Les nouveaux couples : nombre, caractéristiques et attitudes - article ; n°2 ; vol.43, pg 331-374

Catherine Villeneuve-Gokalp, Henri Leridon

Description

Population - Année 1988 - Volume 43 - Numéro 2 - Pages 331-374
Leridon (Henri) et Villeneuve-Gokalp (Catherine). — Les nouveaux couples : nombre, caractéristiques et attitudes. L'évolution des structures et des biographies familiales est de moins en moins bien mesurée au moyen des sources statistiques courantes (état civil, recensements...), en raison du développement de nouveaux modes de vie qui ne donnent pas lieu à une démarche administrative spécifique. L'enquête sur les « Situations familiales «réalisée par l'INED, avec le concours de l'INSEE, fin 1985, apporte des données nouvelles sur ces changements. Elle conduit d'abord à réviser à la hausse les estimations antérieures sur le nombre des couples cohabitant sans être mariés : ce type d'union concerne par exemple, 19 % des femmes de 21-24 ans et 17 % des hommes du même âge. La cohabitation hors mariage a presque complètement compensé la diminution du nombre des mariages, sauf, récemment, à 21-24 ans en raison d'une élévation de l'âge au départ hors du domicile parental. En début de cohabitation, les projets de mariage sont assez incertains; c'est souvent le désir d'enfant qui incite, par la suite, à envisager le mariage, même si celui-ci n'est pas un préalable indispensable à la procréation. En fait, il apparaît de plus en plus que le mariage n'est plus une norme de référence essentielle, et que les couples se bornent à en peser les avantages et les inconvénients d'une manière assez pragmatique.
Leridon (Henri) and Villeneuve-Gokalp (Catherine). — The new couples : numbers, characteristics and attitudes. Data from conventional statistical sources (civil registration and censuses) have become increasingly less adequate for the study of family structures and biographies, as a result of the development of new life styles which do not appear in administrative records. The Family Situations survey, conducted by INED with the assistance of INSEE at the end of 1985 provides new data which illuminate these changes. It shows that previous estimates of the number of unmarried cohabiting couples need to be revised upwards : the figures amounted to 19 per cent of women between the ages of 21 and 24, and to 17 per cent of men in the same age group. Unmarried cohabitation has compensated almost completely for the decline in the number of marriages, except, more recently, in the 21-24 age group, where the age when young people leave the parental home has risen. At the beginning of a union, the prospects for marriage are somewhat uncertain; it is often the desire for a child that prompts couples to marry at a later stage, even though marriage may not be a precondition for childbearing. It appears that marriage is no longer an essential standard of reference, and that couples have come to weigh its advantages and disadvantages in a pragmatic manner.
Leridon (Henry) y Villeneuve-Gokalp (Catherine). — Las nuevas uniones : numero, caracteristicas y actitudes. La evoluciôn de las estructuras y de las biografías familiares es cada vez menos bien medida sobre las fuentes de datos estadisticos corrientes (registre civil, censos, ...) debido al desarrollo de nuevos modos de vida que no dan lugar a un acto administrativo específico. La encuesta sobre las « situaciones de familia », realizada por el INED en colaboración con el INSEE a fines de 1985, suministra nuevos datos sobre estos cambios. De acuerdo con sus resultados, las estimaciones anteriores subestimarian el numero de parejas que cohabitan sin estar casados : este tipo de union concierne 19 % de las mujeres de 21 a 24 anos y 17 % de los hombres del mismo grupo de edad. La cohabitación al margen del matrimonio ha compensado casi por completo la disminución del numero de matrimonios; ello excepto en los anos recientes para el grupo de 21 a 24 anos de edad, debido al aumento de la edad en que se deja el hogar de los padres. Al comienzo de la cohabitación los proyectos de matrimonio son bastante inseguros; es a menudo el deseo de tener un hijo el factor que incita, luego, a considerar la posibilidad de casarse, incluso si este hecho no es una condition previa indispensable a la procreation. En efecto, parece ser que el matrimonio es cada vez menos una norma de referencia esencial y que las parejas se limitan a sopesar, de forma más bien pragmática, las ventajas e inconvenientes del mismo.
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: POPULATION0
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 69
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 4 Mo

