Les obstacles à l étude de  la dépendance - article ; n°91 ; vol.23, pg 461-474
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Les obstacles à l'étude de la dépendance - article ; n°91 ; vol.23, pg 461-474

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Description

Tiers-Monde - Année 1982 - Volume 23 - Numéro 91 - Pages 461-474
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Tiano
Les obstacles à l'étude de la dépendance
In: Tiers-Monde. 1982, tome 23 n°91. pp. 461-474.
Citer ce document / Cite this document :
Tiano André. Les obstacles à l'étude de la dépendance. In: Tiers-Monde. 1982, tome 23 n°91. pp. 461-474.
doi : 10.3406/tiers.1982.4136
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1982_num_23_91_4136OBSTACLES A L'ÉTUDE LES
DE LA DÉPENDANCE
par André Tiano*
Accorder une place importante à la dépendance dans l'étude des
relations internationales et dans celle du développement, c'est réagir
contre deux courants. La réaction principale vise des théories qui,
dans ces domaines, ont misé principalement sur les héritages néo
classiques et keynésiens. Le gain de l'échange, la croissance transmise,
le dualisme et la résorption progressive d'un secteur traditionnel « en
retard » et « isolé » du système mondial de production sont battus en
brèche par les chercheurs qui ont pris pour centre la dépendance. Ces
derniers dénoncent avec vigueur et raison la dépolitisation de la science
économique. Il sinsistent, de même, sur l'existence dans de nombreux
pays de processus cumulatifs de sous-développement, de paupérisation
et de dépendance. Ils énoncent avec force, et, toujours à juste titre, l'unité
profonde entre les secteurs faiblement productifs des pays sous-déve-
loppés d'une part, et d'autre part les pans de ces économies qui sont en
relation avec les pays développés dont ils partagent la philosophie et la
technologie productiviste.
Les études de la dépendance expriment souvent aussi une réaction
moins virulente, mais toute aussi réelle et justifiée contre les théories
marxistes traditionnelles de l'impérialisme. En braquant le projecteur
de la science exclusivement sur l'évolution du mode de production capi
taliste dans les pays développés, ces théoriciens ont « tracé les chemins
de l'histoire sur la peau sensible mais passive des pays dépendants >Л
Les chercheurs de la dépendance ont la volonté de prendre en compte
les luttes sociopolitiques dans les pays sous-développés eux-mêmes.
Nous partageons les réactions de ces auteurs ci-dessus évoqués qui,
* Professeur à l'Université de Montpellier I.
i. Cardoso et Faletto, Dépendance et développement en Amérique latine, puf, 1978, p. 17.
Revue Tiers Monde, t. XXIII, n° 91, Juillet-Septembre 1982 462 ANDRÉ TIANO
pour la plupart, sont originaires d'Amérique latine. Par contre, nous ne
chercherons pas explicitement à nous situer dans une pensée diverse et
en voie de formation, nous contentant simplement de marquer des
convergences avec des pays que nous ignorions quand s'est lentement
élaborée à la lumière des réalités nord-africaines notre propre pensée.
Pour qu'une recherche économique sur la dépendance soit féconde,
il faut qu'elle banisse le pessimisme, le simplisme et le totalitarisme.
Le pessimisme
Les théoriciens de la dépendance font souvent preuve de pessimisme :
le sous-développement a été installé dans des pays pauvres, déséquilibrés
par l'invasion des produits ou des capitaux des pays développés. La
marginalisation des artisans et des agriculteurs qui les nourrissaient crée,
avec les conditions de l'échange inégal, un processus de « développement
du ». Qu'un sursaut révolutionnaire ou nationaliste
exproprie les étrangers, réforme les structures agraires, amorce une
industrialisation, multiplie les contacts avec d'autres pays du Tiers Monde,
nos Cassandre diagnostiquent le pire : l'importation de technologies
étrangères augmente; l'endettement oblige à accroître les exportations;
les efforts de modernisation de l'agriculture, de développement des
infrastructures dans les régions les plus éloignées, de mise en place
