Les représentations de la régulation normative de la vie quotidienne - article ; n°4 ; vol.22, pg 103-119

Grazyna Skapska

Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1991 - Volume 22 - Numéro 4 - Pages 103-119
Views of the normative ordering of everyday life.
As in the case of Ch. Kourilsky's article, the author bases herself on the data of the comparative study on juridical socialization, in pre-adult years, which was undertaken in 1987-1988 ; she offers an analysis of views of the concept of private law among children and adolescents in Poland. This leads her to the conclusion that communist ideology's effort to inculcate the notion of collective ownership has been a failure. At the same time, the progressive deterioration of order in everyday life under the socialist regime has brought about a destruction of social norms, in particular, within the framework of juridical socialization, a change in the view that the individual has of himself as the possessor of rights. The author puts forward the theory that this self-image could be reborn through the idea of the rights of individual ownership which have remained firmly implanted in the individual consciousness.
S'appuyant, comme l'article de Ch. Kourilsky, sur les données de l'enquête comparative sur la socialisation juridique avant l'âge adulte menée en 1987-1988, l'auteur opère une analyse des représentations des concepts de droit privé chez les enfants et les adolescents polonais qui lui permet de conclure à l'échec de l'inculcation de la notion de propriété collective par l'idéologie communiste. Cependant la détérioration progressive de l'ordre de la vie quotidienne sous le régime socialiste a entraîné une « destruction de la normativité sociale » et notamment, au plan de la socialisation juridique, une altération de la conception que l'individu a de lui-même en tant que sujet de droits. L'auteur formule l'hypothèse que cette image de soi pourrait renaître à travers la notion des droits de propriété individuels demeurés forts dans la conscience individuelle.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_D-ETUDES_COMPARATIVES_EST-OUEST
• Publié le: 01 janvier 1991
• Nombre de lectures: 38
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Grazyna Skapska
Les représentations de la régulation normative de la vie
quotidienne
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 22, 1991, N°4. pp. 103-119.
Abstract
Views of the normative ordering of everyday life.
As in the case of Ch. Kourilsky's article, the author bases herself on the data of the comparative study on juridical socialization, in
pre-adult years, which was undertaken in 1987-1988 ; she offers an analysis of views of the concept of private law among
children and adolescents in Poland. This leads her to the conclusion that communist ideology's effort to inculcate the notion of
collective ownership has been a failure. At the same time, the progressive deterioration of order in everyday life under the
socialist regime has brought about a "destruction of social norms", in particular, within the framework of juridical socialization, a
change in the view that the individual has of himself as the possessor of rights. The author puts forward the theory that this self-
image could be reborn through the idea of the rights of individual ownership which have remained firmly implanted in the
individual consciousness.
Résumé
S'appuyant, comme l'article de Ch. Kourilsky, sur les données de l'enquête comparative sur la socialisation juridique avant l'âge
adulte menée en 1987-1988, l'auteur opère une analyse des représentations des concepts de droit privé chez les enfants et les
adolescents polonais qui lui permet de conclure à l'échec de l'inculcation de la notion de propriété collective par l'idéologie
communiste. Cependant la détérioration progressive de l'ordre de la vie quotidienne sous le régime socialiste a entraîné une «
destruction de la normativité sociale » et notamment, au plan de la socialisation juridique, une altération de la conception que
l'individu a de lui-même en tant que sujet de droits. L'auteur formule l'hypothèse que cette image de soi pourrait renaître à travers
la notion des droits de propriété individuels demeurés forts dans la conscience individuelle.
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Skapska Grazyna. Les représentations de la régulation normative de la vie quotidienne. In: Revue d’études comparatives Est-
Ouest. Volume 22, 1991, N°4. pp. 103-119.
doi : 10.3406/receo.1991.1526
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1991_num_22_4_1526représentations de la régulation Les
normative de la vie quotidienne
Grazyna SKAPSKA*
1 — La vie quotidienne — relations et interactions quotidiennes,
normes suivies quotidiennement, valeurs partagées, définitions des buts et
objectifs, représentations dans le langage parlé des objets sociaux, connais
sances communes et solutions pratiques quotidiennes de problèmes prati
ques communs —, constitue une dimension importante du fonctionnement
du système social et des expériences humaines de la société. La démocratie
de la vie quotidienne constitue un aspect important du du
système politique démocratique, la domination politique caractéristique
des régimes autoritaires et totalitaires s'accompagnant trop souvent d'une
domination dans les relations quotidiennes entre patrons et employés,
parents et enfants, professeurs et élèves.