Extrait

Henri Leridon
Catherine Villeneuve-Gokalp
Les nouveaux couples : nombre, caractéristiques et attitudes
In: Population, 43e année, n°2, 1988 pp. 331-374.
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Leridon Henri, Villeneuve-Gokalp Catherine. Les nouveaux couples : nombre, caractéristiques et attitudes. In: Population, 43e
année, n°2, 1988 pp. 331-374.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1988_num_43_2_17042Résumé
Leridon (Henri) et Villeneuve-Gokalp (Catherine). — Les nouveaux couples : nombre, caractéristiques
et attitudes. L'évolution des structures et des biographies familiales est de moins en moins bien
mesurée au moyen des sources statistiques courantes (état civil, recensements...), en raison du
développement de nouveaux modes de vie qui ne donnent pas lieu à une démarche administrative
spécifique. L'enquête sur les « Situations familiales «réalisée par l'INED, avec le concours de l'INSEE,
fin 1985, apporte des données nouvelles sur ces changements. Elle conduit d'abord à réviser à la
hausse les estimations antérieures sur le nombre des couples cohabitant sans être mariés : ce type
d'union concerne par exemple, 19 % des femmes de 21-24 ans et 17 % des hommes du même âge. La
cohabitation hors mariage a presque complètement compensé la diminution du nombre des mariages,
sauf, récemment, à 21-24 ans en raison d'une élévation de l'âge au départ hors du domicile parental.
En début de cohabitation, les projets de mariage sont assez incertains; c'est souvent le désir d'enfant
qui incite, par la suite, à envisager le mariage, même si celui-ci n'est pas un préalable indispensable à
la procréation. En fait, il apparaît de plus en plus que le mariage n'est plus une norme de référence
essentielle, et que les couples se bornent à en peser les avantages et les inconvénients d'une manière
assez pragmatique.
Abstract
Leridon (Henri) and Villeneuve-Gokalp (Catherine). — The new couples : numbers, characteristics and
attitudes. Data from conventional statistical sources (civil registration and censuses) have become
increasingly less adequate for the study of family structures and biographies, as a result of the
development of new life styles which do not appear in administrative records. The "Family Situations"
survey, conducted by INED with the assistance of INSEE at the end of 1985 provides new data which
illuminate these changes. It shows that previous estimates of the number of unmarried cohabiting
couples need to be revised upwards : the figures amounted to 19 per cent of women between the ages
of 21 and 24, and to 17 per cent of men in the same age group. Unmarried cohabitation has
compensated almost completely for the decline in the number of marriages, except, more recently, in
the 21-24 age group, where the age when young people leave the parental home has risen. At the
beginning of a union, the prospects for marriage are somewhat uncertain; it is often the desire for a child
that prompts couples to marry at a later stage, even though marriage may not be a precondition for
childbearing. It appears that marriage is no longer an essential standard of reference, and that couples
have come to weigh its advantages and disadvantages in a pragmatic manner.
Resumen
Leridon (Henry) y Villeneuve-Gokalp (Catherine). — Las nuevas uniones : numero, caracteristicas y
actitudes. La evoluciôn de las estructuras y de las biografías familiares es cada vez menos bien medida
sobre las fuentes de datos estadisticos corrientes (registre civil, censos, ...) debido al desarrollo de
nuevos modos de vida que no dan lugar a un acto administrativo específico. La encuesta sobre las «
situaciones de familia », realizada por el INED en colaboración con el INSEE a fines de 1985,
suministra nuevos datos sobre estos cambios. De acuerdo con sus resultados, las estimaciones
anteriores subestimarian el numero de parejas que cohabitan sin estar casados : este tipo de union
concierne 19 % de las mujeres de 21 a 24 anos y 17 % de los hombres del mismo grupo de edad. La
cohabitación al margen del matrimonio ha compensado casi por completo la disminución del numero de
matrimonios; ello excepto en los anos recientes para el grupo de 21 a 24 anos de edad, debido al
