans base scientifique.
Maine de Biran n'avait pas le puissant génie de Kant,
mais il était autrement profond que Reid. Formé à l'école
de Condillac, il en avait reconnu la faiblesse ; il en avait
gardé toutefois le goût de l'observation et de l'expérience.
Comprenant aux lacunes des théories de son maître, qu'il
y a des données que la sensation n'explique pas, il voulut
chercher dans l'analyse du- fait primitif de conscience un
élément oublié qui expliquât l'origine de la connaissance
intellectuelle. S'il ne trouva pas toute la vérité, comme
nous le verrons, du moins il provoqua en France la résur
rection du spiritualisme pour une période de soixante
années.
Son exemple, et bien d'autres que nous pourrions citer,
montrent que, s'il est excessif de considérer avec M. Bru-
netière le positivisme comme mettant sur la voie du chris
tianisme, on doit reconnaître cependant chez le matérialiste LES MANUSCRITS INÉDITS DE MAINE DE BIRAN 355
qui réfléchit une aptitude plus grande pour arriver à la
vérité métaphysique que chez l'idéaliste qui se perd dans
les nuages.
I.
Le point de départ choisi par Maine de Biran étant
l'expérience intime de la conscience, il acceptait l'apho
risme fondamental de Descartes : je 'pense, donc je suis ;
mais il l'entendait autrement. Il jugeait que cet aphorisme
joint deux idées hétérogènes, le fait de la pensée, je pense
et l'âme substance, Je suis. En confondant ces deux choses
Descartes aurait ouvert la porte soit à l'idéalisme, soit au
matérialisme, selon que l'on appuierait sur l'une ou l'autre
partie de l'enthymème.
Pour Maine de Biran le mot je pense n'implique que
l'existence du moi, du sujet de la pensée, et non l'existence
d'une substance immatérielle telle que l'âme. Sans doute
de la connaissance du moi individuel et relatif, on pourra
inférer par la suite la notion de substance ; toutefois cette
notion « ne constitue pas le fait primitif, elle n'y entre pas
même directement » 1).
Maine de Biran est tellement convaincu de sa thèse qu'il
voit l'origine de toutes les objections à la connaissance du
moi, car il y en a, dans la confusion habituelle entre le moi
et la substance.
« L'existence d'un moi un, simple, identique est attestée,
de la manière la plus positive, dit-il, certissimâ scientiâ et
clamante conscientiâ » 2). Et cependant il se trouve des gens
pour découvrir un motif de doute !
Notre philosophe aurait pu en accuser -cet abus du ra
isonnement, cette manie de tout discuter qui sévissait déjà
chez les sophistes grecs. Il est des hommes pour lesquels
rien n'est certain à moins d'être démontré par un raisonne-
!) Discours lu dans une assemblée philosophique.
2) Ibid. Cte DOMET DE VORGES 356
ment. Aristote leur opposait avec raison qu'on ne peut tout
démontrer. La démonstration consistant à appuyer une
proposition sur une vérité déjà certaine, s'il n'y avait point
quelques vérités premières certaines par elles-mêmes, il n'y
aurait aucune démonstration possible.
Maine de Biran préféra faire état de la distinction du
moi et de la substance, distinction déjà si fortement
marquée par Kant, dans sa théorie du noumène. Notre
auteur considérait la substance comme quelque chose d'ex
térieur placé sous le phénomène, un socle sous une statue.
Point de vue faux, né de l'habitude des spéculations
abstraites, mais très répandu de nos jours dans le monde
philosophique. Sans doute nous sommes obligés d'étudier
séparément les conditions et la nature des substances d'une
part, et d'autre part les conditions et la nature des pro
priétés, autrement nous serions exposés à de fâcheuses con
fusions ; mais dans la réalité la substance n'est point étran
gère au phénomène. Elle en est le fond solide et pour ainsi
dire les entrailles : le phénomène n'existe que de l'existence
de substance. Connaître l'existence du phénomène, c'est
donc du même coup connaître l'existence de la substance.
Connaître l'existence du moi, c'est du même coup connaître
l'existence de F âme.
Ce qu'il y a de vrai dans la thèse de Maine de Biran,
c'est que nous ne connaissons point immédiatement la nature
de la substance. Saint Thomas a bien marqué la distinction.
Il enseigne que l'âme connaît très bien sa propre existence
dans et par son acte conscient, mais qu'on ne peut connaître
ce que c'est que cette âme que par une étude assez difficile,
diligens et subtilis inquisitio. Est-elle distincte du corps ?
Est-elle immatérielle ? Nous n'en savons rien tout d'abord.
Nous savons seulement que nous sommes un être qui existe,
qui connaît, qui a conscience d'exister et de connaître. Mais
tout ce qui existe individuellement est par là même une
substance, car le caractère essentiel de la substance c'est
d'exister en soi. MANUSCRITS INÉDITS DE MAINE DE BIRAN 357 LES
Nous convenons avec le philosophe français que les
objections contre le moi viennent en grande partie de ce
que la nature intime de notre âme no

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