d'institutions bancaires sont autant de mailles d'un filet qui enserre le
pays et le transforme en enclave de l'étranger. Une politique de présence
dans les unions régionales ou dans des pays plus sous-développés
constitue le pays qui s'y livre en « relais de l'impérialisme », c'est-à-dire
un maillon encore plus solide de la chaîne de la dépendance. Les théori
ciens des pays sous-développés ont des raisons d'être pessimistes : dans
certains cas, ils n'ont jamais eu la moindre lueur d'espoir et il est difficile
à des intellectuels du Paraguay, du Tchad, d'Haïti, d'espérer que leur
pays progressera dans la voie de ceux d'Amérique latine. D'immenses
espoirs ont animé la lutte pour le développement des années 1950, et la
décennie suivante a été décevante pour beaucoup d'entre eux. Mais on
ne peut marquer du sceau d'infamie de l'approfondissement de la dépen
dance les politiques ou les situations les plus opposées : l'excédent de la
balance commerciale et l'endettement; l'importation des biens de pre
mière nécessité et celles des équipements qui ont pour objet de les pro
duire; le caractère d'enclave d'une unité exportatrice isolée du reste du
pays et la multiplication des effets induits dans les autres secteurs de
l'économie lorsqu'on impose à cette unité d'utiliser des consommations
intermédiaires ou des services nationaux; l'absence de cadres nationaux l'étude de la dépendance 463
et la présence de formateurs étrangers, etc. C'est vrai que chacune de ces
situations est, ou peut être, pire que le mal. Un pays qui renonce à
exploiter son minerai de fer pour le transformer dans des produits
sidérurgiques qu'il ne parvient ni à consommer ni à vendre à l'étranger
à un prix rémunérateur est en régression si la situation est durable. Mais
nous soutenons qu'à un moment donné, dans un contexte donné, une
politique engendre plus ou moins de dépendance qu'une autre. Il est
donc possible de diagnostiquer un recul ou un progrès dans la voie de
l'indépendance. П nous apparaît donc nécessaire, chaque fois, que l'on
critique une politique de désigner l'autre terme de l'alternative qui
devrait lui être préféré.
Le pessimisme de bien des auteurs prend aussi la forme d'une pré
détermination absolue qui s'imposerait aux pays dépendants. Nombreux
sont les économistes progressistes qui ont ressuscité l'Etre suprême dont
la « main invisible » tord le cou des pays sous-dé veloppés. « Le processus
d'accumulation du capital mondial » n'a pas permis le succès des tenta
tives de développement de Pombal au Portugal, Lopez au Paraguay et
Mehemet Ali en Egypte2. Les multinationales « exportent des segments
non articulés les uns aux autres de manière à conserver le contrôle de la
vie économique à l'échelle mondiale »3. Et les tournures de phrases de
Marini4 sont significatives : « la division internationale du travail veut
que... », « la réorganisation du système de production de l'Amérique
latine dans le cadre de l'intégration impérialiste a amené... », « on trans
fère aux pays d'Amérique latine... », « on n'a rien trouvé de mieux que... ».
Cette prédétermination du comportement des pays dépendants peut
prendre une forme plus subtile, celle d'un postulat de relation mécanique
entre les intérêts des forces d'oppression externes et les comportements
des pouvoirs dans les pays sous-développés5. Si c'était vrai, il serait
évident que tout effort d'indépendance serait impossible dans les pays
sous-développés puisqu'il irait à l'encontre des intérêts des pays déve
loppés ou du moins de leurs forces dominantes. Mais ce postulat est le
fruit de l'insuffisance d'études empiriques6, et il est aussi irréaliste que
son contraire : la conviction que les bourgeoisies du Tiers Monde se
comportent suivant un modèle universel comme l'ont fait celles des pays
2. André Gunder Frank, U accumulation dépendante, Anthropos, 1978, p. 165.
3. Samir Amin, Le nouvel ordre économique international. Quel avenir ?, in Tiers Monde,
1981.
4. Marini.
5. Par exemple, André Gunder Frank, U accumulation dépendante, p. 336.
6. Peixoto,

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