L'« anormalité » de l'échange économique, les combats et les démarches
illégales entrepris pour obtenir les biens les plus simples, les files d'attente,
le marché noir en dépit des sanctions pénales draconiennes prévues par la
loi martiale, qui ont conféré de plus en plus d'importance à la possession
des biens, même les plus élémentaires, ont également constitué un domaine
d'expérience de la vie quotidienne et du processus d'apprentissage pour les
personnes qui sont nées et ont grandi pendant cette période de dégradation
du socialisme marxiste.
La vie quotidienne constitue une dimension du système social dans
laquelle les institutions sociales ont leurs racines et leur signification. La
culture populaire, le racisme, l'esprit de soumission ou encore l'égoïsme
individuel ou collectif1 au même titre que le partenariat dans les relations
et la prise de décision en commun, les règles d'honnêteté courante (fair-
play) dans les interactions de la vie quotidienne, la valeur accordée à la
responsabilité découlant des actions et des paroles personnelles, les
promesses données et les contrats conclus, constituent le cadre de presque
toutes les actions et relations sociales.
* Université de Cracovie, Institut de Sociologie.
1. Tarkowska, Tarkowski (1990).
103 Skapska Grazyna
La régulation normative de la vie quotidienne constitue des « règles du
jeu » évidentes, communément acceptées. Celles-ci fonctionnent sous la
forme d'un savoir tacite, de mesures allant de soi, de concepts et de
croyances admis. Elles posent les cadres de référence et les limites de
l'interaction sociale de même qu'elles représentent des institutions sociales
telles que la loi dans la vie quotidienne2.
Les normes primaires, considérées comme allant de soi, les connaissan
ces communes, tacites, les idées, les valeurs, les représentations de la réalité
sociale constituent également une dimension importante du fonctionne
ment du système économique. Cette observation est fortement soulignée
par les représentants de l'école néo-classique de l'économie. La coopéra
tion volontaire des agents du marché libre — les transactions conclues,
volontaires et informelles, le libre échange caractéristique de l'économie de
marché — s'accompagne, selon les auteurs les plus éminents, de toute une
série de croyances, de valeurs, de normes et de traditions qui constituent
le cadre de l'échange de marché. Ces normes et valeurs ont la plupart du
temps un caractère évident et même habituel — c'est spontanément qu'elles
sont appliquées et suivies, elles constituent une « seconde nature » des
agents qui agissent.
Par conséquent, comme le souligne L. Friedman, « que ce soit dans les
jeux ou dans la société... aucun ensemble de règles ne peut prévaloir sans
que la plupart des participants s'y conforment la plupart du temps malgré
l'absence de sanctions extérieures, sans qu'il existe un large consensus
sous-jacent » \
Soulignant l'importance des habitudes et le caractère indiscutable,
tacitement accepté des normes et valeurs partagées dans le processus
d'échange économique, le même auteur écrit également que le fondement
de la société libre et de l'économie libre, la notion de propriété privée
« telle qu'elle s'est développée au cours des siècles et telle qu'elle est
incarnée dans nos codes juridiques, est devenue à un tel point partie de
nous que nous tendons à la considérer comme allant de soi, et ne parvenons
à reconnaître la mesure dans laquelle précisément les éléments constitutifs
de la propriété et les droits qu'elle confère sont des créations sociales
complexes plutôt que des propositions évidentes » 4.
L'étroitesse des liens entre les transactions économiques et les normes
« habituelles », allant de soi, tacitement acceptées et les croyances de la vie
quotidienne est parfaitement comprise par la théorie du droit privé.
Celle-ci nous apprend que : « le droit privé est un droit de la vie quoti
dienne. Il n'est pas associé à la crainte révérentielle qui accompagne le
droit pénal ; l'on n'y sent pas la pression de l'appareil d'État aussi
2. Berger, Luckmann (1966).
3. Friedman (1976).
4.(1976, p. 26).
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fortement que dans le cas du droit public. La manière dont il opère est
parfois imperceptible. Mais il est symptomatique que par exemple, dans les
discussions relatives au modèle économique, les mesures administratives
soient opposées aux mesures économiques alors que, dans la réalité, ces
dernières revêtent la forme de concepts de droit privé » 5.
Douées de ce caractère évident, prosaïque, les institutions de droit privé
sont liées aux activités quotidiennes des acteurs humains d'une double
manière : elles fonctionnent, d'une part, à l'intérieur du cadre des normes
et croyances communes qui font la « réalité des interactions » de l'échange
économique et el