aumento de la edad en que se deja el hogar de los padres. Al comienzo de la cohabitación los
proyectos de matrimonio son bastante inseguros; es a menudo el deseo de tener un hijo el factor que
incita, luego, a considerar la posibilidad de casarse, incluso si este hecho no es una condition previa
indispensable a la procreation. En efecto, parece ser que el matrimonio es cada vez menos una norma
de referencia esencial y que las parejas se limitan a sopesar, de forma más bien pragmática, las
ventajas e inconvenientes del mismo.NOUVEAUX COUPLES : LES
Nombre, caractéristiques et attitudes
prend s'agit-il ressemblent Le la cycle d'un place comme de simple la du vie mariage deux changement familiale gouttes et s'est-il où de d'eau les vocabulaire réellement nouveaux aux anciens où modifié, enfants la cohabitation naturels ou légitbien
imes ?
L'enquête « Situations familiales », effectuée par VI NED en
1985-86 avait pour ambition de dresser un tableau précis de la
situation réelle des couples* au-delà des étiquettes juridiques.
Henri Leridon** et Catherine Villeneuve-Gokalp** nous en
donnent ici les premiers résultats qui conduisent notamment à
réviser les estimations antérieures.
En une dizaine d'années, de 1975 à 1985, le nombre de mariages
célébrés annuellement en France a baissé de 30 %, et le nombre de
naissances hors mariage a été multiplié par 2,5. Ces évolutions témoignent
d'un changement profond des attitudes et des comportements à l'égard du
mariage, qui fut pendant longtemps une étape presque obligée dans le
cycle de vie des hommes et des femmes, en relation étroite avec les projets
de procréation; et au-delà du mariage, c'est une nouvelle conception du
couple, marié ou non marié, qui a progressivement émergé à partir de la
fin des années soixante.
Très vite, en effet, on a pu constater que si les jeunes étaient de moins
en moins pressés de se marier, ils ne se détournaient pas pour autant de
la vie en couple. Pour distinguer ces nouveaux comportements des
situations traditionnelles de concubinage, et pour insister sur le caractère
souvent transitoire de ces réalités nouvelles, Louis Roussel avait proposé
l'expression « cohabitation juvénile ». Son analyse de la première enquête
réalisée par l'INED sur ce thème (l) avait montré une progression specta-
* Population a publié récemment une série d'articles détaillant ces mutations dans
plusieurs pays développés (cf les articles de K. Schwartz, A. Golini, P. Glick et de L. Roussel).
** INED.
(•) Louis Roussel, «La cohabitation juvénile en France». Population, 33 (1), 1978,
p. 15-42.
Population, 2, 1988, 331-374. 332 LES NOUVEAUX COUPLES
culaire de la cohabitation prénuptiale : 17 % des mariés de 1968-69 vivaient
déjà ensemble avant leur manage, et 44% des de 1976-77. Des
analyses ultérieures suggèrent que ces taux étaient quelque peu surestimés,
mais l'évolution était si rapide qu'ils n'anticipaient guère que de un ou
deux ans sur la réalité (2)... La fréquence de la cohabitation au moment
de l'enquête restait plus modeste (10% de l'ensemble des 18-29 ans), mais
elle concernait déjà 15% des hommes et des femmes de 22-23 ans. Fait
significatif, parmi ces cohabitants de moins de 30 ans, un tiers déclaraient
vouloir « continuer à vivre ensemble sans penser au mariage », et 14 %
refusaient même toute idée de mariage; un nouveau type d'union était
donc peut-être en train de naître.
Deux articles de Pierre-Alain Audirac ont fait récemment le point des
statistiques disponibles (3), en tirant le meilleur parti de deux sources
importantes : les recensements (1962, 1968, 1975 et 1982) et les enquêtes
Emploi (de 1982 à 1985). Pour diverses raisons (sur lesquelles nous
reviendrons), ces sources donnent une image un peu déformée des
situations matrimoniales, et sous-estiment la fréquence des cohabitations
hors mariage. En particulier, la diminution qu'elles font apparaître entre
1975 et 1982 des proportions d'hommes et de femmes de moins de 30 ans
faisant partie d'un couple (marié ou non) n'est pas confirmée par les
résultats de l'enquête que nous présenterons plus loin. Néanmoins, les
articles cités ont montré la progression considérable du nombre des