Les médecins et les techniques de soins non allopathiques. Modes d'installation et formes de capital thérapeutique. - article ; n°3 ; vol.4, pg 5-49

Francis Chateauraynaud

Description

Sciences sociales et santé - Année 1986 - Volume 4 - Numéro 3 - Pages 5-49
Francis Chateauraynaud: Physicians and non allopathie techniques.
Recent increases in the use of non allopathie care methods provide a possibility to observe the ways in which forms of medical capital may be tied to forms of therapeutic capital. « Liberal », or private, practicioners depend, for a positional stability, not only on their capacity to mobilize pre-constituted medical resources, but also on the modalities of their insertion into the therapeutic market, in other words, of their access to clients. Using a correspondance analysis made on a sample of 66 practicioners, we are able to study the different ways of constructing the ties between physician, patient and illness. From generalists who use occasionally non allopathie techniques to those practitioners close to «healers», and including the defenders of new forms of specialisation, it appears that the basis for most of the current professional struggles and debates concerning «alternative» treatments are tied to the various manners of situating oneself relative to the professional space as well as the therapeutic market.
Francis Chateauraynaud : Les médecins et les techniques de soins non allopathiques.
La multiplication récente des recours par les médecins à des techniques de soins non allopathiques peut être l'occasion d'observer comment s'établissent des relations entre des formes de capital médical et des formes de capital thérapeutique. Le degré de stabilité des positions occupées par les médecins « libéraux » dans l'espace médical dépend non seulement des ressources médicales déjà constituées qu'ils peuvent mobiliser mais également de leur mode d'insertion sur le marché thérapeutique, c'est-à-dire de la manière dont ils s'attachent une clientèle. A partir d'une analyse des correspondances, effectuée sur une population de 66 médecins, on a pu dégager différents modes de construction des liens médecin/malades/maladies. Il apparaît du même coup qu'une grande partie des enjeux des luttes professionnelles et des polémiques relatives aux médecines dites « douces » peuvent être rattachés aux différentes façons de se positionner dans l'espace professionnel et sur le marché thérapeutique, depuis les généralistes exerçant ponctuellement des techniques non allopathiques jusqu'aux praticiens proches des guérisseurs, en passant par les tenants de nouvelles formes de spécialisation.
Francis Chateauraynaud : Los médicos y las técnicas de cuido non alopáticas.
La reciente multiplicación, por los médicos, de los recursos a técnicas de cuidos no alopaticás puede ser el momento propicio para observar cómo se establecen relaciones entre unas formas de capital médico y unas formas de capital terapéutico. Depende, el grado de estabilidad de las posiciones ocupadas por los médicos « liberales », no sólo de los recursos médicos ya constituidos que pueden mobilizar, sino también de su modo de inserción en el mercado terapéutico, a saber, de su capacidad a vincular una clientela. A partir de un análisis de las correspondencias hecho sobre una población de 66 médicos, se han podido sacar a luz diferentes maneras de construirse los vinculos médico/enfermo/ enfermedad. Aparece, al mismo tiempo, que una parte importante de lo que se juega en las luchas profesionales y en las polémicas relativas a las medicinas dichas « suaves » puede relacionarse con las diferentes maneras de situarse en el espacio profesional y en el mercado terapéutico, desde los generalistas que ejercen puntualmente técnicas no alopáticas hasta los médicos experimentados muy próximos a los curadores, sin olvidar a los adeptos de nuevas formas de especialización.
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: SCIENCES_SOCIALES_ET_SANTE4
• Publié le: 01 janvier 1986
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Francis Chateauraynaud
Les médecins et les techniques de soins non allopathiques.
Modes d'installation et formes de capital thérapeutique.
In: Sciences sociales et santé. Volume 4, n°3-4, 1986. Handicap et politique sociale. pp. 5-49.
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Chateauraynaud Francis. Les médecins et les techniques de soins non allopathiques. Modes d'installation et formes de capital
thérapeutique. In: Sciences sociales et santé. Volume 4, n°3-4, 1986. Handicap et politique sociale. pp. 5-49.
doi : 10.3406/sosan.1986.1039
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1986_num_4_3_1039Abstract
Francis Chateauraynaud: Physicians and non allopathie techniques.
Recent increases in the use of non allopathie care methods provide a possibility to observe the ways in
which forms of medical capital may be tied to forms of therapeutic capital. « Liberal », or private,
practicioners depend, for a positional stability, not only on their capacity to mobilize pre-constituted
medical resources, but also on the modalities of their insertion into the therapeutic market, in other
words, of their access to clients. Using a correspondance analysis made on a sample of 66
practicioners, we are able to study the different ways of constructing the ties between physician, patient
and illness. From generalists who use occasionally non allopathie techniques to those practitioners
close to «healers», and including the defenders of new forms of specialisation, it appears that the basis
for most of the current professional struggles and debates concerning «alternative» treatments are tied
to the various manners of situating oneself relative to the professional space as well as the therapeutic
market.
Résumé
Francis Chateauraynaud : Les médecins et les techniques de soins non allopathiques.
La multiplication récente des recours par les médecins à des techniques de soins non allopathiques
peut être l'occasion d'observer comment s'établissent des relations entre des formes de capital médical
et des formes de capital thérapeutique. Le degré de stabilité des positions occupées par les médecins «
libéraux » dans l'espace médical dépend non seulement des ressources médicales déjà constituées
qu'ils peuvent mobiliser mais également de leur mode d'insertion sur le marché thérapeutique, c'est-à-
dire de la manière dont ils s'attachent une clientèle. A partir d'une analyse des correspondances,
effectuée sur une population de 66 médecins, on a pu dégager différents modes de construction des
liens médecin/malades/maladies. Il apparaît du même coup qu'une grande partie des enjeux des luttes
professionnelles et des polémiques relatives aux médecines dites « douces » peuvent être rattachés
aux différentes façons de se positionner dans l'espace professionnel et sur le marché thérapeutique,
depuis les généralistes exerçant ponctuellement des techniques non allopathiques jusqu'aux praticiens
proches des guérisseurs, en passant par les tenants de nouvelles formes de spécialisation.
Resumen
Francis Chateauraynaud : Los médicos y las técnicas de cuido non alopáticas.
La reciente multiplicación, por los médicos, de los recursos a técnicas de cuidos no alopaticás puede
ser el momento propicio para observar cómo se establecen relaciones entre unas formas de capital
médico y unas formas de capital terapéutico. Depende, el grado de estabilidad de las posiciones
ocupadas por los médicos « liberales », no sólo de los recursos médicos ya constituidos que pueden
mobilizar, sino también de su modo de inserción en el mercado terapéutico, a saber, de su capacidad a
vincular una clientela. A partir de un análisis de las correspondencias hecho sobre una población de 66
médicos, se han podido sacar a luz diferentes maneras de construirse los vinculos médico/enfermo/
enfermedad. Aparece, al mismo tiempo, que una parte importante de lo que se juega en las luchas
profesionales y en las polémicas relativas a las medicinas dichas « suaves » puede relacionarse con
las diferentes maneras de situarse en el espacio profesional y en el mercado terapéutico, desde los
generalistas que ejercen puntualmente técnicas no alopáticas hasta los médicos experimentados muy
próximos a los curadores, sin olvidar a los adeptos de nuevas formas de especialización.Sociales et Santé - vol. IV - n° 3-4 - novembre 1986 Sciences
LES MEDECINS ET LES TECHNIQUES
DE SOINS NON ALLOPATHIQUES
Modes d'installation et formes
de capital thérapeutique
Francis Chateauraynaud *
Les critiques de la pratique médicale menées par des
psychanalystes ont bien mis en évidence la distinction entre
la capacité à définir et à traiter des maladies, établie en droit,
par des titres sanctionnant des savoirs et des techniques
conventionnellement reconnus, et l'art du guérisseur qui
n'est pas jugé sur ses connaissances ou ses techniques mais
sur ses réussites, sur les guérisons que lui attribuent ses
clients. Comme le montre G. Canguilhem, « pour le médecin
et le guérisseur le rapport à la guérison est inverse. Le médec
in est habilité publiquement à prétendre guérir alors que
c'est la guérison, éprouvée et avouée par le malade, même
quand elle reste clandestine, qui atteste le " don " de guéris
seur dans un homme à qui, bien souvent, son pouvoir infus a
été révélé par l'expérience des autres » [8]. Cette distinction
est analogue à celle qui a été établie par la sociologie des
religions, notamment celle de M. Weber, entre l'activité rou-
tinisée du prêtre et celle du sorcier «condamné à réussir»
(voir sur ce point Bourdieu [4]).
Au cours de sa recherche sur les guérisseurs, D. Fried-
mann s'est efforcé de mettre à l'épreuve la validité heuristi-
* Francis Chateauraynaud, sociologue, Centre d'Etudes de l'Emploi, 51
rue de la Chaussée d'Antin, 75009 Paris.
Ce texte doit beaucoup aux critiques et suggestions de Claudine
Herzlich et Laurent Thévenot, lors des exposés que j'ai effectués dans
leurs séminaires respectifs à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Sociales au cours de l'année 1985-86. Je remercie également tous ceux qui
ont bien voulu lire les versions antérieures de ce texte et m'aider à les
transformer. FRANCIS CHATEAURAYNAUD 6
que de cette distinction entre deux manières opposées de
faire la preuve dans le domaine de la maladie et de la santé :
celle qui s'appuie sur des procédures scientifiques d'adminis
tration de la preuve et celle qui repose sur la seule sanction
de « profanes ». D. Friedmann montre comment, dans l'uni
vers du « guérissage », est produit le « don » nécessaire à la
constitution et la perpétuation d'un « capital thérapeutique »
caractérisé par sa non-définition juridique, par son illégit
imité : « le guérisseur (...) doit à chaque consultation donner
la preuve renouvelée de sa compétence ; défini par la non-
possession du titre de médecin, il est condamné à donner la
mesure de l'effet thérapeutique du titre qu'il n'a pas en pro
duisant le " résultat ", à savoir la guérison ou le soulagement
qui forge sa réputation et la fidélité de sa clientèle» [13].
On se propose de regarder ce qu'il advient de cette
distinction, constituée à partir de l'opposition médecin/guér
isseur, à l'intérieur de la profession médicale et de spécifier
l'usage que l'on peut faire, à propos des médecins, de ce que
D. Friedmann nomme le « capital thérapeutique » et qu'il
identifie à l'accumulation du crédit accordé par un ensemble
de profanes à un praticien ou un groupe de praticiens. Il
semble que les travaux en sciences sociales de la santé
n'aient pas traité de manière systématique les procédés par
lesquels les médecins accumulent et stabilisent différentes
formes de capital thérapeutique en fonction de leur position
initiale, des instruments et des réseaux qu'ils peuvent mobilis
er.
Pour mettre en évidence les relations et les processus de
transformation entre des formes de capital médical, c'est-à-
dire des ressources mobilisables par les médecins, déjà stabi
lisées et définies selon des normes professionnelles, et des